Développée pour l’aide au sevrage tabagique, la cigarette électronique est de plus en plus utilisée. Mais des questions sont soulevées concernant ses composants, son utilisation chez les jeunes ou encore sur les stratégies marketing employées. Le docteur René Maarek, addictologue et pharmacien d’officine fait le point.
La cigarette électronique (aussi appelée CE, vape, vapoteuse ou encore vaporette), dont la forme s’inspire de la cigarette, sert à délivrer de la vapeur artificielle, souvent aromatisée, contenant ou non de la nicotine. “Vapoter” désigne le fait d’aspirer cette vapeur, obtenue par l’échauffement d’une solution liquide. Ces “e-liquides” sont généralement composés de propylène glycol et de glycérol (ou glycérine végétale), de divers arômes et éventuellement de nicotine. À ceux-ci peuvent être ajoutés des additifs (colorants, édulcorants, exhausteurs de goût…).
Les constituants des vapes : quels dangers ?
Les constituants inhalés peuvent être nocifs et irritants. Et, selon le fabricant, les mélanges varient, avec des milliers d’arômes différents. « Il faudrait bannir les molécules irritantes, sensibilisantes, comme les arômes, et les additifs inutiles. Au niveau de la stabilité thermique et chimique, on ne sait pas trop comment ces molécules se comportent à température élevée », explique René Maarek, qui ajoute « ce qui est gênant dans la cigarette électronique, c’est que ce produit a échappé aux pharmacies. Elles ne se vendent pas en pharmacie et, de ce fait, ne sont pas contrôlées de façon pharmaceutique ».
Une dépendance à la vape ?
L’effet de la nicotine et des sels de nicotine, expliqué par le docteur René Maarek
« La nicotine est un produit psychoactif et son effet au niveau du cerveau se fait ressentir entre 9 et 18 secondes, ce qui est très rapide et fait qu’on peut devenir accro. En fonction des cigarettes électroniques, le problème est que certaines utilisent de la nicotine et d’autres des sels de nicotine. Les sels de nicotine sont en réalité des “anesthésiants” du ressenti en gorge de la nicotine. Par conséquent, vous inhalez sans vous en apercevoir des doses explosives de nicotine qui rendent réellement addict ».
Vous remarquerez que, chez certains vapoteurs, leur vape est presque devenue une prolongation de leur main. Ce besoin de tirer dessus en continu a une explication physiologique, avant de devenir comportemental.
L’addictologue René Maarek nous éclaire : « Une personne qui fume une cigarette va l’aspirer et la consommer assez rapidement. Avec la cigarette électronique, les gens sont toujours en train de “ téter” comme un nourrisson. En réalité, ce phénomène vient du fait que, par la composition du produit, la nicotine n’agit pas aussi fortement au niveau du système nerveux. Le solvant contient du propylène glycol et de la glycérine végétale, et ces deux éléments combinés empêchent une libération rapide de la nicotine au niveau du cerveau. À la différence d’une cigarette où on avale une taffe et on ressent une bonne sensation immédiatement, la cigarette électronique n’apporte pas la dose suffisante pour avoir le ressenti recherché. Il faut donc pomper en permanence pour finalement ne jamais atteindre l’effet recherché mais un niveau acceptable. Cette raison physiologique explique que certaines personnes passent leurs journées avec leur cigarette électronique. Au niveau comportemental, elles s’habituent alors à l’avoir en permanence en main et en bouche, elle fait partie de leur vie. »
Les dérives de la cigarette électronique
L’influence marketing
« Le gros problème est qu’au niveau de la communication marketing, on a complètement oublié de rappeler que la vape est un produit qui aide à l’arrêt du tabac ou qui diminue les risques liés à la fumée de cigarette. Il y a une dérive marketing sur le plaisir, avec des arômes de plus en plus sucrés et des formulations beaucoup plus complexes », explique le Dr René Maarek.
Une nouvelle tendance va jusqu’à confectionner ses mélanges soi-même, appelé le DIY (Do It Yourself). La cigarette électronique est devenue un marché florissant.
La Puff, une initiation au tabac pour les jeunes
Les produits de vapotage auraient un rôle initiateur à la consommation de tabac pour les adolescents. Notamment depuis l’arrivée des « Puffs », des cigarettes électroniques prêtes à l’emploi, intégrant une batterie préchargée, préremplie de liquide, et entièrement jetables. Une Puff ne coûte pas très cher (8 à 12 € selon sa contenance), délivre jusqu’à 500 ou 800 bouffées et propose de nombreuses saveurs, avec nicotine ou non. Ces vapes utilisent un marketing réalisé sur-mesure pour des jeunes consommateurs, et ne sont donc plus du tout dans une politique de réduction des risques. L’Académie nationale de médecine précise qu’elles induisent « un phénomène de dépendance au geste de vapotage, qui peut représenter un nouveau mode d’entrée dans l’addiction à la cigarette, renforcée ensuite par l’usage de Puffs contenant de la nicotine ».
En 2022, un adolescent sur dix disait avoir déjà utilisé la Puff, d’après l’Alliance contre le tabac, et « 28 % d’entre eux ont commencé leur initiation à la nicotine à travers ce produit ». Dès lors, ces vapes n’ont plus rien d’un outil de sevrage. « Les Puffs contiennent des produits relativement toxiques et la nicotine a été remplacée par des sels de nicotine, dosés au maximum pour créer l’addiction », ajoute le Dr René Maarek. Pour couronner le tout, la Puff faite de plastique et d’une batterie en lithium est entièrement jetée une fois utilisée.
Interdiction des Puffs en France
Dans le cadre du plan anti-tabac prévu pour la période 2023-2028, Elisabeth Borne a déclaré, le 3 septembre 2023, lors d’un entretien accordé à RTL, que les Puffs seraient prochainement interdites.
« On a complètement oublié de rappeler que la vape est un produit qui aide à l’arrêt du tabac »
L’intérêt de la cigarette électronique
La cigarette électronique est plus intéressante que la fumée de tabac par la différence de température : l’aérosol de la vape est chauffé entre 50 et 250°C, contrairement à la cigarette traditionnelle pour laquelle la température du foyer peut atteindre 500 à 900 degrés. Ceci entraîne une combustion et la formation de fumées toxiques et de goudron, qui ne sont pas présents avec la cigarette électronique. Les risques dus à ces fumées toxiques sont donc considérablement réduits.
La cigarette électronique est-elle réellement efficace ? René Maarek nous répond.
« Pour être réellement efficace, elle doit être accompagnée de conseils d’un professionnel de santé. Il y a une possibilité de produire des cigarettes électroniques beaucoup plus vertueuses, avec peu de composants et moins nocifs, en enlevant le propylène glycol et la glycérine végétale et les remplaçant par du Végétol, qui n’est pas un produit irritant. Et évidemment sans arôme et sans support marketing. La cigarette électronique peut vraiment aider certains consommateurs, en l’utilisant comme un outil de sevrage tabagique, autant que les patchs ou les gommes, avec un accompagnement par un entretien motivationnel pour rester toujours dans leur optique et motivation intrinsèques. Une prise en charge globale. Mais pour cela, il faut autoriser les pharmaciens à délivrer des cigarettes électroniques, avec des contrôles de fabrication, de qualité et des standards pharmaceutiques. »
Le Végétol, c’est quoi ?
Le Végétol est le nom de marque du 1,3 propanediol, un composé d’origine végétale utilisé comme support des arômes alimentaires et qui a été introduit dans la cigarette électronique dès 2014 après des années de recherche. Contrairement au propylène glycol de synthèse, le Végétol est produit par biofermentation de la glycérine végétale, il est non irritant des voies respiratoires et nettement plus résistant à la température, tout en assurant une délivrance rapide et efficace de la nicotine.
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Par Lise de Crevoisier
Crédits : Gettyimages





