Des millions de Français souffriraient d’acouphènes, soit 28 % de la population. Le rappeur Roméo Elvis, affecté par cette condition, en a fait un thème récurrent de sa musique.
Talent incontestable en Belgique, son nom complet est Roméo Johnny Elvis Kiki Van Laeken. Le rappeur plus connu sous le raccourci Roméo Elvis, a le vent en poupe. Son dernier album sorti en 2018, Morale2Luxe est déjà disque d’or en France. Sur son compte Facebook officiel, il se décrit comme un « Jeune rappeur belge de 23 ans en mode Snoopy sympa relativement chouette et top ». Sous ses airs décontractés, Roméo Elvis souffre pourtant d’acouphènes.
L’étoile montante du rap
Roméo Elvis est belge. Sa voix grave et son talent l’ont hissé sur le devant de la scène. Depuis 2013, le Bruxellois en est à son cinquième album et a participé aux plus grands festivals français (Le Printemps de Bourges ou encore les Solidays). Il a grandi dans une famille d’artistes : son père est un chanteur reconnu en Belgique, sa mère est comédienne et sa sœur, Angèle, est actuellement 9e du Top 50 en France avec son titre « Tout oublier ». C’est donc naturellement que le chanteur s’est tourné vers la musique.
Dans sa tête
Le 29 janvier 2018, Roméo Elvis sort le clip de son titre « Ma tête », où il s’exprime sur ses acouphènes. Dans ce court film animé, on découvre le rappeur en fauteuil roulant dans une blouse d’hôpital, une oreille géante sur la partie droite de son visage, répétant « l’oreille siffle encore » à de nombreuses reprises. Grâce à cette chanson, il dévoile ce problème qui le handicape.
Roméo Elvis a en effet les deux premières couches de tympan de son oreille droite perforées. « Il y a plusieurs facteurs qui augmentent le ressenti : la fatigue, le stress et le fait d’y penser. Il y a le symptôme même, la fréquence en hertz à laquelle ça te touche, mais si tu es fatigué, si tu es stressé, si tu y penses, tu l’entends mille fois plus », se confie-t-il lors d’une interview réalisée dans l’émission Flag de Tarmac en 2017.
L’Assurance maladie, sur son site Ameli, définit les acouphènes comme « des bruits que l’on entend dans une oreille (ou les deux) ou dans sa tête sans qu’ils aient été émis par une source extérieure ». « C’est le silence que je n’aurai plus jamais dans ma vie », se livre Roméo Elvis dans Flag.
Ce n’est pas un cas isolé
Le jeune belge de 26 ans n’est pas le seul musicien à souffrir de sifflements incessants : Chris Martins (chanteur de Coldplay), Eric Clapton, Will.i.am (The Black Eyed Peas) ou encore Sting les endurent également.
« C’est le grand mal du musicien », affirme Roméo Elvis sur Radio Nova en mars 2018. La musique permet de lui faire oublier le sifflement, mais lors de ses concerts, il est obligé de mettre des bouchons d’oreille. « Je n’ai pas envie d’arrêter la musique à cause de ça », a dit le chanteur dans l’émission Flag.
Cette protection est d’ailleurs hautement recommandée lors des concerts pour les spectateurs. Car, l’un des principaux risques d’une exposition prolongée à de forts niveaux sonores, avec une baisse de l’audition, sont les acouphènes.
Les médicaments à éviter
Les médicaments ototoxiques, c’est-à- dire toxiques pour l’oreille, sont à éviter chez les patients souffrant d’acouphènes. Les patients ne doivent pas hésiter à repréciser au médecin leur problème dès que celui-ci leur prescrit de nouveaux médicaments. Ces médicaments peuvent endommager l’oreille interne ou le nerf auditif, et provoquer une surdité, des vertiges, des acouphènes et une hypersensibilité aux sons. Rassurez-vous, si vous ne souffrez d’aucune pathologie ORL, ces médicaments sont à faible risque. Ils sont susceptibles d’être toxiques surtout à fortes doses et pendant une longue durée.
Parmi ces médicaments, la vancomycine (un antibiotique) est ototoxique à hautes doses et peut causer une surdité irréversible. L’ibuprofène est également potentiellement ototoxique, mais cela varie fortement entre chaque individu, et les effets sont réversibles.
L’avis de l’expert Dr Nguyen Dinh-Qui, Médecin ORL (Paris)
L’acouphène n’est pas une maladie, mais un symptôme témoignant d’un dysfonctionnement du système auditif. Des bourdonnements ou des sifflements sont perçus, qu’ils soient intermittents ou permanents.
Les deux types d’acouphènes
- Les acouphènes subjectifs représentent 90 % des cas et sont uniquement perçus par les personnes touchées. Souvent, la cause est psychique, voire idiopathique, c’est-à-dire que l’origine est inconnue.
Le vieillissement de l’oreille interne est la cause la plus fréquemment retrouvée chez les personnes âgées, alors que chez les sujets jeunes, l’origine est souvent un traumatisme sonore attribuable à une musique trop forte (concert, boîte de nuit). En effet, si l’oreille est soumise à un son trop fort de manière brutale, les cellules de l’oreille interne peuvent s’en retrouver endommagées de façon irréversible. Un volume sonore trop haut sur une période prolongée peut également perturber l’audition en altérant la transmission du nerf auditif.
Parfois, une pathologie de la sphère ORL est retrouvée. L’obstruction du canal auditif par un bouchon de cérumen est très fréquente. Otites, otospongiose (maladie de l’oreille interne causant une surdité) ou encore maladie de Ménière (responsable de vertiges) peuvent être également citées.
Parfois, d’autres causes sans liens avec l’oreille sont retrouvées : un traitement médicamenteux et des poussées d’hypertension artérielle. - Les acouphènes objectifs quant à eux touchent 10 % des patients atteints de sifflements. Ils sont dits « objectifs », car ils peuvent être perçus par le médecin ORL lors de l’examen auditif. Ils sont généralement pulsatiles, car provoqués par le passage du sang dans les vaisseaux sanguins, et augmentent en position déclive (quand le patient est allongé sur le dos et que sa tête se trouve plus bas que ses pieds).
Ce type d’acouphène nécessite de réaliser un bilan plus approfondi, car ils peuvent avoir une origine vasculaire : hypertension artérielle, anomalie des vaisseaux (capillaires, artère carotide ou veine jugulaire) ou athérosclérose (amas de graisse dans les artères pouvant conduire à des caillots). Malgré la sévérité, la cause est généralement identifiable et le traitement possible.
Le rôle central du médecin ORL
Le rôle de l’ORL est d’accueillir et d’examiner le patient. Son rôle est central dans la prise en charge, car il faut explorer l’appareil auditif dans sa totalité.
Lorsqu’un patient souffrant d’acouphènes se présente, la première étape est l’interrogatoire. Il est primordial, car il permet de trouver les éléments déclenchants, le contexte de survenue, le contexte psychologique, si le patient prend un traitement et quels sont ses antécédents personnels et médicaux.
Puis, un examen clinique ORL complet sera réalisé :
- L’otoscopie : examen permettant de visualiser le tympan et le conduit auditif externe. Pour cela, le médecin utilise un otoscope : c’est l’instrument dont se sert le médecin généraliste pour regarder à l’intérieur de votre oreille lors d’une consultation.
- L’examen vestibulaire : exploration du vestibule (composant l’oreille interne) à la recherche de vertiges.
- Une audiométrie complète : examen pour mesurer l’audition, en utilisant des instruments produisant des sons ou des mots que le patient doit écouter. L’audiométrie tonale évalue le seuil de perception du son et l’audiométrie vocale détermine le niveau de compréhension du langage.
Des examens complémentaires peuvent éventuellement être réalisés selon les symptômes du patient afin d’éliminer une éventuelle cause, notamment vasculaire, qui est la plus dangereuse. Parmi ces examens, des épreuves caloriques (exploration de vertiges associés), ou de l’imagerie (écho doppler, IRM) peuvent être proposées.
Le traitement
Lorsque la cause est identifiée, comme une otite ou de l’hypertension artérielle, le traitement est possible. Mais le plus souvent, aucune cause n’est trouvée. Dans ce cas, plusieurs techniques existent pour essayer « d’oublier » les acouphènes :
- éviter les sons forts,
- éviter le silence,
- ne pas s’isoler et contacter des associations de patients si besoin,
- éviter les médicaments ototoxiques (voir encadré) susceptibles d’accroître les acouphènes,
- ne pas hésiter à pratiquer des techniques de relaxation et de sophrologie.
Pour les presbyacousies (les baisses de l’audition liées à l’âge), l’appareillage auditif externe conventionnel peut atténuer les symptômes.
Plus le patient consulte précocement, plus les chances de retrouver une audition normale seront hautes.
La prévention des acouphènes
Pour éviter de souffrir d’acouphènes, éloignez-vous de toute source sonore trop forte ou protégez vos oreilles grâce à une protection auditive (bouchons d’oreille, casque antibruit), privilégier un volume sonore atténué (en dessous de 80 décibels) et pratiquer un repos auditif (idéalement de 30 minutes toutes les 2 heures).
L’alcool et les excitants (café, thé) sont à éviter.
Une alimentation et un mode de vie sain, ainsi que la pratique d’un sport ou d’une activité de relaxation, comme le yoga, sont recommandés.
Par Léna Pedon





