La médecine ne se résume pas à la médecine de famille et aux spécialités hospitalières. En effet, différentes structures et organisations emploient et accueillent des médecins pour les besoins de leurs missions. Nous avons rencontré le Dr Marion, médecin militaire au parcours atypique, passionnée par son métier. Elle exerce aujourd’hui chez les marins-pompiers de Marseille, mais pas seulement.
Une double formation civile et militaire
Un baccalauréat scientifique en poche, la jeune Bergeracoise a intégré, sur concours, l’École du service santé des armées de Bordeaux. Cela implique de signer un contrat d’engagement militaire (autour de 25 ans, études comprises, au minimum). La formation est constituée des enseignements de la faculté de médecine “civile”, auxquels se rajoutent des enseignements spécifiques au futur milieu d’exercice, c’est-à-dire autant sur le plan militaire (milieux hostiles, évolution sur le terrain…) que sur le plan médical (médecine tropicale, médecine d’urgence, médecine du sport). Marion a choisi la spécialité de médecine générale et a réalisé ses 3 années d’internat à l’hôpital d’instruction des armées Percy, à Clamart.
La médecine d’unité
Sa première affectation comme médecin d’unité fut au sein de l’antenne médicale de Castelsarrasin qui soutient notamment le 31e régiment du génie (armée de terre avec des combattants, des plongeurs, des démineurs…). La fonction consiste à garantir et à assurer le suivi médical des militaires de l’unité. Pour le Dr Marion, la mission est claire : « soigner les militaires, être responsable de la capacité médicale du militaire à exercer sa mission et s’assurer que l’exercice professionnel qui lui est demandé est compatible avec son état de santé ». Il s’agit de préserver la santé du militaire dans son exercice et également la santé de la force pour la réussite de la mission. « Je compare souvent mes patients aux sportifs de haut niveau : ce sont des personnes qui ont besoin d’être en bonne santé et qui ont un métier extrêmement impactant sur leur santé. »
Cette mission s’exerce en opération extérieure, y compris dans les zones de guerre, lors des entraînements et au quotidien dans les unités. « Nous sommes présents en cas de risque de blessures pour assurer le soin immédiat. » Le médecin est également conseiller au commandement dans le cadre de la prévention, de l’hygiène, de l’éducation, de la formation de secours au combat, de manière à adapter l’organisation des missions en fonction des risques (contraintes climatiques, terrains, zones de combat…).
La médecine sur les missions en France ou à l’étranger
Les unités participent à des opérations intérieures de sécurisation du territoire français en métropole ou Outre-mer comme en Guyane ainsi que des opérations extérieures sur des zones de conflit par exemple. Dans ce cadre, le médecin intervient avant, pendant et après la mission. Dans un premier temps, il doit préparer les militaires qui partent en mission, « par exemple, pour une mission au Mali, l’exposition au risque de paludisme doit être anticipée ». Sur le terrain, le médecin reste présent avec l’unité, en particulier pour la gestion de l’hygiène sur le camp, le suivi médical des militaires, la gestion des blessures et l’évacuation des blessés. « La France a une capacité d’évacuation très rapide », souligne le Dr Marion. Le personnel médical est soumis aux mêmes contraintes que les soldats. Il bénéficie donc d’une préparation physique et d’une formation au combat afin d’être en mesure d’assurer la mission dans tous les environnements, même en zone de guerre. « Nous participons à des entraînements avec les militaires afin de mieux connaître le terrain, les risques et les contraintes de la mission. » Au retour, il s’agit de soigner les blessés physiques ou psychiques.
« C’est un métier passionnant et riche, un soin global à un collectif et un soin particulier à des êtres humains. »
La médecine d’urgence
Le Dr Marion bénéficie d’une double compétence de médecin généraliste et de médecin urgentiste. « Dans mon projet professionnel, mon objectif est le déploiement opérationnel et j’ai une appétence pour la médecine d’urgence. Je me suis donc particulièrement formée à l’urgence et à la médecine de catastrophe. » En ce sens, elle a pu être affectée au groupement de santé du bataillon de marins-pompiers de Marseille, une entité militaire, composé de 2 500 personnes dont 36 médecins affectés (militaires de carrière, militaires sous contrat, et médecins de la ville de Marseille) et une dizaine de vacataires. Les missions sont le secours routier, les incendies, le secours à la personne, le risque environnemental et technologique, la prévention des risques sur la zone urbaine. Le bassin marseillais est très étendu et varié avec des interventions en milieu urbain, mais aussi sur les calanques et le littoral. « Dans cette unité, j’assure les soins d’urgence et de réanimation de patients à bord d’une ambulance de réanimation (SMUR) du bataillon. Je participe à la régulation médicale des appels d’urgence (15, SAMU13). J’interviens également dans l’organisation des secours médicaux en cas de victimes multiples et en soutien des pompiers en intervention. Par ailleurs, j’ai effectué des gardes sur le Dragon (hélicoptère de la sécurité civile) pour le secours héliporté en milieu périlleux, par exemple. Je forme les marins-pompiers et participe à leurs soins quotidiens. » Les marins-pompiers participent également de manière importante à la gestion de crises sanitaires, comme celle du Covid-19 : secours aux malades, dépistage et vaccination. « Cela a été très impactant, notamment sur l’organisation et sur la charge de travail. C’était une nouvelle maladie que nous ne maîtrisions pas. Et comme tout un chacun, nous avons été confrontés aux conséquences sociales et humaines de la situation. Du fait de notre adaptabilité, nous avons rapidement retrouvé nos marques. »
Prochaine étape
Le Dr Marion prépare sa nouvelle affectation pour la fin de l’été. Cette fois-ci, elle exercera dans une antenne médicale à Phalsbourg, en Moselle, qui soutient un régiment d’hélicoptères de combat. Ses missions seront le suivi des militaires de l’unité, avant, pendant et après les opérations. Elle sera projetée en opération extérieure où elle médicalisera notamment les évacuations héliportées des blessés.
« En tant que militaires, nous sommes en capacité de nous organiser et de déployer des moyens et du personnel en masse en urgence. De plus, nous avons l’habitude de nous adapter au risque et à l’urgence. »
Des missions variées
Le Dr Marion a participé à différentes missions opérationnelles ces dernières années.
- Guyane, 4 mois. Les contraintes : le milieu, le climat, le risque parasitaire. La jungle est un milieu très hostile avec un temps d’évacuation pouvant être long.
- République centrafricaine, 4 mois. Les contraintes : les combats, le milieu, le climat, le risque parasitaire. L’équipe médicale se déplace en véhicule blindé sanitaire ou à pied.
- Exercice de secours en milieu maritime.
- Émirats arabes unis : mission de collaboration et d’expertise d’organisation des secours.
- Beyrouth, au Liban, au lendemain de l’explosion d’une usine l’an dernier : aide au recensement des besoins, à l’organisation des secours, ouverture d’un centre de soins pour les ressortissants français.
- Alpes-Maritimes, suite aux très graves inondations récentes : participation à l’action du secours.
Le service santé des armées
Le service santé des armées est un service interarmées sous la houlette du ministère de la Défense. Il est constitué de plusieurs établissements (hôpitaux d’instruction des armées, centres médicaux des armées et interarmées, écoles, institut de recherche biomédicale…), ce qui représente près de 15 000 personnes (dont 3 000 réservistes) civiles et militaires. Totalement autonome en termes de soins, de recherche, d’expertise, de formation et de ravitaillement, sa mission est le soutien médical des armées françaises (terre, air, marine, gendarmerie) en toutes circonstances et en tous lieux, c’est-à-dire à la fois sur le territoire français, mais aussi sur les théâtres d’opérations à l’étranger. Il participe également à l’offre de soins du service public et intervient dans le cadre de crises sanitaires exceptionnelles comme celle que nous traversons actuellement.
Par Marianne Carrière, avec la collaboration du Dr Marion, médecin chez les marins-pompiers de Marseille





