Contraception thermique, hormonale, vasectomie, gels… Peu connues, les méthodes de contraception masculine existent bel et bien. Et si la responsabilité contraceptive changeait de bord ?
Le 28 décembre 1967, la loi Neuwirth autorise la contraception en France. Les femmes peuvent enfin maîtriser leur fécondité, sans risque et en toute légalité. L’élan est donné, on songe même déjà à une possible contraception masculine… Dix ans plus tard, en 1979, est ainsi créée l’Association pour la recherche et le développement de la contraception masculine (Ardecom). Et le sujet n’intéresse pas qu’une poignée de personnes. Dès les années 1990, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publie plusieurs études démontrant l’efficacité contraceptive d’injections hebdomadaires de testostérone chez les hommes. Mais, à cette époque, le sida fait rage. L’urgence est de sauver la vie des milliers de personnes qui en souffrent, non de mettre en place une contraception pour les hommes. Vingt ans après, la vague du sida passée, quelles sont les méthodes contraceptives masculines disponibles en France ?
La contraception masculine thermique (CMT)
La spermatogenèse, c’est-à-dire la production des spermatozoïdes, les gamètes mâles, a lieu dans les testicules sous certaines conditions, notamment une température légèrement inférieure à la température corporelle. C’est au scrotum, ce sac de peau qui contient les testicules, que l’on doit ces petits degrés en moins nécessaires à la production optimale des spermatozoïdes. Le principe de la contraception masculine thermique (CMT) est d’augmenter la température des testicules d’environ 2 °C afin de bloquer le processus de spermatogenèse. Comment ? En extirpant les testicules du scrotum pour les placer en position inguinale (voir schéma) grâce à un sous-vêtement particulier conçu par l’équipe du Dr Roger Mieusset, andrologue au CHU de Toulouse. Des bandes élastiques intégrées au slip permettent de maintenir les testicules en position inguinale. Ils ne peuvent donc reprendre leur place naturelle dans le scrotum qu’une fois le sous-vêtement enlevé ! « Celui-ci doit être porté au moins 15 heures par jour pour que la contraception soit efficace », indique le Dr Mieusset. Une analyse du sperme est effectuée avant la mise en place de la contraception pour vérifier la fertilité de l’homme, définie par une concentration en spermatozoïdes supérieure à 15 millions par ml de sperme. L’état contraceptif est généralement atteint 3 ou 4 mois après le début de la CMT : « À partir du moment où la concentration en spermatozoïdes est inférieure à 1 million/ml sur deux examens de sperme successifs à 3 semaines d’intervalle », précise le Dr Roger Mieusset. Ce sous-vêtement peut être porté 4 ans maximum. « Nous n’avons pas encore assez de recul pour prouver que la réversibilité est possible au-delà de cette période », explique l’andrologue.
Des valeurs normales des paramètres spermatiques sont retrouvées au bout de 6 à 9 mois après l’arrêt du port du sous-vêtement. Toutefois, il est conseillé d’adopter un autre mode de contraception dès l’arrêt de la CMT pour éviter tout risque de grossesse non désirée. Cette technique a été testée par le Dr Mieusset sur neuf couples fertiles pendant un peu plus d’un an. Aucune grossesse n’est survenue, et aucun effet secondaire n’a été rapporté. Par ailleurs, les couples qui ont par la suite souhaité une grossesse n’ont eu aucune difficulté à l’obtenir. Actuellement, une trentaine de couples a adopté cette méthode de contraception en France. Encore trop peu, selon le Dr Mieusset. « Un brevet a été déposé, et un industriel est actuellement en piste », révèle le médecin, qui espère une mise à disposition de ce dispositif médical dans les pharmacies et établissements de santé d’ici à 2019.
La contraception masculine hormonale
La contraception masculine hormonale (CMH) est la seule contraception masculine reconnue par l’OMS. Elle consiste à mettre le testicule au repos via des injections hebdomadaires de testostérone.
La spermatogenèse est gouvernée par trois hormones : la testostérone, la LH et la FSH. La testostérone a notamment pour rôle de réguler la production de spermatozoïdes. Quand ceux-ci sont suffisamment nombreux, elle est libérée en importante quantité pour interrompre temporairement le processus de spermatogenèse. Les injections de testostérone permettent donc de duper notre corps qui, percevant le signal d’arrêt de la spermatogenèse, met le testicule au repos. « Cette méthode de contraception peut être prescrite en France par n’importe quels endocrinologue, gynécologue ou urologue », indique le Dr Mieusset. Les solutions injectables sont disponibles en pharmacie pour un coût de 10 euros par semaine.
Une étude de l’OMS publiée en 1990 dans la revue The Lancet a montré que sur 225 hommes issus de sept pays (Chine, Écosse, Australie, France, Finlande, Suède, États- Unis) et ayant suivi un protocole de contraception hormonale consistant en une injection intramusculaire hebdomadaire de 200 mg de testostérone, 157, soit 70 %, ont atteint l’azoospermie, c’est-à-dire l’absence totale de spermatozoïdes dans le sperme. « Depuis 2007, on ne vise plus l’azoospermie dans les protocoles de contraception masculine, mais moins de 1 million de spermatozoïdes par ml de sperme dont l’efficacité contraceptive est de 99 % », précise le Dr Mieusset. Malgré tout, 30 % des hommes n’atteignent pas le seuil contraceptif avec la CMH, et doivent donc s’orienter vers un autre moyen de contraception.
La contraception masculine hormonale n’est pas une solution à long terme, puisqu’elle ne doit pas excéder 18 mois, faute de recul suffisant concernant sa réversibilité. En respectant cette limite de 18 mois, la fertilité se rétablit très vite, parfois dès le premier mois suivant l’arrêt de la CMH. Les effets secondaires, bien identifiés, sont généralement bénins. Toujours selon l’étude de l’OMS, sur les 157 hommes ayant atteint l’azoospermie grâce à la CMH, 25 ont dû arrêter le traitement, notamment en raison de poussées d’acné, de libido excessive ou de prise de poids.
La vasectomie
La stérilisation à visée contraceptive est autorisée en France depuis 2001. Les hommes majeurs qui ne souhaitent pas ou plus avoir d’enfant peuvent désormais avoir recours à la vasectomie. Cette intervention de 15 minutes sous anesthésie locale vise à sectionner les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes des testicules jusqu’aux vésicules séminales qui stockent le sperme. Il faut attendre au moins 3 mois pour que les spermatozoïdes disparaissent totalement du sperme, période durant laquelle une autre méthode contraceptive doit être mise en place.
Même si la vasectomie est réversible dans environ 80 % des cas, elle est plutôt considérée comme une méthode de contraception définitive. « Nous la proposons généralement aux couples âgés de plus de 40 ou 45 ans et qui ne souhaitent plus avoir d’enfants », indique le Dr Mieusset.
“Les effets de la contraception hormonale masculine sont plutôt flatteurs, on se sent en forme, fort, j’ai l’impression que c’est beaucoup moins contraignant de se “contracepter” lorsqu’on est un homme que lorsqu’on est une femme“. Témoignage issu du documentaire radio « Les bijoux de famille » (Benoît Bories pour Arte Radio)
Les gels contraceptifs
D’autres méthodes contraceptives se développent, avec comme principale idée de boucher les canaux déférents au moyen d’un gel injectable. Il s’agit du Vasalgel® aux États-Unis et du Risug® en Inde. Dans les deux cas, le gel peut être dissous pour permettre à nouveau le passage des spermatozoïdes.
Un choix élargi
Développer de nouvelles méthodes de contraception masculine, c’est également élargir la palette des moyens de contraception disponibles. « Plus nous aurons de méthodes contraceptives, plus les couples pourront choisir celle qui leur correspond le mieux », estime le Dr Mieusset. Quitte à alterner le “contracepté” au sein du couple !
Le “slip chauffant” made in France : attention à la confusion !
Le sous-vêtement de contraception masculine thermique élaboré par le Dr Mieusset au CHU de Toulouse est un dispositif 100 % naturel. Le terme de “slip chauffant” couramment employé prête à confusion, car le sous-vêtement en lui-même ne produit pas de chaleur. En réalité, le slip place les testicules dans une position telle qu’ils sont réchauffés par la chaleur corporelle !
Pour en savoir plus : www.slip-chauffant.fr
La pilule pour les hommes ? Pas pour demain
Des études sont en cours aux États-Unis pour mettre au point une pilule pour les hommes, le principal frein étant la toxicité hépatique d’une prise orale de testostérone. Selon l’agenda américain, la mise sur le marché n’est pas prévue avant 2030.
Clémentine Vignon





