Selon un sondage Ifop réalisé en février 2023, 65 % des parents estiment que l’usage des écrans a une forte incidence sur le développement de leurs enfants. Une étude française parue en septembre 2023 dans Journal of Child Psychology and Psychiatry sur les effets des écrans sur le développement cognitif leur donnerait-ils raison ?
Le petit enfant apprend moins bien à travers un écran qu’à travers une interaction humaine réelle.
Une équipe de chercheurs de l’Inserm a suivi et analysé depuis leur naissance les données de 13 329 enfants de la cohorte ELFE entre 2011 et 2017 concernant leur exposition aux écrans. Dans leur étude, ils y ont évalué le développement cognitif des enfants à 2, 3,5 et 5,5 ans au moyen d’échelles validées.
Le développement cognitif est l’acquisition de capacités cognitives comme le langage, le raisonnement, la mémoire, la compréhension… Il se déroule en plusieurs périodes de la naissance à l’adolescence, dont les plus importantes ont lieu avant 7 ans.
L’évaluation du développement cognitif faite, les scientifiques ont remarqué que plus les enfants étaient exposés aux écrans, plus ils semblaient présenter un retard dans leur développement cognitif, notamment concernant l’acquisition du langage oral à l’âge de 2 ans. Cependant, malgré ce résultat plutôt attendu, leurs travaux analysent plus finement ce lien en prenant en compte certains facteurs tiers : contexte familial, environnement, activités de l’enfant… et révèlent ainsi qu’en définitive, les conséquences de cette corrélation négative ne semblent pas aussi délétères que l’on pourrait le penser.
Télé pendant les repas, la vraie coupable
En réalité, l’étude montre que c’est surtout le temps de télévision durant les repas qui nuit et retarde le développement du langage chez les enfants à 2 ans. En effet, s’appuyant sur les conclusions de leur étude précédente parue en 2021 dans la revue Scientific reports, les auteurs expliquent cela de plusieurs manières :
- La télévision durant les repas diminue les interactions entre les parents et les enfants. Or, celles-ci sont primordiales pour l’apprentissage du langage oral.
- Le bruit de fond constant empêche l’enfant de se concentrer et altère les voix des parents.
Parmi les enfants observés de l’étude, à 2 ans, pour 41 % la télévision est allumée pendant les repas.
Un pour tous et tous pour un
In fine, concernant les enfants plus exposés aux écrans, les scores plus bas ne représenteraient que l’équivalent d’une perte d’1,5 point de QI (quotient intellectuel) (ou d’un retard de 2 semaines sur l’acquisition du langage). Un effet plutôt modeste donc qui n’aura pas de réelle incidence sur le devenir de l’enfant. Néanmoins, le Dr Jonathan Bernard, co-auteur de l’étude, explique que « si ces résultats, à l’échelle individuelle, ne sont pas tant significatifs, ils prennent de l’importance à l’échelle de la population. Car parmi 750 000 enfants (l’équivalent d’une génération), si 100 % d’entre eux n’étaient pas exposés à la télévision durant les repas, le QI moyen de la génération augmenterait significativement. »
Famille connectée
Mais alors comment faire ? Il ne serait pas possible de se prononcer sur une conduite à tenir, car trop de facteurs personnels rentrent en compte et que chaque enfant est unique. Cependant, quelques conseils de bonne pratique sont à avoir en tête afin que les enfants utilisent au mieux les écrans.
Il est bon de savoir que jusqu’à 24-30 mois, « le petit enfant apprend moins bien à travers un écran qu’à travers une interaction humaine réelle. Il a de grandes difficultés à traiter une information perçue en 2D et à la transposer dans le monde réel, en 3D : il a besoin d’avoir plus de renseignements sensoriels que l’enfant plus grand pour comprendre et apprendre », explique la neurologue Servane Mouton dans un article paru dans Neurologies.
Pour un enfant entre 3 et 5 ans, 2 h d’écran équivaut à 15-20 % de son temps éveillé.
De plus, le temps passé devant un écran est un temps qui ne sera pas consacré à des activités utiles au développement comme les interactions, les jeux, l’exploration, etc. Alors pourquoi ne pas faire du 2 en 1, et allier écran et apprentissage ? Dessins animés, chansons, jeux… avec « un défilement lent des images, la répétition d’un vocabulaire adapté à l’âge, un personnage semblant s’adresser directement à l’enfant et laissant des silences l’enjoignant à s’exprimer » ont une valeur éducative intéressante explique la neurologue.
Cela est encore plus efficace quand un parent est là pour interagir avec l’enfant à propos de ce qui se passe sur l’écran.
Pour résumer : non à la surexposition, mais pourquoi pas aux écrans, en suivant les recommandations et en essayant d’en faire un moment interactif. Et surtout, faites au mieux et votre possible !
Recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) sur le temps d’écran
Par Juliette Dunglas





