Entre dix et quinze pour cent des femmes sont concernées par la dépression du post-partum. Le point avec une sage‑femme, Isabelle Derrendinger, pour aider ces jeunes mamans.
Les mois qui suivent la naissance d’un enfant constituent une période de transition et de remaniements psychologiques : la femme passe du statut de femme enceinte à celui de mère. Plus facile à écrire qu’à faire !
L’experte
Isabelle Derrendinger est secrétaire générale du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes.
La naissance : un ventre qui se vide, mais pas seulement !
Après l’accouchement, de nombreux remaniements hormonaux ont lieu chez la femme. Pour atteindre l’état hormonal d’avant la grossesse, il faut environ 18 mois. Il est donc important de laisser le temps aux femmes de se remettre et d’oublier les injonctions « 9 mois pour le faire, 9 mois pour le défaire » que l’on entend souvent.
Dans cette période du post-partum, certaines femmes manifestent des souffrances psychiques. On les classe par ordre croissant de gravité : le baby blues, la dépression du post-partum et, beaucoup plus rarement, la psychose puerpérale.
Le célèbre baby blues
Le baby blues se caractérise par une instabilité émotionnelle, avec des sentiments d’incompétences, d’incapacité à faire face, d’inquiétudes et de préoccupations. C’est la moins grave et la plus souvent rencontrée puisqu’elle concerne de 30 à 70 % des femmes qui accouchent.
Ces symptômes apparaissent entre le 3e et le 5e jour après la naissance et disparaissent spontanément vers le 9e ou 10e jour. Si ces symptômes persistent au-delà de 15 jours, il est important de consulter.
L’experte : « Les séjours à la maternité étant courts, le baby blues peut apparaître lorsque la femme est déjà rentrée chez elle avec son bébé. La femme doit alors consulter son médecin, sa sage-femme (par exemple en cas de visite à domicile), son gynécologue ou sa PMI… pour être aidée. »
La dépression du post‑partum
La dépression du post-partum concerne de 10 à 15 % des femmes. Les symptômes sont ceux d’un épisode dépressif et apparaissent plus tardivement que le baby blues, généralement vers la 4e semaine après l’accouchement.
Les symptômes
- les troubles du sommeil (difficultés à l’endormissement),
- les conduites d’hyperactivité,
- les difficultés à la concentration,
- l’irritabilité,
- l’anxiété,
- une fatigue permanente,
- éventuellement une difficulté à établir une action entre la mère et l’enfant.
La dépression du post-partum peut se résoudre spontanément après plusieurs mois, voire 1 ou 2 ans. Mais elle peut également nécessiter une prise en charge.
L’experte : « L’attitude de l’enfant peut aussi être un signe : il ressent la souffrance de sa mère et pleure très peu pour ne pas la solliciter ou, à l’inverse, pleure beaucoup sans que la faim soit la cause de ses pleurs. »
De nombreux facteurs à l’origine de la dépression du post-partum
L’origine de la dépression n’est pas unique : les variations hormonales sont en cause, mais aussi les conditions socio-démographiques (événements négatifs de la vie, deuil, mésentente au sein du couple, difficultés matérielles, une société qui va mal, etc.).
- Le déroulement de la naissance est aussi à prendre en compte : une étude du Collège national des gynéco-obstétriciens a montré que les femmes ayant reçu le plus d’ocytocine (l’hormone qui augmente la fréquence et l’intensité des contractions utérines) pendant le travail ont un taux plus important de dépression du post-partum.
- Un accouchement traumatique, car il y a une décision d’urgence, par exemple parce qu’il existe un risque pour la mère ou pour le bébé, est une source de stress qui peut augmenter le risque de dépression.
L’experte : « Il faut insister : ce n’est pas la faute de la mère et il ne faut pas la culpabiliser, comme on ne dira pas à une femme qui attrape la grippe qu’elle est responsable ! Il faut identifier et lever la culpabilité. »
Prise en charge
La dépression du post-partum ne se traite pas forcément par des antidépresseurs ou un suivi psychologique. Cela peut être d’accompagner certaines difficultés, trouver des ressources familiales ou extérieures (aide ménagère, technicienne de l’intervention sociale et familiale, des associations de parents, etc.).
L’experte : « La mise en œuvre d’un entretien post-natal serait utile pour les femmes afin de dépister cette dépression. Nous souhaitons qu’il devienne aussi évident que les visites de suivi de la grossesse ! En attendant que cette visite soit actée officiellement, les femmes ne doivent pas hésiter à consulter le soignant le plus accessible. Et arrêtons de culpabiliser les mères : avoir un bébé n’est pas toujours la plus belle chose au monde ! »
Comment prévenir la dépression du post-partum ?
Informer
Un entretien prénatal peut avoir lieu au premier trimestre de grossesse pour repérer les situations de vulnérabilité, trouver des solutions, et assurer la sécurité émotionnelle de la femme et du couple pendant la grossesse. Seules 30 % des femmes ont accès à cet entretien, mais il faudrait que toutes y aient accès.
Aider avant et après la naissance
Simone de Beauvoir disait « On ne naît pas femme, on le devient ! ». Il en est de même pour la maternité : devenir mère n’est pas automatique après l’accouchement, l’instinct maternel n’est pas inné ! Certains aspects peuvent être anticipés avant la naissance bien entendu, et d’autres s’apprendront une fois l’enfant né. Pour les futurs parents, voici deux questions à se poser :
- Qui dans notre entourage pourra nous aider si besoin (pour garder l’enfant quelques heures, aller faire des courses si besoin, nous aider, etc.) ?
- Quelles sont nos ressources (se renseigner des aides potentiellement accessibles) ?
L’experte : « Il faut se préparer de manière réaliste à devenir parents et rappeler des éléments de bon sens. Par exemple, de quoi a-t-on besoin à la naissance ? Quelques habits pour l’enfant et un siège auto. Le reste peut attendre quelques jours, semaines ou mois avant d’être réellement utile ! Il est indispensable de rassurer les parents : les parents parfaits n’existent pas ! »
Comment aider une jeune mère ?
Il faut être vigilant et présent, par exemple en posant des questions simples (es-tu heureuse ? es-tu fatiguée ? as-tu envie de pleurer parfois ?) et en la rassurant dans son rôle de mère (tu es une bonne mère, tu gères, tu fais de ton mieux) et toujours en proposant de l’aide et du soutien (si tu veux, je peux le garder un peu, va dormir, au cinéma/chez le coiffeur pour souffler quelques heures, etc.).
Une famille dispersée géographiquement…
Dans notre société, la cellule familiale s’est délitée : on ne vit plus forcément, comme il y a 20 ou 30 ans, à côté de nos mères ou belles-mères. Il n’y a donc plus cette aide et cette passation des savoirs qui permettaient d’apprendre et d’être rassuré.
L’experte : « Une fois qu’elles ont accouché, les femmes sont confrontées à l’image d’une société dans laquelle elles doivent assurer en tant que mère, femme, professionnelle, amie dans la vraie vie. Tout ça avec un corps inconfortable, voire douloureux… En outre, les visiteurs sont centrés sur le bébé et souvent oublient la mère… »
Des sites internet à connaître
- ciane.net
Collectif interassociatif autour de la naissance - ecoledesparents.org
Les Écoles des parents et des éducateurs – Réseau d’acteurs du soutien à la parentalité Accueillir, informer et accompagner familles, jeunes et professionnels - www.maman-blues.fr
Site non médical de soutien, d’écoute et de conseils dans le cadre de la difficulté maternelle
Gaëlle Monfort, avec la collaboration d’Isabelle Derrendinger.





