Ce comportement inquiète, surtout quand il se répète. Pourtant, il s’agit d’un mode d’expression courant chez les enfants. Suzanne Vallières, psychologue spécialisée en enfance au Québec, vous aide à comprendre et à réagir sans violence.
Frapper, mordre… Ces comportements sont « très fréquents entre 12 et 18 mois », explique Suzanne Vallières, « et ils peuvent durer jusqu’à 3 ans ». En effet, avant 4 ans, un enfant qui tape exprime avant tout une émotion qu’il ne sait pas verbaliser : frustration, colère, peur ou même excitation.
« Presque tous les enfants vont à un moment donné mordre, pincer ou frapper. Ça fait vraiment partie du développement », ajoute la psychologue.
Le cerveau des tout-petits est encore en construction. Ils n’ont pas la maturité nécessaire pour réguler leurs émotions ni pour gérer les conflits autrement que par des gestes.
De plus, à cet âge, le langage n’est pas encore disponible pour exprimer les émotions : « à 18 mois, ils ont très peu de vocabulaire. Et même à 3 ans, s’il y a un petit retard de langage, ça peut être compliqué. »
Enfin, les enfants explorent leur environnement avec la bouche et ont besoin de mordiller les objets, voire les gens. « Les plus petits peuvent mordre également lors de la percée des dents pour calmer leur douleur », précise-t-elle.
Comment réagir ?
Suzanne Vallières alerte immédiatement : « la première chose que je dis aux parents, c’est : on ne refait jamais à l’enfant ce qu’il nous a fait ». Car en reproduisant son geste, le parent valide son comportement.
La réaction appropriée est de dire un « non » clair et sans culpabilisation. « Il est préférable d’éviter de lui dire “tu n’es pas gentil” ou “tu es méchant”. On dit plutôt : “ce n’est pas une bonne idée” », puis de détourner son attention en lui proposant une autre activité. « On ne met pas l’enfant de côté tout seul pour le punir. On l’éloigne en l’accompagnant, pour lui signifier que c’est terminé », explique-t-elle.
Plutôt que de sanctionner, il vaut mieux accompagner. Aider l’enfant à identifier ses émotions, à en parler et à trouver des solutions permet un apprentissage durable.
Mettre des mots à sa place
Même si l’enfant ne parle pas encore, il est important de verbaliser pour lui : « Tu étais très fâché, ton frère t’a pris ton jouet. Mais on ne tape pas pour dire qu’on est fâché. On peut dire : je suis fâché », donne pour exemple la psychologue. Nommer les émotions l’aide à les reconnaître, c’est un apprentissage progressif.
De plus, Suzanne Vallières recommande d’utiliser des supports visuels, comme les livres ou les cartes d’émotions, où l’enfant peut montrer ce qu’il ressent même s’il ne parle pas encore. Par exemple, le livre La couleur des émotions de Anna Llenas, avec le monstre des couleurs, est une bonne base pédagogique.
Quand s’inquiéter ?
Jusqu’à 3-4 ans, inutile de trop s’alarmer. Mais si le comportement persiste ou s’intensifie, il peut être utile d’observer ce qui déclenche ces gestes. Trop de fatigue ? Un environnement bruyant ? Un manque de cadre ? À partir de 5 ans, il est nécessaire de voir un professionnel de la petite enfance ou un psychologue si l’enfant continue ses accès violents.
Suzanne Vallières ajoute : « pour les enfants avec des retards de langage, ce comportement se poursuivra dans le développement plus longtemps. »
Quel message faire passer aux parents ?
Un autre point essentiel selon la professionnelle est de soutenir les parents dans le regard qu’ils portent sur eux-mêmes. « Plusieurs parents se sentent jugés, surtout quand leur enfant tape ou mord en public », explique-t-elle. La psychologue insiste sur l’importance de rappeler aux parents que ces comportements sont fréquents à cet âge et que ce n’est pas un échec éducatif.
Cinq réflexes pour désamorcer en douceur :
Nommer l’émotion :
« Tu es fâché parce que ton frère a pris ton jouet. »
Poser une limite ferme, mais calme :
« Je ne te laisserai pas frapper. Ça fait mal. »
Proposer une alternative :
Frapper dans un coussin, dessiner sa frustration, ou crier dans un coin calme.
Prendre de la distance si nécessaire :
« Je vais t’aider à te calmer. »
Revenir sur l’événement après coup :
« Tu étais très en colère. Qu’est-ce qu’on pourrait faire la prochaine fois ? »
Pour aller plus loin
Les Psy-trucs pour les enfants de 0 à 3 ans. Par Suzanne Vallières.
Suzanne Vallières fournit des réponses claires et détaillées aux questions que beaucoup de parents se posent au sujet du développement de leur enfant, de la vie intra-utérine jusqu’à l’âge de 3 ans.
Éditions De L’Homme. 209 pages. 13,50 €.
Par Léna Pedon





