Révélée au grand public avec son rôle de Camille Valentini dans la série Dix pour cent, Fanny Sidney est actrice et réalisatrice, et surtout maman de deux filles de 4 et 6 ans. Elle a accepté d’évoquer l’équilibre entre carrière et vie de famille pour Vocation Santé.
Bonjour Fanny. Vous êtes connue pour vos rôles et votre carrière de réalisatrice. Vous êtes aussi maman. À quoi ressemble une journée type dans votre vie ?
Fanny Sidney : Mes journées ne se ressemblent pas beaucoup ! Il y a les journées d’écriture, chez moi, hors de Paris : je dépose mes filles à l’école le matin, je les récupère le soir, et entre temps, j’écris. Après, il y a les journées parisiennes, consacrées au montage, mixage, essais costumes… Et là, j’ai le relais de mes beaux-parents qui habitent à 600 m de chez moi et qui nous aident énormément.
Évidemment, avant les grands-parents, il y a mon compagnon. Ce qui est marrant dans notre dynamique, c’est qu’on se croise aussi un peu. C’est-à-dire qu’on est ensemble le week-end et on a la chance d’être à Paris ensemble le mardi soir. Mais sinon, nous sommes un peu un couple bâton-relais, c’est-à-dire à ton tour, à mon tour, parce qu’on bouge tous les deux. Mais c’est pas mal aussi, j’adore cette dynamique !
Est-ce que la maternité a changé votre façon de travailler et de choisir vos projets ?
Oui, il y a eu un moment où je n’avais pas une disponibilité pour le jeu. C’est un métier qui demande de se laisser visiter par les personnages, par leurs problématiques, et c’est des choses que je ne voulais pas ramener à la maison pendant la petite enfance des filles.
J’étais mieux dans l’écriture ou la réalisation. Maintenant, j’en ai de nouveau envie, ça se représente, et c’est vraiment génial. Aussi, avoir des enfants me motive à ne pas leur laisser d’inachevés chez moi, pour pas qu’elles héritent de mes désirs manqués.
Vous avec donc déjà refusé des opportunités depuis que vos filles sont là ?
Oui, j’ai refusé une opportunité que j’aurais probablement faite à une autre période de ma vie. C’était un rôle qui me demandait d’être 6 mois de l’année à l’étranger, d’être en exclusivité pendant 4 ans. Je me suis dit que mes filles allaient me détester. Mais c’est aussi que je me suis imaginée être assez malheureuse dans ce rôle-là.
Et j’ai cette croyance que si je suis hyper épanouie, elles le ressentent. C’est toujours le problème : des parents hyper heureux, mais hyper égoïstes, peuvent faire des enfants malheureux aussi. Nous sommes toujours sur le fil, la culpabilité de partir travailler, manquer une fête de l’école, c’est parfois difficile. Et en même temps, elles viennent parfois sur le plateau, et c’est génial comme expérience !
Quel message aimeriez-vous transmettre aux femmes qui tentent de concilier carrière et vie de famille ?
Quand j’avais mes deux filles dans une forme de routine qui n’était pas synchronisée, c’est-à-dire « tu finis le bain de l’une, c’est le biberon de l’autre, et ça s’enchaîne », je n’ai pas réalisé que ça évoluerait. J’ai eu un grand moment de vertige, de me dire : « je n’ai plus 10 minutes pour lire dans ma vie, et c’est le choix de vie que j’ai fait ».
C’est simple, mais ça m’aurait fait du bien qu’on me dise que ça allait évoluer. Et peut-être aussi, de se foutre un peu la paix. C’est un grand débat que j’ai eu avec mon compagnon sur la femme qui a gagné son marathon en allaitant à chaque pause. Vraiment cette nana, elle me donne le feu. Et en même temps, ça peut être aussi très écrasant. On ne peut pas tout faire en même temps, et c’est ok ! Il faut trouver l’équilibre qui nous convient.
Comment vos filles perçoivent votre métier ?
La première fois, j’ai été trop vite pour leur présenter mon travail. L’une de mes filles m’a demandé pourquoi le monsieur dans la télé me criait dessus. Elle ne comprenait pas du tout la notion de fiction.
Maintenant, je pense que c’est assez clair, même si elles sont encore un peu petites. Je choisis bien les scènes aussi sur lesquelles elles peuvent venir sur un plateau.
Vous leur avez montré quelques scènes ?
Pas tant que ça. Je leur ai montré Les belles cicatrices [NDLR : un court métrage d’animation où Fanny Sidney double un personnage, disponible sur Arte]. J’étais fière de leur dire « Vous savez, maman aussi, elle joue dans un dessin animé ».
C’était marrant de les regarder. Elles ont eu comme un court-circuit. Ce n’est pas du tout maman à l’image, mais c’est quand même un peu sa voix. Après, je crois que ça me fait plus plaisir à moi qu’à elles.
Comment arrivez-vous à prendre soin de votre santé entre carrière et vie de famille ?
Le sport ! Avec mon compagnon, on a un coach incroyable. Je le dis beaucoup, il m’a sauvé la vie. Sur des moments où l’équilibre n’était plus vraiment là. Chez moi, il y a quand même une variable d’ajustement qu’est la famille. J’hérite aussi de siècles de patriarcat qui font que ça me ramène à une angoisse d’enfermement ou d’effacement.
Le sport, dans ces moments-là, me permettait de traverser ces périodes d’inquiétude. En développant mon premier long-métrage, je n’arrêtais pas de repenser quand mon coach me disait que je pouvais aller plus loin. À chaque fois, je fais le parallèle avec le 10 km, où les 3 derniers km sont hyper durs : faire un film c’est pareil.
Vous avez parlé de patriarcat. Est-ce que votre vision du féminisme a évolué avec la maternité ?
Énormément. Elle était déjà en train de beaucoup évoluer. Après, ça coïncide aussi avec une période de mouvements. On réalise que des choses qu’on avait intégrées, qui nous conditionnaient complètement, ne sont pas normales. Même moi, dans mon travail, sur comment on filme une scène d’amour sans qu’il y ait de jeu de pouvoir, de domination, de scopophilie. Ça participe aussi à éclairer différemment mon regard.
Je suis fille d’une féministe activiste. C’était déjà très présent. Je suis très attentive, forcément, à ce qui se passe à l’école aussi. Ce n’est pas simple. Il y a des instituteurs qui font un travail extraordinaire de déconstruction.
Son actu cinéma
Le 3 septembre 2025 la comédie Adieu Jean-Pat est sortie en salles, réalisée par Cécilia Rouaud. Fanny Sidney y interprète le personnage d’Alice aux côtés de Hakim Jemili, qui incarne Étienne, un trentenaire paniqué à l’idée de s’engager, et qui se retrouve malgré lui à organiser les obsèques de son pire ennemi d’enfance.
Sous ses airs de comédie burlesque, le film explore avec dérision la peur de passer à côté de sa vie et la question de l’engagement.
Propos recueillis par Léna Pedon





