Vocation Santé est allée à la rencontre d’Estelle Nze Minko, capitaine de l’équipe de France de handball féminin. Une sportive en or, double championne du monde, engagée pour la prise en compte des cycles menstruels dans le sport.
Vocation Santé : À quel âge avez-vous commencé à jouer au handball ?
Estelle Nze Minko : J’ai 32 ans et je pratique le handball depuis 20 ans. J’ai commencé à 12 ans et fait ma première sélection en équipe de France en 2013. Ma première compétition a eu lieu en novembre 2014.
Double championne du monde, championne d’Europe, médaillée d’or aux JO… Qu’est-ce que ça fait d’avoir la chance de tout gagner avec l’équipe de France ?
On se sent clairement privilégiée ! Déjà, avoir un seul titre dans sa carrière c’est exceptionnel, mais les avoir obtenus sur les trois compétitions majeures de handball et 9 médailles avec l’équipe de France, c’est une immense chance !
Cet été, vous allez participer pour la troisième fois aux Jeux olympiques, à Paris. Comment on se prépare pour aborder une telle compétition ?
C’est une préparation physique complexe. La plupart des athlètes d’autres sports disent qu’ils préparent les Jeux olympiques en 4 ans, mais nous, dans l’équipe de France de handball, nous avons des saisons intermédiaires.
En réalité, nous avons déjà tellement d’objectifs, aussi en club, qu’on ne peut pas vraiment se préparer en amont des JO. Individuellement, chaque handballeuse peut bien sûr progresser, en pensant à l’équipe de France. Mais notre préparation collective pour les Jeux ne va commencer qu’un mois et demi avant la compétition !
« Notre préparation collective pour les Jeux ne va commencer qu’un mois et demi avant la compétition »
Avez-vous une préparation physique particulière ?
Quand on dépasse les 30 ans, la préparation physique c’est en continu ! Ça fait déjà quelques années que j’y travaille et désormais j’ai les clés et les méthodes pour aborder les Jeux.
Concernant le sommeil, avez-vous des astuces pour bien dormir ?
Ça dépend des problèmes de chacun. Personnellement, j’ai des difficultés à m’endormir. Et mon truc c’est la lecture ! Que je lise trois ou vingt pages, je commence à fatiguer et ça marche à chaque fois. Grâce à la lecture, je réussis à m’endormir vite et profondément. Le tout est de réussir à fermer son esprit, pour bien clôturer la journée.
« J’ai des difficultés à m’endormir. Mon truc c’est la lecture, ça marche à tous les coups ! »
Dès 2020, vous vous êtes engagée pour lever le tabou des cycles menstruels chez les sportives, avec l’idée de davantage prendre en compte les menstruations lors des entraînements. Quatre ans après, est-ce que les choses ont bougé ?
Malheureusement non. Il n’y a toujours pas d’aménagement mis en place, il ne se passe rien. Si on a de grosses douleurs, on sait que le staff est bienveillant et que l’on peut demander de ne pas s’entraîner. Mais il n’y a toujours aucune prise en compte de nos cycles menstruels sur les performances.
Le point positif, c’est qu’aujourd’hui on parle beaucoup plus des menstruations !
« Pourquoi personne n’en parle ? »
Estelle Nze Minko veut briser le tabou des règles dans le sport
« Je fais du sport de haut niveau depuis plus de 10 ans et l’on m’a posé des questions sur mes menstruations pour la première fois l’année dernière ».
En mai 2020, l’internationale française lance un pavé dans la mare en dénonçant le tabou qui entoure les cycles menstruels dans le sport. « Une avalanche de questions » qui est née il y a quelques années seulement et que raconte Estelle Nze Minko dans une tribune publiée par « Règles élémentaires » : « Je m’en souviens parfaitement. C’est le préparateur physique de mon club qui m’a demandé de le prévenir de mes dates de menstruations afin d’adapter ses séances de musculations. Pour tout vous dire, j’ai trouvé ça violent, voire pervers ! », se souvient la championne dans la tribune. Jamais le sujet n’avait été abordé avec elle auparavant, « tout simplement parce que c’était un sujet tabou, entouré de tellement de non-dits, qu’il était presque devenu intime et secret », analyse la handballeuse.
Après avoir arrêté la pilule, la sportive raconte avec eu des règles « lourdes et douloureuses ». « Pour la première fois depuis longtemps, j’éprouvais de réelles difficultés à m’entraîner mes jours de règles et je ressentais une fatigue importante », ajoute-t-elle. Estelle Nze Minko se renseigne alors sur les liens entre cycles menstruels et performance physique et se rend compte que « les menstruations ont un impact sur l’élasticité des ligaments : en période de règles, les ligaments sont plus fragiles ». Un choc, alors que la blessure la plus redoutée au handball reste la rupture du ligament croisé du genou, « ennemi numéro 1 », souligne Estelle Nze Minko, et qui condamne bien souvent les sportifs à 9 mois d’arrêt et une longue période de rééducation. Alors, « si des études prouvent que les menstruations ont un impact sur la condition physique, pourquoi personne n’en parle ? », d’indigne-t-elle.
La sportive invite donc les clubs à prendre davantage en compte les cycles menstruels de leurs joueuses, libérer la parole, mais aussi à briser le tabou qui entoure les menstruations, alors que « le milieu du sport est très masculin : entraîneur, président, kiné, préparateur physique, médecins… la plupart des clubs que j’ai côtoyés sont dirigés par des hommes, pour la plupart insensibles à la question ou tout simplement ignorants sur le sujet ».
Palmarès
Née en 1991 à Saint-Sébastien-sur- Loire au sud-est de Nantes, Estelle Nze Minko commence à pratiquer le handball à 12 ans à Saint-Julien-de- Concelles. Demi-centre, elle entame sa carrière en clubs à Nantes, puis à Toulouse ou encore à Nîmes, avant de partir jouer en Hongrie au club Győri ETO KC en 2019. Avec l’équipe de France, la championne rafle tout : championnat du monde de handball féminin en 2017, championnat d’Europe en 2018 et Jeux olympiques en 2021. À Tokyo, l’équipe décroche la médaille d’or, après avoir obtenu une médaille d’argent aux JO brésiliens en 2016. En septembre 2022, Estelle Nze Minko est nommée capitaine de l’équipe de France de handball et amène les bleues vers un troisième titre mondial en décembre 2023. La championne tricolore est également Chevalière de la Légion d’honneur.
Par Julian Schlosser et Léa Galanopoulo
Crédits : FFhandball – Iconsport





