Le Comité consultatif national d’éthique a rendu le 25 septembre un nouvel avis favorable à l’extension de la Procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et femmes seules, faisant glisser la priorité de fertilité à une logique sociétale de choix de maternité. Qu’est-ce que la PMA et quelles sont ses techniques ? Décryptage !
Malformations du système reproducteur, irrégularités du cycle ou anomalies dans la mobilité et la vitalité des spermatozoïdes… en France, un couple sur sept consulte parce qu’il éprouve des difficultés à procréer et un sur dix passe par une PMA. Depuis la naissance d’Amandine, premier bébé éprouvette né par Fécondation in vitro (FIV) en 1982 sous l’égide du professeur René Frydman et de son équipe, les techniques de PMA n’ont cessé de se développer, redonnant espoir à de nombreux couples infertiles… Mais ils ne seront bientôt peut-être plus les seuls à pouvoir en bénéficier. Le gouvernement a en effet annoncé la présentation d’un projet de loi sur l’ouverture de la PMA aux femmes seules et couples de femmes lesbiennes dans les mois à venir.
État des lieux et cadre juridique
La PMA, autrement appelée par le corps médical Assistance médicale à la procréation (AMP), comprend un ensemble de techniques visant à recréer en laboratoire les différentes étapes de la fécondation naturelle tout en maximisant les chances (recueil de plusieurs ovocytes) et en les optimisant (sélection des spermatozoïdes et des embryons). Encadrée par la Loi de bioéthique du 6 août 2004 et révisée par la Loi du 7 juillet 2011, elle était jusqu’à présent réservée aux couples hétérosexuels « en âge de procréer » et qui souffrent d’une infertilité médicalement constatée ou qui sont porteurs d’une maladie génétique grave susceptible d’être transmise à l’enfant. La loi stipule également que le couple doit être marié et/ou vivre ensemble (Pacs, concubinage) depuis plus de 2 ans, certificat à l’appui. Elle rappelle également l’interdiction de faire appel à une mère porteuse et d’avoir recours à un double don de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) tout en réaffirmant l’anonymat pour les donneurs.
État des lieux en Europe
- La France est l’un des derniers pays européens à l’avoir ouvert aux couples de femmes et femmes célibataires.
- 8 millions de personnes dans le monde sont nées par PMA depuis 40 ans (Source : Sciences et avenir 2018).
- En Europe, au palmarès des pays les plus actifs en matière de PMA, on compte d’abord l’Espagne, suivie de la Russie, de l’Allemagne et de la France.
Chiffres clés France
La stimulation ovarienne, étape préalable
Après un bilan, une équipe pluridisciplinaire peut proposer un parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP) individualisé selon l’âge et la durée de l’infertilité.
La stimulation des ovaires est l’étape incontournable pour tout couple qui rencontre des troubles de la fertilité, particulièrement en cas d’absence d’ovulation (anovulation), d’ovulation rare et/ou de qualité médiocre (dysovulation). Son objectif est de favoriser la production du nombre de follicules matures par les ovaires pour obtenir une ovulation, et donc un ovule, de qualité. Lors de la première moitié de son cycle, la femme reçoit un traitement par voie orale qui favorise l’ovulation, avec une prise de comprimés entre le 2e et le 6e jour du cycle menstruel. Une hormone dénommée HCG (hormone gonadotrope chorionique) est ensuite injectée en milieu de cycle (environ 14 jours après le début des dernières règles). Un suivi médical est nécessaire tout au long du traitement. Celui-ci comprend dosages hormonaux et échographies pour adapter les doses et éviter une stimulation excessive des ovaires, entraînant des effets indésirables pénibles et potentiellement dangereux.
L’insémination artificielle
Cette technique parmi les plus anciennes est aussi l’une des plus simples et des plus fréquentes. Elle est indiquée pour les femmes souffrant de troubles de l’ovulation, de problèmes de glaire cervicale (substance visqueuse expulsée par le col de l’utérus qui a un rôle majeur dans la fécondité), ou pour les infertilités inexpliquées. Elle a obligatoirement lieu en période d’ovulation après une phase de stimulation ovarienne et consiste à recueillir et préparer le sperme du conjoint pour l’injecter directement dans l’utérus de la femme à l’aide d’un tube souple (cathéter). L’insémination intra-cervicale introduit le cathéter au niveau du col de l’utérus, tandis que l’insémination intra-utérine le place directement dans la cavité utérine. L’insémination peut se faire avec le sperme du conjoint (IAC) ou avec don de sperme congelé d’un donneur (IAD), notamment dans les cas d’infertilité liée à l’absence de spermatozoïdes ou de maladie héréditaire chez l’homme. Un test de grossesse est réalisé 15 à 18 jours plus tard. Les chances de réussite avoisinent les 10 à 12 % selon l’Agence de la biomédecine et peuvent atteindre 20 %, en particulier dans les inséminations avec spermes de donneurs. Le médecin s’assure au préalable que les trompes sont perméables et que les spermatozoïdes sont en nombre suffisant. Plus de 50 000 inséminations artificielles sont réalisées en France chaque année. Un formulaire de consentement est nécessaire. Comme toutes les autres techniques de PMA, elles ne se pratiquent que dans des centres clinico-biologiques habilités.
La fécondation in vitro (FIV)
La FIV est recommandée aux femmes dont les trompes sont bouchées ou en l’absence de trompes (malformation), pour celles qui sont pré-ménopausées, qui souffrent de troubles importants de l’ovulation (syndrome des ovaires polykystiques), d’endométriose ou d’une diminution de réserves ovariennes. Plus invasive, la technique consiste à provoquer la rencontre entre un ovule et un spermatozoïde en laboratoire (in vitro). Il s’agit généralement des cellules des deux conjoints, mais la FIV peut également avoir lieu grâce au don d’ovule et de sperme. En pratique, une première étape recueille puis prépare le sperme au laboratoire, tandis que le recueil des ovocytes matures se fait par ponction des ovaires après une stimulation hormonale par injection. Au laboratoire, ovules et spermatozoïdes sont mis en fécondation in vitro dans une boîte de culture par technique conventionnelle ou par ISCI (Intra cytoplasmic sperm injection). Cet autre procédé de FIV réalisé par micro-injection consiste à prélever de façon chirurgicale un spermatozoïde, puis à l’injecter directement dans l’ovocyte. Il représente 68 % de l’ensemble des FIV et est surtout préconisé dans les cas d’infertilité masculine ou en cas d’échec de fécondation lors d’un cycle antérieur de FIV classique. Il faut attendre 14 jours en moyenne pour faire un test de grossesse. Les chances de réussite sont estimées entre 25 et 30 %.
PMA, GPA : même combat ?
La crainte, pour une petite partie de l’opinion publique, est de voir l’extension de la PMA mener à la Gestation pour autrui (GPA) au nom de l’égalité entre homosexuels hommes et femmes. Ce terme désigne l’ensemble des méthodes de PMA dans lesquelles l’embryon est implanté dans l’utérus d’une femme tierce, dite mère porteuse. La ministre de la Santé l’a affirmé : PMA et GPA n’ont pas la même problématique. « Les sociétés savantes ne demandent pas la GPA, explique le professeur Rachelle Levy. Techniquement, cela n’a rien à voir et ce serait passer d’un concept d’offre de soins classique [insémination avec sperme de donneurs] à une AMP qui n’existe pas en France et qui n’est pas autorisée. »
De nombreux points restent néanmoins encore en suspens : les femmes seules ou lesbiennes devront- elles passer après les couples infertiles ? Le financement sera-t-il assuré par l’Assurance maladie ou devront-elles payer de leur poche ? Débat à suivre…
Quelle prise en charge ?
La Sécurité sociale rembourse à 100 % et sans avance de frais la PMA (examens de laboratoire, consultations) dans la limite de six inséminations artificielles et de quatre FIV jusqu’à obtention d’une grossesse et à condition que l’âge de la mère ne dépasse pas 43 ans. Le CCNE s’est dit opposé à une prise en charge intégrale si la PMA est ouverte à toutes les femmes.
2 questions au professeur Rachel Levy chef de service de biologie de la reproduction Cecos à l’hôpital Tenon à Paris
Pourquoi la loi limite-t-elle le nombre de tentatives d’AMP ?
Les grossesses sont en général obtenues à la 1re, ou à la 2e, voire à la 3e tentative, puis on se heurte à un plateau. Les études épidémiologiques ont montré que les femmes n’augmentent pas forcément leurs chances d’obtenir une grossesse en multipliant le nombre de tentatives de FIV, même si à partir de la 2e, l’équipe médicale connait mieux le couple, ses problèmes et la prise en charge est plus individualisée. À l’heure actuelle et avec les techniques dont nous disposons, l’évolution se fait en faveur du transfert d’un seul embryon dans de bonnes indications avec une 2e tentative chez des femmes de moins de 35 ans qui ont plus de deux embryons de bonne qualité. En favorisant le transfert d’un seul embryon, le taux de grossesses multiples diminue et c’est un plus.
L’ouverture de la PMA aux femmes seules et couples de femmes et la levée éventuelle de l’anonymat du don risquent-elles de créer une pénurie du don de gamètes ?
Ouvrir l’AMP aux femmes seules et en couple était une promesse présidentielle. Les Cecos ont défendu cette ouverture d’offre de soins auprès du CCNE et du Conseil d’État. Mais il est vrai que ces techniques ne pourront être envisagées qu’avec des spermatozoïdes de donneurs. Si, dans le même temps, les règles du jeu changent et que la bascule se fait vers la levée de l’anonymat, il y a fort à parier que les donneurs seront réticents pour poursuivre leur démarche. Nous ne sommes pas en situation de pénurie aujourd’hui et constatons une augmentation nette du nombre de donneurs de 20 à 30 % selon les centres. Cela s’explique en partie par la modification de l’accès aux dons l’ouvrant aux hommes et aux femmes qui n’avaient jamais procréé. Cette augmentation de donneurs permettra-t-elle de répondre à l’ouverture de l’AMP aux femmes et couples de femmes ? Nous n’en savons rien, car il est impossible de maîtriser le nombre de femmes qui vont s’adresser à nous. L’idée pour le moment est de favoriser « l’autosuffisance » et de ne pas nous adresser aux banques de spermes étrangères, dont on connaît les limites.
Témoignage de Sandrine F., 38 ans
Pourquoi avez-vous dû recourir à la PMA ?
Je souffre d’une endométriose au stade 4, l’un des plus avancés de cette maladie qui est aussi l’une des premières causes d’infertilité en France. Il n’y avait aucune autre possibilité de mener à terme une grossesse, car l’endométriose provoque des lésions de l’appareil gynécologique et entame la réserve ovarienne. Après plusieurs essais infructueux et une opération, nous nous sommes engagés dans une démarche de PMA.
Quelle technique avez-vous suivi et quel a été votre accompagnement ?
La FIV par ISCI nous a été proposée et notre premier bébé a été conçu après trois tentatives. L’accompagnement a été très variable d’un centre à l’autre. Lors de ma première FIV, qui s’est déroulée en province, je me suis sentie livrée à moi-même avec l’impression qu’il me fallait parfaitement connaître mon dossier et restée informée pour guider les médecins. Je garde de la seconde, à Paris, un meilleur souvenir.
Quel message donneriez-vous aux femmes qui s’apprêtent à suivre le même parcours ?
Il faut une véritable force de caractère pour s’engager dans ce parcours du combattant. Le plus dur est de ne pas se laisser décourager par le corps médical qui, dans mon cas, a été peu empathique. J’ai trouvé la prise en charge médicale aseptisée et glaciale ! Mieux vaut bénéficier d’un entourage capable de vous soutenir et, surtout, croire en son projet, sans aller au-delà de ce que l’on est capable de faire.
Par Raphaëlle Bartet





