Les gènes, le cerveau et les bactéries
Pendant de nombreuses années, l’obésité de l’enfant était avant tout considérée comme un défaut : on mange trop et mal, on ne fait pas de sport et l’on devient obèse.
Un peu avant les années 2000, les médecins et chercheurs se sont rendu compte que ce n’était pas aussi simple : le lien entre obésité et génétique venait d’être clairement démontré. De nombreux gènes ont permis de mettre en évidence que certaines personnes étaient génétiquement programmées pour grossir beaucoup et rapidement, alors que d’autres non.
La place de la génétique a été une étape importante, tout comme celle du cerveau ! Eh oui, les chercheurs ont prouvé que le cerveau avait un rôle de contrôle important dans la régulation de la faim et du poids. Nous évoluons en fonction de notre patrimoine génétique, de ce que nous dictent notre cerveau et notre corps en général. Car on sait depuis une dizaine d’années que nos intestins influencent aussi notre poids. Le microbiote intestinal (qui regroupe toutes les bactéries vivant dans nos intestins) est unique et agit également sur l’assimilation des aliments.
Le Pr Patrick Tounian, pédiatre et nutritionniste, nous explique : « nous sommes partis d’un raisonnement simpliste : on mange mal, on mange trop, on devient gros, pour s’apercevoir que l’obésité est un trouble qui n’a pas une cause connue, mais plusieurs potentielles. Parmi elles, la génétique tient une place prépondérante. »
Contrairement aux idées reçues, il n’existe plus d’épidémie d’obésité chez l’enfant : « l’obésité nécessite une prédisposition génétique et un environnement favorisant (avec une alimentation riche, facilement disponible et une sédentarité). Aujourd’hui, en raison de la mondialisation et contrairement à 50 ans plus tôt, les aliments sont faciles d’accès. Et les personnes qui ont des gènes favorisants ont donc la possibilité de les exprimer… Mais les chiffres le montrent : le nombre d’enfants obèses dans notre société stagne depuis une quinzaine d’années. »
L’arrivée de la chirurgie bariatrique
D’un point de vue thérapeutique, les progrès sont peu nombreux : « globalement, on traite aujourd’hui les enfants obèses comme il y a 50 ans : avec un régime et de l’activité physique, avec une efficacité à long terme minime… se désole le Pr Tounian. Mais si, aujourd’hui, l’objectif n’est plus de faire maigrir à tout prix (faute de résultats à long terme), nous essayons d’être les moins délétères sur l’enfant dans tout son être. » Et cela passe à la fois par une prise en charge psychologique, mais aussi parfois chirurgicale.
Depuis le début des années 2000, la chirurgie bariatrique est proposée aux personnes obèses, plus récemment aux enfants également. Il existe différents types de chirurgies dites de l’obésité :
— La plus connue est l’anneau gastrique, mais il est de moins en moins utilisé. L’objectif est de placer un anneau, le plus souvent en silicone, autour de la partie haute de l’estomac. Les aliments ne peuvent donc pas descendre aussi rapidement dans l’estomac, ce qui ralentit la digestion.
— Le bypass gastrique est une intervention qui consiste à court-circuiter la majeure partie de l’estomac et le premier mètre de l’intestin pour diminuer l’absorption des aliments et surtout modifier le contrôle de l’appétit lié aux hormones sécrétées par l’estomac et la première portion intestinale.
— La sleeve (aussi appelée gastrectomie) consiste à retirer les 2/3 de l’estomac pour former un tube qui diminue grandement la capacité de l’estomac et modifie également le contrôle de l’appétit.
Le chirurgien, qui décide de l’opération la plus adaptée à chaque patient, se base sur de nombreux facteurs (antécédents,conséquences sur la santé, le poids, etc.). « Tous les patients obèses ne peuvent pas bénéficier d’une opération. C’est au cas par cas, et même pour les personnes opérées, il n’y a pas de miracle. Comme s’il s’agissait du début du traitement de leur pathologie, elles doivent être actives pour obtenir des résultats (suivi des indications nutritionnelles, activité physique, etc.) », souligne l’expert.
Ces opérations, destinées aux enfants très obèses et aux adultes, sont des actes chirurgicaux lourds, mais efficaces quand les patients suivent les contraintes diététiques associées. En effet, quelle que soit l’intervention, les personnes opérées doivent modifier leur régime alimentaire, principalement en termes de quantité, mais aussi de qualité pour éviter les carences nutritionnelles.
L’avenir de l’obésité…
On l’a vu, la génétique a permis de voir différemment cette maladie : tout n’est pas qu’une question d’alimentation. Pour le Pr Tounian : « les avancées de la recherche permettront, nous l’espérons, de mieux comprendre la maladie et d’en déterminer les origines exactes pour trouver des traitements adaptés et efficaces pour tous, car il est peu probable qu’il y ait une seule cause commune. On parlera sans doute “des obésités”. »
L’un des combats quotidiens de notre expert est aussi de mieux informer le grand public sur l’obésité et les souffrances associées à la maladie et à sa stigmatisation dans notre société : « il y a 20 ans, quand je recevais un enfant gros en consultation, je voulais qu’il en sorte moins gros. Aujourd’hui, je veux également qu’il soit moins triste, qu’il comprenne que ce n’est pas de sa faute. »
Gaëlle Monfort
L’expert
Le Pr Patrick Tounian est pédiatre et nutritionniste à Paris, il est le chef du service de nutrition pédiatrique de l’hôpital Trousseau à Paris et directeur du diplôme universitaire « Obésité de l’enfant et de l’adolescent » à l’université Paris 6.
Non aux régimes marketing !
La médiatisation extrême de la nutrition (et de la minceur) est néfaste : tout le monde doit être au régime avant l’été, garder la ligne ensuite, éviter de grossir pendant les fêtes… Pour notre expert interrogé, il faut être prudent : « ces régimes font vendre du papier et des produits douteux, mais il n’existe pas de régime miracle pour maigrir. Il est indispensable de revenir à l’essentiel : manger avec plaisir, sans penser aux conséquences sur son poids, sa santé, etc. »
Pour en savoir plus
Obésité infantile : on fait fausse route par Pr Patrick Tounian.
Éditions Bayard Jeunesse, 2008 148 pages.





