Environ 300 000 personnes sont diabétiques de type 1 en France. Une maladie qui nécessite des injections d’insuline quotidiennes. Mais des greffes de cellules pancréatiques pourraient bien venir révolutionner le quotidien de ces malades.
Il y a 70 ans, la première insuline était commercialisée, changeant la vie de millions de diabétiques à travers le monde. Depuis, la recherche sur le diabète a fait du chemin, évoluant au gré des nouvelles technologies. Aujourd’hui par exemple, des pompes automatisées injectent directement de l’insuline au malade, tout au long de la journée, en mesurant sa glycémie en continu. Comme un pancréas artificiel ! Plus besoin donc de mesures pluriquotidiennes ni d’injection.
« On peut se demander : puisque des traitements du diabète existent, pourquoi continuer la recherche ? », s’interroge Christian Boitard, chercheur et endocrinologue à l’Inserm, lors d’une conférence de presse. En réalité, malgré ces progrès technologiques, il reste toujours difficile chez certains diabétiques de type 1 de maintenir un taux d’insuline satisfaisant.
Recouvrer une production d’insuline
Le diabète de type 1 est la conséquence d’une destruction totale ou partielle de cellules du pancréas par le système immunitaire. Après une infection, par exemple, le système immunitaire se met à dysfonctionner et cible certaines cellules saines du corps. Dans ce cas, les cellules bêta du pancréas. Ces cellules, situées dans les îlots de Langerhans du pancréas, sécrètent l’insuline, une hormone indispensable à l’assimilation du sucre dans l’organisme. En cas de diabète de type 1, la sécrétion d’insuline fait donc défaut, le sucre s’accumule dans le sang, et abîme progressivement les vaisseaux et les organes.
Le principe de base du traitement est donc de recouvrer cette production d’insuline. Au-delà de l’injection d’insuline dont les diabétiques bénéficient déjà, des chercheurs ont imaginé greffer directement le pancréas fonctionnel d’un donneur, « mais la greffe du pancréas est très difficile, car il digère tout dans son environnement, ce qui induit une forte mortalité », précise Christian Boitard.
« Je suis redevenue une femme libre, avec mon mari nous pouvons refaire des choses de manière indépendante. Parfois, je m’inquiète du vieillissement de la greffe, revenir en arrière serait inconcevable. » Michèle, 61 ans, diabétique de type 1 depuis l’enfance et greffée il y a 14 ans, interrogée par l’Inserm.
Greffer des îlots de Langerhans
Il y a une quinzaine d’années, l’idée a donc mûri de greffer directement des îlots de Langerhans, prélevés sur un donneur en état de mort cérébrale, pour les réimplanter chez les diabétiques et induire une sécrétion d’insuline. « Le pancréas est prélevé sur un donneur dans les 6 à 8 h suivant le décès. Il est ensuite transformé sous la forme d’un dé à coudre rempli uniquement d’îlots de Langerhans, après l’isolation en laboratoire de ces cellules », raconte le Dr François Pattou, chirurgien digestif à Lille, qui a pris part aux premières expérimentations.
Une fois extraites, ces cellules sont placées dans une poche à perfusion et injectées au patient, directement dans la veine porte, qui mène au foie. « Les cellules vont alors s’implanter dans le foie du receveur, et non dans le pancréas, car le foie est très vascularisé », précise François Pattou. Les 20 premiers patients ont ainsi été greffés à Lille. 10 ans plus tard, les résultats viennent de tomber. « Encore aujourd’hui, les trois quarts des patients ont une greffe fonctionnelle et 25 % d’entre eux n’ont plus besoin du tout d’insuline », s’enthousiasme- t-il. Une amélioration de la qualité de vie remarquable. Par ailleurs, « toutes les complications du diabète, comme les rétinopathies ou les neuropathies se sont améliorées grâce à la greffe », indique Marie-Christine Vantyghem, endocrinologue. Les épisodes d’hypoglycémie sévère ont également drastiquement chuté. Et en deux semaines, ces patients retrouvent un équilibre glycémique.
« Le diabète occupait toutes mes pensées, j’avais l’impression de faire ma vie autour de la maladie. Nous verrons comment mon état évolue et comment la greffe tient dans les prochaines années, mais 1 an après la procédure, je suis optimiste. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai de l’espoir. » Béatrice, 54 ans, diabétique de type 1 depuis l’adolescence et greffée il y a 1 an, interrogée par l’Inserm.
Une greffe indiquée pour un type de diabétique particulier
Avant la greffe, la compatibilité entre le donneur et le receveur est testée. Cependant, contrairement au rein, les îlots sont moins sensibles au rejet, car peu vascularisés. Pour que l’implantation des îlots soit maximale, et que leur sécrétion d’insuline corresponde à celle d’un pancréas sain, il est parfois nécessaire de réaliser une deuxième voire une troisième greffe.
Les patients inclus dans cet essai ont été choisis en fonction d’indications très précises. Tout d’abord, ils devaient être atteints de diabète très sévère, « c’est-à-dire depuis plusieurs décennies, difficile à équilibrer et entraînant des complications neurologiques. Ce qui fait que les patients n’ont plus conscience qu’ils font des hypoglycémies et risquent l’accident voire le coma », ajoute Marie-Christine Vantyghem.
Autre indication possible : avoir déjà été greffé, du rein par exemple, « car ces patients prennent déjà des traitements immunosuppresseurs, qui permettent au corps de ne pas rejeter la greffe », précise l’endocrinologue. En effet, ces traitements, bien que nécessaires, peuvent induire des effets indésirables non négligeables, touchant le rein notamment. « La bonne nouvelle, c’est que les diabétiques greffés gardaient une fonction rénale stable », déclare Marie-Christine Vantyghem. Et à 5 ans, peu de complications cardiovasculaires ont été observées.
Mettre le diabète sur pause
Grâce à la greffe, « nous mettons le diabète, et toutes ses complications, entre parenthèses », se réjouit François Pattou. « Et le résultat sur la qualité de vie des patients est incroyable : ils ne sont plus dépendants de leur entourage ! », ajoute Marie-Christine Vantyghem. En France, environ 200 patients ont d’ores et déjà bénéficié de greffe d’îlots de Langerhans. « On estime qu’une centaine de patients par an pourrait entrer dans les indications de la greffe », précise François Pattou. L’Assurance maladie réfléchit actuellement au remboursement de cette pratique. La réponse devrait tomber en 2020.
- 80 % des patients diabétiques greffés ont toujours une greffe fonctionnelle au bout de 5 ans.
- 1 diabète sur 10 est un diabète de type 1.
- 1 à 2 % les îlots de Langerhans représentent 1 à 2 % de la masse totale du pancréas.
- 80 % des îlots de Langerhans produisent de l’insuline, via les cellules bêta.
Par Léa Galanopoulo





