Le Dr Vincent Valinducq raconte 14 années de sa vie, suspendues à un fil, dans un livre paru aux éditions Stock. Lorsque sa mère est tombée malade à l’âge de 50 ans d’une maladie apparentée Alzheimer, Vincent Valinducq devient alors aidant aux côtés de son père et de son frère jusqu’à son décès.
Vocation Santé : que racontez-vous dans ce livre ?
Dr Vincent Valinducq : J’ai écrit ce livre parce que je me suis senti très souvent seul, isolé, perdu, sans trop savoir vers qui se tourner, et ce, malgré le fait que je sois médecin. À travers cette histoire, j’ai souhaité partager mon expérience et parler de ce sujet encore trop peu médiatisé.
J’ai voulu mettre en lumière les aidants, dire ce mot surtout qui désigne des milliers de Français, que la plupart ne connaissent pas et qui, pourtant, les qualifie. J’ai voulu aider les aidants.
Aidant, c’était votre deuxième métier ?
Je suis devenu aidant sans trop savoir, c’est arrivé de manière très insidieuse dans ma vie. Nous avons vécu au jour le jour, sans faire de projection, malgré une fin médicale que je connaissais. Un jour, je regardais la télévision et j’ai entendu un journaliste prononcer le mot aidant et j’ai enfin compris. En fait, tout cela, c’était au-delà de mon rôle de fils, en fait j’aidais ma mère et j’étais aidant.
Nous formions un bloc avec mon père et mon frère, déterminés à la soutenir quoiqu’il arrive et à ne pas l’institutionnaliser. Nous voulions qu’elle soit chez elle, avec nous.
Comment est-ce que ça a commencé ?
Nous avons fait cette promesse au tout début lorsque les symptômes commençaient seulement à apparaître, cela nous paraissait jouable. Au fil des mois, les troubles de la mémoire sont devenus de plus en plus fréquents, la maladie a pris de plus en plus de place, la dépendance a grandi, et avec eux, la difficulté. Même là nous avons continué, car au regard de tout le chemin parcouru, tous les sacrifices, nous ne nous voyions pas arrêter, pas après tout ça. J’ai alors jonglé entre mon emploi du temps de généraliste, mes chroniques à la télévision, et les retours au Havre chez mes parents.
Quels conseils donneriez-vous a d’autres aidants ?
Il est important de savoir s’arrêter lorsque rien ne tient plus, peut-être penser à l’institutionnalisation et surtout se faire aider soi-même. J’aimerais dire à ces aidants que ce n’est pas abandonner, et qu’il ne faut culpabiliser de rien, c’est un parcours extrêmement dur. Les aidants culpabilisent toujours de ne pas faire assez, et s’oublient souvent. Pour eux, l’important, c’est de savoir que l’aidé va bien. Pourtant les aidants font tout, mon père passait quasiment 1h-1 h 30 à donner à manger à ma mère et lorsqu’il avait fini, son assiette était froide et il n’avait plus envie de manger. La nuit, il ne dormait plus, constamment en hypervigilance, et le jour, il était dans un état d’extrême fatigue psychique et physique. Son dos se pliait de relever ma mère qui glissait régulièrement de sa chaise. C’était du 24 h/24.
« Les aidants culpabilisent toujours de ne pas faire assez »
Qu’est-ce qui peut aider les aidants ?
Les aidants sont extrêmement fragiles, les études le montrent, ils sont plus à risque de développer des maladies chroniques. Il est primordial de soigner aussi leurs maux physiques et psychiques. Surtout les faire déculpabiliser, se faire aider lorsque l’on est aidant, ce n’est pas quitter le navire. Le suivi psychologique est aussi pour moi essentiel, j’en ai moi-même eu un et cela a été d’une aide capitale. Enfin, il faudrait plus d’informations claires sur les aides qui existent, car même en étant du milieu médical, je me perdais dans les acronymes, la multiplicité des structures.
Les aidants sont des héros du quotidien, des piliers du système de santé, et si demain ils n’étaient plus là, alors il faudrait trouver une solution aux millions de gens dépendants.
Vincent Valinducq,
Je suis devenu le parent de mes parents.
Éditions Stock, 2023.
240 pages. 19,50 €.
Propos recueillis par Juliette Dunglas





