La fièvre chez l’enfant est une grande source d’inquiétude pour les parents. Le Dr Nicolas Winter, praticien aux urgences pédiatriques de Valenciennes et vulgarisateur connu sous le nom de « To be or not toubib », explique comment y faire face.
Par Corentin Bell
« Quels sont les symptômes qui indiquent que mon bébé a de la fièvre ? » Ingrid, 31 ans
Dr Nicolas Winter : « Chez le nourrisson, les signes qui doivent alerter et pousser les parents à prendre leur température, ce sont les pleurs, le fait qu’il soit plus grognon que d’habitude ou qu’il vous semble plus inconfortable.
Ces symptômes soulignent l’importance de regarder le comportement de son enfant, surtout dans le cas des bébés ayant forcément des moyens d’expression plus limités. Il faut être très attentif au comportement et c’est ça qui doit nous alarmer en premier lieu. Un autre élément qui peut alerter est une baisse de l’alimentation. Cette dernière peut se traduire par une difficulté à prendre les biberons ou à la tétée. »
« Est-il conseillé d’utiliser une serviette froide ou de plonger mon enfant dans un bain froid ou tiède pour soulager sa fièvre ? » Mathéo, 39 ans
Dr Nicolas Winter : « Ma mère et des parents que je connais mettent un gant de toilette ou un peu d’eau fraîche sur le visage. Je n’ai pas de non-recommandation concernant cette pratique, c’est du confort. Cependant, je déconseille fortement les bains froids, qui ont une température inférieure à celle de l’enfant. Ils peuvent provoquer des crises convulsives hyperthermiques, souvent bénignes, mais inquiétantes pour les parents et nécessitant de contacter les urgences. »
« Mon enfant est malade et présente des symptômes fiévreux, quelle est la meilleure méthode pour mesurer sa température ? » Kevin, 35 ans
Dr Nicolas Winter : « Il faut se méfier de la température ressentie quand on met la main sur le front, car elle n’est pas forcément corrélée à la température réelle de l’enfant. Le thermomètre rectal est idéal pour avoir une mesure précise de la température chez l’enfant. C’est la voie la plus sûre pour ne pas avoir d’erreur. Les thermomètres frontaux sont souvent présentés comme une alternative, mais je ne les recommande pas du tout. Outre le fait qu’ils coûtent beaucoup plus cher que les autres, ces thermomètres demandent une certaine maîtrise pour arriver à les utiliser correctement et ne pas avoir de faux positifs ou de faux négatifs.
Quand l’enfant va grandir, le thermomètre auriculaire est à privilégier dès que son embout s’adapte bien à l’oreille de l’enfant. »
« Quels sont les bons réflexes pour soulager un enfant qui a de la fièvre ? » Inès, 28 ans
Dr Nicolas Winter : « Si un enfant fait de la fièvre, c’est-à-dire qu’il a une température supérieure à 38 °C, la première chose à faire, c’est de le découvrir. Cela permettra d’arrêter d’augmenter sa chaleur. Cette mesure est utile à la fois pour mesurer plus précisément la température du bébé, qui n’est plus modifiée par la chaleur des vêtements, et pour le mettre à l’aise.
Ensuite, le premier réflexe c’est l’utilisation de paracétamol, qui agit au bout de 30 à 40 minutes. L’enfant doit recevoir une dose de paracétamol adaptée à son poids par voie orale. La molécule est beaucoup mieux absorbée par la bouche que par la voie rectale. C’est pourquoi les suppositoires ne devraient être réservés qu’aux enfants qui ne peuvent pas les ingérer, qui les vomissent ou qui ont des problèmes d’oralité. »
« À partir de quand dois-je venir consulter le médecin ? » Farid, 41 ans
Dr Nicolas Winter : « Si votre enfant a de la fièvre et qu’il a moins de 3 mois de vie, il faut l’emmener aux urgences. À cet âge-là, ils sont très fragiles et sont particulièrement sensibles aux infections bactériennes.
Pour un enfant de plus de 3 mois, il faut commencer par lui enlever ses vêtements et lui donner du paracétamol. 30 minutes après l’action du médicament, les parents doivent regarder l’enfant. La température en elle-même est secondaire. Le chiffre ne fait pas la gravité.
Il est important de se focaliser sur trois critères pour bien évaluer l’état de l’enfant, que je résume en trois lettres : CCR pour coloration, comportement et respiration. Si l’un de ces critères est rempli, il faut appeler les urgences.
Le premier élément à vérifier c’est la coloration de l’enfant. A-t-il le contour des lèvres ou les extrémités bleues ?
Deuxième signe : la respiration. Le bébé respire-t-il normalement ? A-t-il des petits creux qui se forment en dessous des côtes ? Respire-t-il beaucoup plus rapidement que d’habitude ? Doit-il lutter pour respirer ? Le comportement est aussi essentiel dans l’évaluation de l’état d’un enfant. Il faut qu’il puisse interagir, que ce soit en suivant des yeux, pour un bébé, ou en communiquant, pour les jeunes enfants. S’il est amorphe, c’est un signe d’alerte qui doit pousser à appeler les urgences.
Si l’enfant tolère bien sa fièvre, n’a pas de problèmes respiratoires, pas de problèmes de comportement ou de coloration alors il peut attendre 48 heures avant de voir le médecin traitant. Si la fièvre n’est pas descendue, rappelez-vous que ce n’est pas le chiffre de la fièvre qui compte, mais la tolérance de la fièvre avec le CCR. Un épisode viral dure 3 à 5 jours. Donc la température de l’enfant devrait rester élevée durant cette période. Cependant, si cela dure depuis 5 jours sans interruption alors il faut l’emmener aux urgences. »
Urgences or not urgences : un manuel de survie en milieu pédiatrique
Nicolas Winter est l’auteur du livre « Urgences or not urgences » réédité en janvier 2024. Cet ouvrage compile de nombreuses fiches pratiques à destination des parents inquiets de la santé de leur enfant. Un ouvrage abordable et rapide à lire. Le Dr Nicolas Winter revient sur les maladies les plus communes chez les enfants, de la fièvre à la gastro-entérite en passant par la bronchiolite pour permettre aux parents de dédramatiser ces troubles et savoir quand il est nécessaire d’amener leur enfant aux urgences.





