Maladie neurologique rare, le syndrome de la personne raide bouleverse la vie des patients qui en souffrent. Céline Dion en fait partie et lutte, avec l’aide de la Dr Amanda Piquet, pour continuer sa carrière. La neurologue témoigne.
Propos recueillis par Corentin Bell
Vocation Santé : Qu’est-ce que le syndrome de la personne raide, maladie dont souffre Céline Dion ?
Dr Amanda Piquet : C’est un trouble neurologique progressif qui se caractérise, comme son nom le laisse deviner, par des symptômes de raideur et de spasmes musculaires. Ces derniers peuvent être déclenchés par divers facteurs comme des émotions fortes, des flashs lumineux ou des sons puissants. Certaines fonctions motrices, notamment la marche, sont alors altérées. Mais ce n’est pas tout. Il existe de nombreux autres symptômes. La maladie peut aussi affecter l’ensemble des muscles, y compris ceux nécessaires à la respiration, à la parole ou au chant, comme c’est le cas pour Céline Dion.
Quelle est l’origine de cette maladie ?
Nous ne comprenons pas encore pourquoi les patients développent ce syndrome. Les déclencheurs restent inconnus. La maladie est tout de même considérée comme auto-immune, car nous observons chez les patients des anticorps qui perturbent le système immunitaire. En particulier un qui interfère avec la partie du système nerveux qui contribue à freiner les stimuli musculaires. D’où l’apparition de spasmes et de raideurs.
“L’annonce de Céline Dion a permis de mettre en lumière ce trouble et sensibiliser le grand public.”
Pourquoi le diagnostic est-il si compliqué ?
C’est un diagnostic particulièrement difficile à poser, car nous devons encore en apprendre beaucoup sur ce trouble. Il n’y a pas de consensus sur des critères internationaux pour diagnostiquer cette maladie. Ainsi, seuls les spécialistes du syndrome de la personne raide sont à même de poser un diagnostic fiable.
Amanda Piquet : une figure de la recherche sur le syndrome de la personne raide
Amanda Piquet est directrice du programme de recherche sur les maladies neurologiques auto-immunes de l’université de médecine du Colorado. Elle est reconnue internationalement pour ses travaux autour du syndrome de la personne raide. Ses recherches portent sur la description des mécanismes derrière cette maladie pour pouvoir créer de nouveaux traitements qui pourront un jour la guérir.
Amanda Piquet suit Céline Dion depuis maintenant 2 ans et a pris le poste récemment de Chaire inaugurale de la fondation créée par Céline Dion pour accélérer la recherche dans le domaine d’expertise d’Amanda Piquet. Cette nomination fait suite à un don de près de 2 millions de dollars réalisé en juin par la star canadienne.
L’espérance de vie des patients est-elle diminuée ?
En général, cette maladie ne représente pas une menace directe pour la survie des individus. Mais elle les affaiblit et entraîne des déficiences neurologiques. Certains patients peuvent toutefois avoir des difficultés respiratoires potentiellement mortelles. De même, certaines des thérapies utilisées abaissent les défenses immunitaires, ce qui, de manière indirecte, peut déclencher des complications infectieuses.
Comment la vie quotidienne est-elle impactée ?
Ce syndrome rend la vie imprévisible, car les spasmes peuvent être épisodiques, déclenchés par divers facteurs et peuvent survenir de manière complètement inattendue. La progression de la maladie affecte aussi la mobilité des patients, ce qui est particulièrement handicapant au jour le jour.
Quels sont les traitements disponibles ?
Actuellement, il n’existe aucun traitement qui permet la guérison. Nous disposons juste de thérapies pour gérer les symptômes et réduire les spasmes. Certaines peuvent être efficaces, mais cela varie en fonction des individus. Une étude menée par le docteur Marinos Dalakas a examiné les effets à long terme d’une thérapie immunitaire : l’IVIg. Dans ses travaux, environ un tiers des patients continuait de présenter une réduction des symptômes après des années de traitement.
“Nous ne comprenons pas encore pourquoi les patients développent ce syndrome.”
“Elle a remplacé mes peurs par de l’espoir”, se réjouit Céline Dion en évoquant sa neurologue dans le documentaire “Je suis : Céline Dion”
Le diagnostic de Céline Dion a-t-il accéléré la recherche vers un traitement efficace ?
C’est certain que l’annonce de Céline Dion a permis de mettre en lumière ce trouble et sensibiliser le grand public. Cela a aussi stimulé les financements et l’intérêt pour la recherche sur le syndrome de la personne raide.
Céline Dion explique que ses cordes vocales sont affectées par la maladie, comment cela fonctionne-t-il ?
Les cordes vocales, le larynx et la déglutition sont contrôlés par les muscles de la poitrine. Donc, chaque fois qu’elle parle, respire ou chante, elle peut avoir une restriction dans la façon dont elle étend sa poitrine à cause des spasmes et de la rigidité musculaire.
Où en est-on dans la création d’un traitement pour en guérir ?
Nous en apprenons toujours davantage sur cette maladie et nous commençons à comprendre vraiment quels sont les cibles immunitaires et les mécanismes sous-jacents. Cela va nous aider à développer des traitements plus ciblés, qui, espérons-le, nous mèneront à un remède.
“Il y a des traitements prometteurs à l’horizon, pour lesquels des essais cliniques sont en cours et qui, je l’espère, proposeront de nouvelles alternatives aux patients.”
Êtes-vous confiante à ce sujet ?
Je suis très optimiste. Il y a des traitements prometteurs à l’horizon, pour lesquels des essais cliniques sont en cours et qui, je l’espère, proposeront de nouvelles alternatives aux patients. Notamment à ceux qui souffrent de formes graves ou qui n’ont pas répondu aux thérapies actuelles. Un des essais que nous allons bientôt lancer dans notre institution est un traitement par cellules CAR-T, normalement utilisé contre les cancers. L’essai clinique vient d’obtenir l’approbation des autorités américaines. Nous espérons que les patients pourront s’y inscrire d’ici la fin de l’année 2024.
Une maladie plus fréquente que ce que l’on pensait
Le syndrome de la personne raide toucherait une personne sur 100 000 et concernerait plus souvent les femmes quinquagénaires, selon une étude publiée en avril 2024 par une équipe de recherche comprenant la Dr Amanda Piquet. Ces travaux concernent un panel d’individus plus large que ceux réalisés auparavant et donnent des résultats qui contrastent fortement avec les données publiées précédemment. Jusqu’à l’arrivée de ces résultats, les chercheurs pensaient que cette maladie touchait une personne sur un million et concernait autant les femmes que les hommes. Qui plus est, le nombre de malades pourrait être encore plus important, car son diagnostic reste très complexe à réaliser.





