Les produits de beauté et d’hygiène bio ont le vent en poupe. Mais remplissent-ils toutes leurs promesses ? Quelles différences avec les cosmétiques naturels ?
Le bio, une simple tendance ? Plus vraiment, puisque depuis son avènement dans les années 2000, le bio a explosé dans tous les secteurs. Et les cosmétiques ne sont plus à la marge. Alors que le bio ne représentait que 1% des cosmétiques français il y a 10 ans, sa part a aujourd’hui plus que quadruplé. Désormais, le marché du cosmétique bio croît de 7 % par an. En cause : des consommateurs à la recherche de produits bons pour leur peau et la planète.
L’eau est-elle bio ?
Se tourner vers le bio, « une évidence » pour Muriel Dubois, cofondatrice des Laboratoires de Biarritz. Créée en 2011, l’entreprise biarrote s’est très vite spécialisée sur les protections solaires bio, distribuées en pharmacie et parapharmacie. Des produits sans filtres chimiques, « pointés du doigt », et avec des écrans minéraux naturels. Pendant longtemps, la cosmétique bio a traîné la réputation d’être moins efficace, voire moins agréable. « Les produits sont autant, et même plus, efficace, que les cosmétiques conventionnels. » Ecocert, Cosmébio, Natrue, Nature & Progrès… Pour être déclaré bio, un cosmétique doit répondre à une charte stricte, émise par un organisme de certification. Et le label est ensuite acheté, après la certification. Et chaque label possède ses propres conditions, qui varient peu ou prou en fonction des certifications. En France, Ecocert et Cosmébio sont certainement les plus connus. La certification passe par Ecocert et ensuite la plupart des marques adhèrent à la charte Cosmébio, label rajouté sur le produit. Ce processus concerne la majorité des gammes : Les Laboratoires de Biarritz, Melvita, Sanoflore, Bio by Nuxe, Cattier et bien d’autres.
« Le label Cosmébio ne peut être acquis que si on respecte déjà la charte Ecocert. Et les exigences vont de la conception jusqu’à la sortie du produit sur le marché » indique Muriel Dubois. « Un processus long et laborieux », qui assure par exemple au consommateur un cosmétique sans parabène, OGM, silicone, parfum, phénoxyéthanol, et un emballage biodégradable, même si la liste est bien plus longue. Quant aux ingrédients, Ecocert garantit, pour son label « Cosmétique biologique », 95 % minimum d’ingrédients d’origine naturelle. Pour son second label « Cosmétique écologique », ce ne sont plus que 50 % des ingrédients qui se doivent d’être naturels.
Rapportée à la totalité du produit, la part de bio diminue drastiquement. Ainsi, pour le label Ecocert biologique, 20 % minimum du total des ingrédients doivent être issus de l’agriculture biologique. Car l’eau, les sels ou encore les minéraux ne peuvent pas être certifiés bio, puisqu’ils ne sont tout simplement pas issus de l’agriculture. Alors, pour gonfler artificiellement leur part de bio, certaines marques n’hésitent pas utiliser des hydrolats pour remplacer l’eau… Or, dans certains produits, comme les shampoings, la part aqueuse peut atteindre près de 50 % du produit total.
Vers une harmonisation de tous les labels
Le 100 % bio semble donc difficilement atteignable au regard des certifications actuelles. Par ailleurs, Ecocert, tout comme le label Natrue son alter ego allemand, autorisent en vrac : les dérivés de l’huile de palme, bien qu’ils doivent être issus d’exploitations responsables, cinq conservateurs synthétiques, mais à très faibles doses, ou encore certaines pièces du packaging en PET. Mais « le label Natrue est l’un des seuls à exclure tous les ingrédients dérivés de la pétrochimie, comme le cocamidopropyl, un tensio-actif retrouvé dans certains produits bio », ajoute Laëtitia Redel, docteur en biologie et chargée de formation pour Weleda France, marque allemande, pionnière du cosmétique naturel et certifiée par Natrue.
Globalement, la grande majorité des labels bio utilisés en Europe pour les cosmétiques méritent confiance. C’est le cas donc d’Ecocert et de Natrue, mais aussi de Nature & Progrès, considéré comme l’un des plus exigeants, de Soil Association ou encore de BDIH. Pour s’y retrouver dans la jungle des labels, en 2017, cinq certificateurs européens, dont Ecocert et Cosmébio pour la France, se sont réunis pour créer un label commun : Cosmos. « Les normes ont été harmonisées à l’échelle européenne, par le haut » nous explique Muriel Dubois, précisant que : « avant, avec Ecocert, il fallait 10 % d’ingrédients issus de l’agriculture biologique. Désormais, ce sera 20 % dans le nouveau cahier des charges ». Seul point noir : tous ces labels sont privés, et payés par les marques. Il n’existe pour l’instant aucune certification européenne officielle et publique sur les cosmétiques bio.
“Les cosmétiques bio semblent désormais guider la tendance et influencer les choix des laboratoires conventionnels.”
Les marques à l’assaut du greenwashing
Bio ou naturel ? Pas facile pour le consommateur de démêler le vrai du faux, car nombreuses sont les gammes qui s’autoqualifient de « naturelles » ou « à l’extrait d’actifs naturels ». Or, elles ne sont soumises à aucune réglementation, contrairement au bio. « Il y a une confusion chez les consommateurs entre bio et naturel, qui est entretenue par les marques qui ne sont pas certifiées », déplore Muriel Dubois.
Des arguments marketing légaux, mais trompeurs. Alors que la « nature » peut être avancée à toutes les sauces, ce n’est pas le cas du terme « bio ». Parce que la prise de conscience environnementale et sanitaire des consommateurs est de plus en plus forte, certaines marques n’hésitent donc pas à surfer sur la tendance. L’une des astuces les plus classiques est de ne proposer qu’un seul produit bio, en tête de gondole, alors que l’ensemble de la gamme reste conventionnel. « C’est pour éviter ce greenwashing que Natrue impose que 75 % de la gamme au moins soit certifiée », précise Laëtitia Redel.
100 % bio dans 20 ans
Qu’elle réponde à une prise de conscience de santé, écologique ou sociale, la vague du bio n’est pas prête de s’arrêter. Et certaines marques décident même d’aller plus loin, en s’engageant dans le made in France. C’est le cas des Laboratoires de Biarritz : « la promotion du made in France est très importante pour nous, car on soutient le tissu économique local, toute une région, le Pays basque. Et les circuits courts ont moins d’impacts écologiques », souligne Muriel Dubois.
Les cosmétiques bio semblent désormais guider la tendance et influencer les choix des laboratoires conventionnels. « Il y a 5 ans déjà nous avions alerté sur les perturbateurs endocriniens », rappelle Muriel Dubois. Désormais, une grande partie du secteur de la cosmétique traditionnelle communique sur le « sans parabène », « sans phénoxyéthanol »… Le bio n’en est encore qu’à ses prémices, « le pire de la cosmétique conventionnelle est derrière nous », confirme Muriel Dubois, qui ajoute que « dans 20 ans, nous n’aurons certainement que du bio ». Un constat que partage Laëtitia Redel : « La cosmétique bio va continuer à exploser et les marques conventionnelles vont finir par s’aligner ».
par Léa Galanopoulo





