Respirer par la bouche est une adaptation de l’organisme lors de l’effort pour recueillir plus d’oxygène lorsque la respiration nasale ne suffit plus. En revanche, au repos, la respiration physiologique est nasale. Pourtant lorsqu’il existe un obstacle ou une résistance, le corps, toujours partisan du moindre effort, adopte inconsciemment la respiration buccale, même au repos. C’est une dysfonction respiratoire qui peut s’installer très tôt dans l’enfance et perturber la croissance des mâchoires, engendrer des troubles du comportement et favoriser des infections ORL… Petit guide pour détecter et avoir les bons réflexes face à une respiration buccale et éviter de nombreux désagréments à votre enfant.
Les signes de la respiration buccale
Lèvres entrouvertes sèches ou gercées
Observez votre enfant fonctionner, notamment lorsqu’il est détendu ou concentré. A-t-il la bouche en permanence entrouverte pour respirer ? Si c’est le cas, le passage de l’air asséchera et agressera ses lèvres qui seront souvent sèches ou gercées. Arrive-t-il à manger la bouche fermée ? Certains enfants ne sont pas rétifs à toute forme d’éducation, ils n’arrivent tout simplement pas à fermer la bouche à défaut d’étouffer. Avez-vous déjà essayé de manger la bouche fermée lorsqu’un gros rhume vous empêche de respirer par le nez ?
Un visage pâle et les yeux cernés
Chez les respirateurs buccaux, des cernes peuvent se développer sans qu’il n’y ait aucun lien avec la fatigue. Quand l’air ne passe pas par le nez, l’oxygénation n’a pas lieu au niveau des capillaires sanguins de la muqueuse nasale. Le retour veineux est moins bon, provoquant une coloration bleutée visible sous la peau très fine du contour inférieur de l’oeil. Moins bien oxygéné, tout le visage de l’enfant est pâle et paraît fatigué.
Oreiller mouillé au réveil et ronflement
Dormir la bouche ouverte en bavant sur son oreiller et ronfler reflètent, dans l’inconscient collectif, l’image d’un sommeil profond. En réalité, ce sont surtout des symptômes d’une respiration buccale en raison, par exemple d’une augmentation de volume des amygdales et/ou des végétations.
Soif nocturne
Les enfants qui respirent par la bouche se réveillent régulièrement la nuit pour boire. En effet, l’air qui passe par la bouche assèche les muqueuses.
Un petit nez pincé avec des narines orientées vers le haut
Lorsqu’un nez ne fonctionne pas, les muscles des narines ne se développent pas non plus, tout comme les muscles des jambes si l’on ne fait pas d’exercice. Le nez sera alors pincé et les narines orientées vers le haut. Touchez le nez de votre enfant. S’il respire souvent par la bouche, son nez sera mou comme du coton hydrophile alors que, physiologiquement, un nez est tonique et musclé. Autre petit test, si vous lui pincez doucement le nez pendant 3 secondes, ses narines devraient avoir ensuite un mouvement réflexe de dilatation. S’il n’a pas l’habitude de respirer par le nez, ses narines resteront impassibles.
Sommeil agité et cheveux mouillés de sueur
Une respiration buccale empêche l’enfant de rentrer dans une phase de sommeil profond, son sommeil est de ce fait très agité. De plus, la respiration nasale permet d’une part, grâce à un échange thermique au niveau des capillaires sanguins, de réchauffer l’air inspiré, mais aussi de refroidir le cerveau. Si votre enfant respire par la bouche, le système de régulation de température qui permet au cerveau de se refroidir et d’évacuer les toxines de la journée est perturbé. Le corps va trouver un autre moyen de rafraîchir le cerveau : transpirer au niveau de la tête. Au total, au réveil, il n’est pas rare de trouver l’enfant dans des positions incongrues (la tête à la place des pieds), trempé de sueur et dans des draps tire-bouchonnés. Ces signes témoignent d’un sommeil agité et non réparateur.
Les causes
Nez bouché ou végétations proéminentes
Tout ce qui peut perturber le passage de l’air par le nez est susceptible d’engendrer une respiration buccale. Végétation ou amygdales proéminentes, allergies, infections à répétition qui provoquent une inflammation de la muqueuse nasale ou déviation de la cloison empêchent un passage fluide de l’air. Le corps s’oriente alors vers une respiration buccale qui demande moins d’effort.
Un maxillaire trop étroit
Tout ceci est un cercle vicieux. Si la respiration n’est pas nasale depuis longtemps, la mâchoire supérieure de se développe pas correctement et devient trop petite. La langue n’a pas de place pour se positionner au niveau du palais et reste en bas. Cette position basse de la langue favorise la respiration buccale.
Les conséquences
Fatigue et troubles du comportement
La respiration buccale nocturne empêche votre enfant de rentrer dans une phase de sommeil profond. Les nuits ne sont pas réparatrices et le comportement s’en ressent dans la journée : fatigue, difficultés de concentration, irritabilité, hyperactivité. Ceux que l’on surnomme les “grands rêveurs” ou “les piles électriques” de la classe peuvent simplement être des respirateurs buccaux… Certains, soucieux de bien obéir, ne se laisseront pas aller à ce type de comportement, mais se concentrer leur demandera un effort plus important.
Une croissance des mâchoires perturbée et un visage en longueur
Lorsqu’on respire par le nez, la langue est normalement collée au palais. Par la pression exercée, elle permet la croissance en largeur de la mâchoire supérieure au niveau d’un cartilage situé au milieu du palais. Semblable aux fontanelles du nouveau-né au niveau du crâne, ce cartilage n’est pas soudé à la naissance et des pressions mécaniques répétées lui permettent de grandir. Ici, c’est la langue qui joue le rôle de stimulateur. Mais si celle-ci est positionnée en bas, la mâchoire supérieure non sollicitée reste étroite. Les dents définitives qui ont un plus grand diamètre que les dents de lait risquent de ne pas trouver leur place. La perspective d’un traitement orthodontique à l’adolescence s’annonce. La croissance générale du visage pâtit également de la respiration buccale et d’une position basse de la langue. Elle a tendance à s’effectuer plus en longueur qu’en largeur et de façon plus importante au niveau du bas du visage. Si l’on ne fait rien, le visage peut devenir long et moins harmonieux. D’autre part, physiologiquement les dents du haut circonscrivent les dents du bas, mais si la mâchoire supérieure est trop petite, la mâchoire du bas se décale pour trouver une stabilité. C’est ce qu’on appelle un inversé d’articulé. La croissance de la mâchoire du haut est bloquée et celle de la mâchoire inférieure risque d’être plus importante d’un côté. L’harmonie du visage peut encore en être perturbée.
Des injections ORL plus fréquentes
Le nez permet de réchauffer et d’humidifier l’air qui entre dans l’appareil respiratoire. Il filtre également les grosses impuretés grâce aux poils. Lorsqu’un enfant respire par la bouche, cette première barrière immunitaire contre les infections n’existe plus. Des infections ORL comme les angines, rhumes et otites à répétition se profilent.
Les solutions
Éliminer les obstacles à la respiration nasale
Une visite chez l’ORL est conseillée. Il pourra explorer les voies aériennes de votre enfant et vérifier si les végétations ou les amygdales ne les obstruent pas. Il vous expliquera l’importance d’un traitement médical pour “désinflammer” ou chirurgical si l’encombrement est trop important et non réversible. S’il s’agit d’allergies, un traitement médical peut également envisagé.
Faire grandir la mâchoire supérieure
L’orthodontiste ou le dentiste pédiatrique pourront poser un appareil pendant six à huit mois pour faire grandir le palais qui pourra alors accueillir la langue. Ce traitement, très simple, est possible à partir de quatre ans et d’autant plus efficace qu’il est commencé tôt ( Fig. ci-dessus). Après 10, 12 ans, le traitement est moins efficace. Cet appareil, nommé disjoncteur, se présente sous la forme d’un dispositif à placer au niveau du palais. Retenu par les dents de manière fixe ou amovible, il permet à la mâchoire de grandir grâce à un mini vérin activé régulièrement. La langue a alors la place pour se positionner au niveau du palais.
Rééduquer la respiration et la position de la langue
Après avoir éliminé les causes de la respiration buccale, il faut que votre enfant apprenne à respirer par le nez. En effet, cette mauvaise habitude acquise pendant l’enfance est tenace. Il faut donc rééduquer. Des rendez-vous chez l’orthophoniste lui permettront d’apprendre à réaliser des exercices simples afin d’acquérir au quotidien une bonne position de langue et une respiration nasale. La répétition régulière des exercices est la clé de la réussite. Une fois le cerveau habitué, ces nouvelles façons de fonctionner deviendront des automatismes. Des appareils, sous forme de gouttière à porter la nuit, peuvent également aider l’enfant à rééduquer la position de sa langue et favoriser la respiration par le nez pendant son sommeil.





