Certains traitements sont susceptibles de rendre la peau plus sensible aux effets du soleil. Et notamment provoquer de violents coups de soleil.
Vous revenez d’une consultation pour une lombalgie. Votre médecin vous a prescrit un gel anti-inflammatoire à base de kétoprofène pour soulager la douleur. Rien de sorcier jusqu’ici. Un pictogramme sur l’emballage et la notice attire toutefois votre attention. Un soleil, à moitié voilé par un nuage, le tout entouré d’un triangle rouge et suivi de la mention « Ne pas exposer les zones traitées au soleil, même voilé, ni aux UVA ». Votre pharmacien vous a d’ailleurs recommandé de protéger la zone traitée par le port d’un vêtement jusqu’à 2 semaines après l’arrêt du traitement, et de bien vous laver les mains après chaque application.
Car le kétoprofène, particulièrement sous forme de gel, est une molécule dite photosensibilisante : son application sur la peau combinée à une exposition solaire — ou parfois à la simple lumière du jour — peut provoquer une vive réaction cutanée. Mais cet anti-inflammatoire, disponible uniquement sur ordonnance, n’est pas la seule molécule à provoquer ce genre d’effets. D’autres, plus accessibles, peuvent aussi être en cause. Le point sur ces médicaments qui, parfois, ne s’accordent pas avec les rayons du soleil.
Deux types de réactions
Derrière le terme général de « photosensibilisation médicamenteuse » se cachent en réalité deux réactions distinctes, la phototoxicité et la photoallergie.
Plus fréquente des deux réactions, la photoxicité est aussi la plus rapide. Elle apparaît en quelques heures voire parfois quelques minutes. Cloques, rougeur, douleur : la photoxicité s’apparente à un coup de soleil « intense » au regard de la durée de l’exposition. Ici, les lésions n’apparaissent que sur les zones exposées et leur intensité dépend de la dose de médicament pris, mais aussi du phototype de l’individu. Une personne à la peau claire sera plus sensible qu’une personne à la peau mate.
Comme son nom le laisse deviner, la photoallergie s’apparente esthétiquement aux autres réactions allergiques, comme l’eczéma et l’urticaire. C’est une réaction immunologique, qui touche des personnes exposées une première fois à la molécule photosensibilisante. Son apparition est lente et progressive, souvent plus de 24 heures après l’exposition. Sa régression est également plus longue, et peut prendre plusieurs semaines. À noter qu’ici, la réaction ne se limite pas qu’aux zones exposées au soleil : elle peut toucher tout le corps et n’est pas dépendante de la dose.
Sur son site, l’Agence nationale du médicament (ANSM), précise que les « traitements systémiques (les médicaments qui agissent dans tout le corps et que l’on prend par voie orale ou injectable NDLR) déclenchent plus souvent une phototoxicité, tandis que les produits topiques (appliqués directement sur la peau) déclenchent plus souvent une photoallergie. » Certaines molécules peuvent toutefois être impliquées dans les deux types de réactions.
Quelles sont les molécules en cause ?
En collaboration avec le Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Rouen et le réseau français de CRPV, l’ANSM a dressé une liste (non exhaustive) des principales familles de médicaments le plus souvent impliquées dans les réactions de photosensibilisation.
Médicaments appliqués sur la peau (pommade, crème, lotion)
- Gels anti-inflammatoires à base de kétoprofène et de diclofénac
- Pommades anti-acnéiques
- Pommades anti-allergiques
- Antiseptiques appliqués sur la peau à base de chlorhexidine
Médicaments pris par voie orale (comprimés, gélules, sirop…) ou injectables
- Anti-inflammatoires non stéroïdiens
- Traitement de l’acné : isotrétinoïne
- Traitement de l’allergie : méquizatine et prométhazine
- Traitement des infections/mycoses :
– Certains antibiotiques de la famille des fluoroquinolones et des tétracyclines, en particulier la doxycycline
– Certains antifongiques
– Certains antiviraux
– Antipaludéens et antituberculeux
- Traitement de la toux : oxomémazine
- Traitement de l’acidité gastrique
- Certains traitements pour le cœur, l’hypertension ou le cholestérol
- Traitements du diabète : glimépiride et glibenclamide
- Certains traitements utilisés en neurologie/psychiatrie : certains anxiolytiques comme l’alprazolam, mais aussi certains traitements de l’épilepsie, des neuroleptiques ou des antidépresseurs
- Certains traitements du cancer : chimiothérapie classique ou certaines molécules de thérapies ciblées
À noter que souvent, la fréquence des réactions de photosensibilité est rare — environ 1 personne sur 1 000 — voire très rare — moins de 1 personne sur 10 000. Si vous suivez l’un des traitements cités, il n’est pas recommandé de l’interrompre sans avis médical ! Si vous suspectez une réaction de photosensibilité, parlez-en à votre pharmacien. Notamment pour s’assurer que c’est bien le médicament qui est en cause.
Des médicaments, mais pas que !
D’autres produits courants sont susceptibles de provoquer des réactions de photosensibilisation. C’est le cas de certains cosmétiques, à base de rétinol ou qui contiennent des huiles essentielles d’agrumes (orange douce, citron…), des parfums, et de certaines plantes (fenouil, anis, millepertuis, anis, pamplemousse…). Plus embêtant encore, certains filtres solaires (oxybenzone, PABA…) peuvent aussi en être à l’origine.
Comment s’en protéger ?
Pour s’en protéger, pas de méthode miracle, malheureusement. L’éviction solaire reste la meilleure des solutions. Si l’exposition ne peut être évitée, les préconisations rejoignent les recommandations générales contre le risque solaire : application toutes les 2 heures d’une protection d’indice 50, port de vêtements couvrants, d’un chapeau à large bord et de lunettes de soleil. Il est important de noter que certains médicaments mettent du temps à être éliminés par l’organisme. Aussi, ces précautions peuvent être recommandées jusqu’à plusieurs jours après l’arrêt du traitement.
Gare aux vagues de chaleur !
Certains médicaments sont susceptibles de diminuer la capacité de l’organisme à s’adapter aux montées de mercure : troubles de l’hydratation — en augmentant, par exemple, la quantité d’urine produite —, hyperthermie, augmentation de la production de sueur… L’ANSM a ainsi établi une liste des molécules susceptibles de provoquer ces troubles. Demandez conseil à votre médecin ou à votre pharmacien lorsqu’une vague de chaleur est prévue.
Par Julien Dabjat





