D’après la dernière enquête nationale périnatale (2010), 44 % des femmes, soit presque 1 femme sur 2, auraient une épisiotomie durant leur premier accouchement. Cette pratique controversée que les femmes ont parfois du mal à accepter mérite quelques éclaircissements…
L’épisiotomie, qu’est-ce que c’est ?
L’épisiotomie a été décrite pour la première fois en Europe en 1742. Depuis, elle a connu des heures de gloire, s’imposant dans le champ de la médecine obstétrique comme une technique de choix pour limiter les complications liées à l’accouchement, notamment les déchirures du périnée (Fig. 1). L’épisiotomie consiste en une incision au niveau des muscles superficiels du périnée, l’objectif étant d’agrandir l’orifice vulvaire pour faciliter la sortie du bébé (Fig. 2). Elle est réalisée sous l’effet de la péridurale ou sous anesthésie locale sur des muscles étirés, au moment où la tête du bébé est pratiquement sortie. La suture de l’épisiotomie se fait immédiatement après l’accouchement.
La remise en question
Il a fallu attendre les années 1990 pour que le recours systématique à l’épisiotomie soit remis en question. Jusqu’alors, l’épisiotomie était réalisée par les sages-femmes ou les médecins de manière souvent systématique lors du premier enfant ou en cas d’utilisation de forceps. « En plus de prévenir les déchirures, on attribuait également à l’épisiotomie des actions préventives sur le prolapsus – encore appelé “descente d’organes” – ou l’incontinence urinaire d’effort, qui ont été plus tard contredites », indique le Dr François Goffinet, gynécologue obstétricien à la maternité Port Royal de Paris. Une prise de conscience qui, associée à des études scientifiques, a progressivement mené à l’instauration d’une politique restrictive visant à limiter le nombre d’épisiotomies en France. Le résultat ne s’est pas fait attendre : d’après la dernière enquête nationale périnatale de 2010, le taux d’épisiotomie a été réduit d’environ un tiers chez les primipares (les femmes qui accouchent pour la première fois) entre 1998 et 2010, passant de 71 à 44 %. Des données plus récentes devraient être publiées à la fin de l’année 2017, et indiqueront certainement un pourcentage encore plus faible, dans la lignée de cette politique restrictive.
Objectif 0 % ?
Mais l’objectif 0 % d’épisiotomie est-il atteignable ? « Il ne faut pas faire de confusion, prévient le Dr François Goffinet. Ce n’est pas parce que nous avons montré que les épisiotomies systématiques ne présentaient pas d’intérêt que nous devons pour autant les éliminer totalement ». Au Danemark, l’expérience “vers 0 % d’épisiotomie” a déjà été réalisée. Résultat ? « Le taux de déchirures graves a augmenté », signale le gynécologue. Par déchirures graves, il faut en- tendre la déchirure du périnée complet, c’est-à-dire jusqu’au sphincter de l’anus.
Le rôle des professionnels de santé
C’est donc aux professionnels de santé de juger de l’intérêt ou non de l’épisiotomie, dans une fenêtre temporelle assez courte, puisque la décision ne peut se prendre qu’au moment où la tête du nourrisson s’apprête à sortir. « Il y a certes une part de subjectivité dans la prise de décision, celle-ci étant laissée à l’appréciation de professionnels de santé qui réagissent chacun en fonction de leurs expériences antérieures », admet le Dr Goffinet. Cela peut expliquer en partie pourquoi les taux d’épisiotomies diffèrent à ce point d’une maternité à une autre, et d’un professionnel à l’autre. Ainsi, aucun élément ne permet de prédire si une femme aura besoin ou non d’une épisiotomie lors de son accouchement, même s’il est connu qu’une première grossesse augmente le risque. « Il m’est donc déontologiquement impossible d’assurer à une femme qui me le demande qu’elle n’aura pas d’épisiotomie lors de son accouchement », indique le Dr François Goffinet, qui mise sur le climat de confiance instauré dans son cabinet et sur une bonne information de la patiente pour limiter les angoisses et appréhensions légitimes.
Des solutions alternatives à l’épisiotomie ?
Depuis quelque temps, des méthodes alternatives font surface dans l’idée de pouvoir limiter le recours à l’épisiotomie. C’est le cas du massage périnéal, effectué dans l’objectif de préparer les muscles à l’accouchement en augmentant leur élasticité et dont certains résultats scientifiques semblent montrer un bénéfice. Ou encore de la fameuse méthode Epi-No, inspirée d’une peuplade ougandaise dans laquelle les femmes préparent leur accouchement à l’aide de calebasses de diamètres progressifs. Très à la mode dans les pays scandinaves, la méthode Epi- No consiste à introduire dans son vagin une petite poire en silicone souple, puis à la gonfler à l’aide de légères pressions sur une pompe avant de l’expulser en tirant sur le tuyau. La technique peut être débutée dès le milieu du 3e mois et jusqu’à la veille de l’accouchement, en augmentant progressivement le diamètre de la poire. Là encore, l’objectif est de muscler le périnée pour éviter les déchirures au moment de l’accouchement et les complications telles que l’incontinence urinaire d’effort ensuite. Cependant, le Dr François Goffinet reste prudent concernant ces diverses méthodes de préparation à l’accouchement : « J’ai bien entendu des patientes qui les utilisent, mais je ne les recommanderai pas tant qu’il n’y aura pas de données qui auront montré une réelle efficacité », indique-t-il.
Que faire en cas de douleurs ?
La cicatrisation d’une épisiotomie dure généralement entre 3 jours et plusieurs semaines. Les premiers jours, la douleur peut être intense. Elle varie en fonction de la patiente et de la taille de l’épisiotomie. En cas de douleur, il est recommandé de prendre des antidouleurs, en alternant paracétamol et anti-inflammatoires. Si les douleurs persistent au-delà de quelques mois, il existe des solutions : n’hésitez pas à en parler à votre sagefemme ou gynécologue
Quels sont les soins à réaliser ?
Les soins sont les mêmes que pour toute autre cicatrice cutanée. Il est recommandé de faire une toilette avec un savon au pH neutre et de sécher la cicatrice en la tamponnant avec une compresse.
À savoir
Une femme qui a eu une épisiotomie pour son premier enfant n’en aura pas forcément besoin pour les autres.
Clémentine Vignon