Gel, pilule, piqûre : un panel d’options pourrait enfin offrir aux hommes la possibilité de s’occuper de contraception. D’où viennent ces méthodes contraceptives masculines ? Comment fonctionnent-elles ?
Quelles sont les plus prometteuses ?
Les inégalités femmes-hommes touchent tous les champs de la société : travail, famille et contraception… Les moyens d’éviter une grossesse non désirée sont systématiquement proposés aux femmes : pilules hormonales, dispositif intra-utérin (stérilet hormonal ou non), implant, anneau, etc. Mais il se pourrait que les choses changent – relativement – bientôt. Et que les hommes prennent, aussi, leur part dans la contraception.
« C’est la méthode la plus avancée, s’enthousiasme la Pr Régine Sitruk-Ware, à propos du gel transdermique NES/T. Endocrinologue et scientifique émérite au Population Council, l’ONG américaine qui développe ce gel avec le NIH (l’équivalent de l’Inserm aux États-Unis), elle poursuit : « Nous avons espoir de le voir approuvé avant la fin de cette décennie ! »
Ce gel hormonal, à appliquer quotidiennement sur les épaules, est composé d’un progestatif – la nestorone – et d’un androgène, la testostérone. Il permet de ralentir la production de spermatozoïdes jusqu’à atteindre l’azoospermie. C’est-à-dire le seuil contraceptif chez les hommes, défini à moins d’un million de spermatozoïdes par millilitre de sperme. En 4 à 12 semaines, la production de spermatozoïdes chez l’homme est quasiment bloquée, avec un taux d’efficacité entre 85 et 90 %.
Et après arrêt du gel NES/T, que dit l’étude de phase 2B, lancée en 2018 sur 462 couples volontaires ? « La réversibilité est totale, pour l’instant, assure la Pr Sitruk-Ware. Les couples qui voulaient avoir des enfants ont eu des enfants. Nous les avons suivis, ils sont normaux et en bonne santé. »
Un retard dicté, entre autres, par le marché
À ce jour, seuls les préservatifs, efficaces à 85 % en pratique, et la vasectomie, efficace à 99 %, permettent un contrôle contraceptif masculin. La vasectomie est toutefois considérée comme irréversible, car l’opération inverse présente des taux de réussite variant de 30 à 70 %, dans les 3 ans post-opération. Des taux qui chutent par la suite.
Alors que la première pilule contraceptive féminine est commercialisée dans les années 1960, pour les hommes, le développement tarde. Pourtant, des recherches ont démarré dès les années 1970. Le rôle de la testostérone injectée paraît alors très prometteur.
Des études, orchestrées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1990 et 1996, confirment la validité et la bonne efficacité de la testostérone en tant que contraceptif. Mais des effets indésirables liés aux fortes doses d’androgènes utilisées entachent les recherches : prise de poids, baisse de la libido et de la fonction sexuelle, troubles de l’humeur… Qui sont cependant monnaie courante pour les traitements proposés aux femmes.
Le XXIe siècle s’ancre dans un nouveau concept : l’ajout d’un progestatif, hormone stéroïdienne imitant la progestérone, en plus de la testostérone. Le progestatif permet de faire baisser la production de testostérone et donc de spermatozoïdes. L’androgène, lui, compense les effets de cette baisse et limite les effets indésirables.
Ce cocktail d’hormones donne lieu à des essais concluants, lancés par l’OMS en 2008. Résultats : sur les 266 couples suivis, 96 % des hommes atteignent l’azoospermie. Mais l’OMS décide de tout arrêter, mettant en avant la fréquence des troubles de l’humeur, dont certains sévères. Sauf qu’une fois l’étude rendue publique, surprise, 62 des 65 troubles rapportés provenaient d’un seul centre indonésien. L’étude a-t-elle était bien conduite là-bas ? Peut-être qu’un biais de recueil des données s’est glissé dans ce centre. Mystère…
Le manque d’investissement des laboratoires pharmaceutiques pour soutenir les essais cliniques a ralenti la mise sur le marché. Préoccupations concernant les rendements financiers, obstacles réglementaires, croyances religieuses, préjugé général selon lequel la planification familiale est un « problème de femme » : plusieurs raisons expliquent ce retard, mais pas l’efficacité de la méthode.
Pilules et vasectomie réversible
Désormais, plusieurs essais sont en cours. Une pilule nommée « DMAU » et une autre, « 11βMNTDC », parviennent à interrompre en 1 mois la spermatogenèse. « Le DMAU est un projet initié par le NIH qui a été développé jusqu’à une étude de 3 mois de recherche de dose en phase 2A [pour estimer la tolérance de la molécule, ndlr] et qui va peut-être entrer en phase 2B [pour estimer la dose thérapeutique de la molécule, ndlr] prochainement, détaille Régine Sitruk-Ware. On ne peut pas donner les androgènes, comme la testostérone, par voie orale, car c’est toxique pour le foie. Mais si l’on change la molécule pour un progestatif androgénique, comme le DMAU justement, cela n’a pas d’impact sur le foie et surtout, cela remplit la fonction de blocage du sperme et de remplacement de l’androgène en même temps. »
D’autres chercheurs poursuivent des pistes sans hormone. Comme la start-up californienne YourChoice Therapeutics qui développe le YCT-529, une pilule ciblant le récepteur de l’acide rétinoïque – un dérivé naturel de la vitamine A –, indispensable à la spermatogenèse. De premières études chez l’homme ont approuvé sa sécurité. Des essais quant à son efficacité sont en cours.
Des méthodes par injection d’un gel dans les canaux déférents, qui va donc bloquer le sperme, se développent aussi.
« C’est une vasectomie réversible, précise la Pr Sitruk-Ware. Tout simplement, car le gel est biodégradable ». C’est le cas du gel ADAM, développé par Contraline Inc, qui – contrairement à d’autres prototypes de gel, qui nécessitent l’injection d’une solution pour le dégrader – se liquéfie naturellement au bout de 1 an. La première série d’essais sur l’homme a été approuvée pour ADAM et s’est conclue favorablement, en Australie en 2025.
Dans un futur proche, il se peut que l’accès à la contraception pour les hommes réduise un peu les inégalités femmes-hommes. Mais, comme alerte la Pr Sitruk-Ware, le changement d’administration états-unienne risque de mettre des bâtons dans les roues…
Un petit coup de chaud
Si vous chauffez des testicules à la température du corps (37 °C), la spermatogenèse s’arrête presque. Elles se trouvent donc à l’extérieur, où une température de 34 à 36 °C est nécessaire à leur bon fonctionnement. De là, des entreprises proposent des méthodes thermiques en guise de contraceptif. Le « Remonte-Couilles toulousain » ne chauffe pas, mais vient coller les parties sur le bas-ventre, où la chaleur s’échange. L’AndroSwitch, en anneau, suit le même principe. Depuis 2021, ce dernier est en cours de vérification, à la demande de ANSM. En revanche, slip comme anneau doivent être portés 15 h par jour pour être efficaces… Enfin, le SpermaPause, doté lui d’une compresse thermique, réchauffe les testicules à 41°C. Il doit être porté environ 3h/jour. Ces méthodes semblent réversibles, et leur efficacité peut être vérifiée par un spermogramme (mesure du nombre de spermatozoïdes) mais n’ont pas encore été étudiées à grande échelle.
Par Sacha Citerne





