Adrien Bocquet est le premier français triple implanté médullaire. Lors d’un exercice de combat en service commandé, cet ancien fusilier commando de l’armée française est grièvement blessé. Alors paraplégique et souffrant de douleurs neurologiques extrêmes, les neurostimulateurs lui rendent l’usage de ses jambes.
Lors d’un exercice de combat en service commandé, alors que j’étais fusilier commando de l’armée française, j’ai été projeté et je suis tombé d’une hauteur assez importante. Ma colonne vertébrale s’est brisée, ma moelle épinière a été comprimée, et je suis devenu paraplégique incomplet. J’ai alors ressenti des douleurs neurologiques extrêmes, soulagées par de la morphine et des traitements neurologiques lourds. J’ai testé une vingtaine de traitements qui n’ont jamais fonctionné, j’étais en échec thérapeutique.
La découverte du neurostimulateur
Deux ans plus tard, lors d’une hospitalisation, un médecin me parle de neurostimulateurs médullaires (dispositifs médicaux conçus pour délivrer une stimulation électrique à visée antalgique par l’intermédiaire d’électrodes implantées dans la moelle épinière). Dans mon coin, je commence à faire des recherches, et je constate via des études américaines que, grâce à ce dispositif, des tétraplégiques remarchent et, surtout, qu’il diminuait les douleurs neurologiques comme les miennes. En poursuivant mes investigations, je tombe sur un neurochirurgien qui pratique cette implantation en France. Je prends rendez-vous et il m’indique que je suis éligible pour l’opération dans le but de diminuer mes douleurs. Il faut savoir que la Sécurité sociale exige un parcours compris entre 6 et 12 mois, incluant une consultation d’un médecin de la douleur, une expertise psychiatrique, ainsi qu’une consultation neurologique. De plus, il y a moins de 10 professionnels à faire cela en France.
Je me fais donc implanter un premier neurostimulateur et dès le lendemain, mes douleurs s’amenuisent de pratiquement 70 %. C’est énorme ! J’arrête pratiquement la morphine et diminue tous mes traitements neurologiques. Trois semaines après l’intervention, je commence à ressentir l’épiderme de mes jambes. D’abord des fourmillements, puis des sensations de brûlure… Plus les jours passent, plus j’arrive à contracter mes muscles. Toutefois, il est important de souligner qu’à cette époque, j’ai pu bénéficier d’une rééducation intensive de plus de 11 mois, durant laquelle j’ai réappris à marcher. Sans rééducation, je n’aurais pas récupéré aussi vite et aussi bien. Pendant 1 an et demi, je retrouve une vie quasi normale.
Une valse à 5 temps avec la mort
Puis, surviennent des complications de mon accident. Les étages supérieurs, au niveau cervical thoracique, sont endommagés et entraînent des paresthésies du bras. La douleur revient, bien plus forte que ce que j’avais déjà connu. On réinstaure alors la morphine, allant jusqu’à des doses de réanimation. Il s’agit d’une double hernie compressive qui nécessite une intervention chirurgicale. Je subis alors la plus grosse opération de ma vie et récupère parfaitement bien. Néanmoins, 1 mois après, les douleurs reviennent et quelques mois plus tard, je suis hémiplégique à 80 %. Les doses de morphine sont telles que j’ai fait deux arrêts cardiaques à quelques mois d’intervalle. Quand je suis sorti de réanimation, après le deuxième arrêt cardiaque, mon état n’était pas stable. Ils m’ont alors plongé dans le coma artificiel. Et pour la cinquième fois de ma vie, je m’en sors. En revanche, je ressors en fauteuil roulant, car on m’a diagnostiqué une maladie neurodégénérative, dérivée de la maladie de Parkinson, qui me provoque des douleurs neurologiques diffuses dans le corps.
Premier français triple implanté
La douleur est telle que je décide de me loger deux balles dans la région nerveuse du bras, où passe les principaux nerfs, pour stopper les douleurs. Puis, a lieu un rdv avec l’équipe du Dr Hayon, à la clinique du parc Monceau, à Paris. Il me propose de m’implanter deux autres neurostimulateurs médullaires. Une première en France ! La deuxième implantation se fait au niveau cervical afin de diminuer les douleurs, mais aussi de récupérer les fonctions de mon bras paralysé. Je suis immédiatement soulagé à 80 %, et au bout de 48 heures, mon bras n’est plus du tout paralysé. Un mois plus tard, on m’implante le troisième dispositif pour venir aider les deux autres générateurs à fonctionner au mieux, et diminuer les douleurs névralgiques thoraciques que ma maladie générait. Au bout de 2-3 semaines, j’arrive à arrêter totalement mes traitements neurologiques et ma morphine, et continue seulement le traitement anti- parkinsonien. Ainsi, tous les effets secondaires des traitements neurologiques disparaissent et pour la deuxième fois de ma vie, j’ai pu sortir de mon fauteuil roulant.
J’espère un jour trouver un travail à temps plein, adapté à mon handicap, qui me permette de retrouver une vie vraiment normale. Et, j’espère sincèrement que ma maladie ne va pas évoluer trop vite, pour que je puisse vivre jusqu’à la majorité de ma fille.
Vous pouvez découvrir son témoignage complet dans son livre intitulé « Lève-toi et marche ! Grâce à la science »
Qu’est-ce qu’une lésion médullaire ?
La moelle épinière est le principal canal de communication entre le cerveau, les membres, le tronc et les organes. Elle se situe à l’intérieur de la colonne vertébrale. Une lésion médullaire est donc une atteinte de la moelle épinière qui entraîne une perte plus ou moins importante de la mobilité ou de la sensation. Si la lésion est complète, toutes les parties du corps située en dessous de la lésion sont touchées. Tandis que si elle est incomplète, une partie de la mobilité et de la sensibilité peut être conservée. Les blessés médullaires sont donc para- (membres inférieurs paralysés) ou tétraplégiques (membres inférieurs et supérieurs paralysés).
Association Handjeuns
En 2008, Adrien Bocquet crée l’association Handjeuns afin de faire connaître les implants médullaires, les médiatiser et orienter les patients qui en ont besoin. En collaboration avec l’Institut de recherche de la moelle épinière et de l’encéphale (IRME), un essai va débuter en juin 2022. Une vingtaine de patients vont ainsi être implantés, puis suivront une rééducation de 18 mois. L’objectif est de recenser ceux qui récupéreront leurs fonctions et, dans un second temps, que le peu de médecins qui implantent pour la douleur puissent le faire pour une récupération fonctionnelle.
Propos recueillis par Mélanie Philips





