La Dr Juliette Hazart, médecin addictologue, revient sur un trouble pas comme les autres : l’addiction aux réseaux sociaux. Et donne des clés pour l’identifier et accompagner son enfant.
Une forte envie de scroller, de consulter le fil d’actualité jusqu’à en perdre la notion du temps, à y délaisser ses loisirs… Voilà quelques signes censés mettre en garde sur une dépendance aux écrans et aux réseaux sociaux.
Fin 2024, un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) alertait sur l’utilisation problématique des réseaux sociaux chez les adolescents. Selon cette vaste enquête menée dans plus de 44 pays, la proportion de jeunes utilisateurs accros est passée de 7 % à 11 % en quatre ans. Aujourd’hui, ils sont nombreux à passer du temps en ligne, mais rappelons qu’un usage excessif n’implique pas automatiquement une addiction !
Utilisation excessive n’est pas une utilisation problématique
En réalité, la fréquence de visite et le temps passé en ligne ne sont pas des indicateurs suffisants pour considérer si votre ado est accro aux médias sociaux. « L’usage intensif est associé à un excès de temps passé sur le téléphone. Cependant, cet usage est contrôlé et n’a pas de retentissements sur les activités de la vie quotidienne, contrairement à un usage addictif », détaille la Dr Juliette Hazart, médecin de santé publique, addictologue et auteure de l’ouvrage Mon ado est accro aux réseaux sociaux.
L’addiction se caractérise par la perte de contrôle et la poursuite de l’usage malgré la conscience des répercussions néfastes. En somme, l’enfant souhaite diminuer ou stopper l’usage des réseaux sociaux, mais n’y arrive pas malgré son désir d’y parvenir. Et, il continue d’utiliser les réseaux en dépit des conséquences négatives, que ce soit en termes de santé physique, de sommeil ou dans ses relations personnelles.
Une addiction pas considérée comme telle dans les définitions
Si le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques (DSM-5) détaille les addictions aux substances comme l’alcool, le cannabis, la cocaïne, les seules addictions comportementales inventoriées sont celles liées aux jeux d’argent et de hasard.
Bien que l’addiction aux réseaux sociaux ne soit pas reconnue officiellement comme telle, certaines caractéristiques s’en rapprochent clairement, affirme la Dr Hazart. D’un point de vue comportemental, mais aussi neurobiologique : « lorsque nous recevons un like, un commentaire, cela va activer le circuit de la récompense, de la même manière que lorsque nous consommons de l’alcool, du tabac, ou quand on participe à un jeu d’argent », précise l’addictologue.
« Prendre conscience de sa propre dépendance »
Dans son ouvrage Mon ado est accro aux réseaux sociaux, paru aux éditions De Boeck Supérieur, Juliette Hazart partage des méthodes pour accompagner au mieux les jeunes en difficulté.
Est-ce que l’usage de mon téléphone a répondu aux besoins que j’avais tout à l’heure ? Est-ce que je me suis mis à scroller et à y passer plus du temps que prévu ? « Le premier conseil que je donnerais aux parents, aux grands-parents et aux adultes qui encadrent des jeunes serait de prendre conscience de leur propre utilisation des écrans et des réseaux sociaux. Cette introspection peut ouvrir la voie à un dialogue constructif avec les enfants. »
Ainsi, échanger sur le fonctionnement de l’algorithme de l’application, sur ce que l’enfant a consulté, compris, voire se lancer un défi en famille pour déconnecter un peu, constituent des clés pour accompagner au mieux votre ado.
Par ailleurs, des troubles de l’usage des réseaux cachent parfois d’autres besoins comme celui de la validation sociale. Il faut alors interroger ce qui pourrait être mis en place dans la vie réelle pour que le jeune se sente valorisé, booste son estime de lui.
À noter que, selon une enquête réalisée par Génération numérique, 52 % des jeunes entre 15 et 18 ans avaient déjà subi des moqueries sur Internet en 2022.
Créer des temps de déconnexion
Pour limiter le temps passé à traîner sur les réseaux, des créneaux à durées fixes peuvent être aménagés. Six, huit, dix moments dans la journée dédiés uniquement à la consultation du fil d’actualité. Objectif : casser l’habitude, qui se traduit en trois temps : le signal à la réception d’une notification, le comportement routinier de consultation, puis la récompense.
Pour briser ce cycle, on peut par exemple, réduire le temps d’accès aux notifications, afin de freiner le sentiment immédiat de satisfaction.
« Le cerveau est câblé pour le plaisir et la récompense, mais ce qui est très intéressant c’est qu’il est plastique. On peut donc créer de nouveaux circuits neuronaux et associer le plaisir à d’autres choses que les écrans », conclut l’experte. •
« Le premier conseil que je donnerais aux parents, aux grands-parents et aux adultes serait de prendre conscience de leur propre utilisation des écrans et des réseaux sociaux. »
– Dr Juliette Hazart, médecin de santé publique et addictologue
Lieux d’accueil et d’écoute pour les parents et les enfants
● Les consultations jeunes consommateurs (CJC) accompagnent les jeunes de 12 à 25 ans qui s’interrogent sur leur consommation des écrans.
● Fil Santé Jeunes : un service gratuit et anonyme qui répond aux questions relatives à la santé des 12-25 ans, par téléphone (0 800 235 236), et par tchat individuel avec un professionnel sur leur site Internet.
Par Cléo Derwel





