À bord de son voilier « Vogue avec un Crohn », ce skipper vient de remporter le championnat Class40. Passionné par la course au large, Pierre-Louis Attwell utilise le sport pour communiquer sur sa pathologie digestive : la maladie de Crohn.
Par Cléo Derwel • Photos : droits réservés
Vocation Santé : Quel est votre parcours avec la maladie de Crohn ?
Pierre-Louis Attwell : À l’âge de 16 ans, certains symptômes ont commencé à apparaître, notamment des symptômes digestifs et des douleurs abdominales. Au bout d’un moment, je me suis dit : « tiens, c’est bizarre quand même ces symptômes, cette gastro-entérite qui semble ne pas vouloir s’en aller ». J’ai ensuite été hospitalisé dans un centre pendant trois jours, à l’issue desquels on m’a diagnostiqué la maladie de Crohn. Je n’en avais jamais entendu parler, et ça a forgé un peu la suite de mon histoire.
Comment s’est passée votre prise en charge ?
Au début de ma prise en charge, je ne me rendais pas compte de l’importance que la maladie allait prendre dans ma vie. Pendant les années qui ont suivi mon diagnostic, la pathologie a évolué, prenant de plus en plus de place. J’ai fait des crises jusqu’à celle qui a conduit à la perforation de mon côlon. J’ai été opéré en urgence pour une stomie, une intervention chirurgicale qui consiste à court-circuiter le système digestif.
Un jour, j’ai essayé d’intégrer la Marine nationale pour faire de ma passion pour la mer un métier, et j’ai été refusé à cause de ma maladie… Suite à cette première prise de conscience, je me suis dit : « cette maladie, je l’aurai toute ma vie. Il faut trouver une solution pour être plus à l’aise avec. » J’ai eu envie de monter un projet sportif qui communiquerait sur les pathologies digestives, et surtout qui véhiculerait un message positif, qui briserait les tabous. Je voulais montrer que c’était possible de faire de la course au large avec la maladie de Crohn. Et puis, c’était aussi un rêve d’enfant.
Qu’est-ce qui vous a motivé à communiquer sur les maladies digestives ?
Déjà, j’avais le sentiment qu’il y avait beaucoup de tabous autour des maladies digestives. Ce qui m’a frappé, c’était le nombre de personnes entourées de proches atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) – maladie de Crohn, rectocolite hémorragique – et à quel point ce sujet restait flou pour eux. Grâce à ce projet de course à voile, nous avons à la fois une visibilité auprès des médias, mais aussi auprès du grand public.
En 2022, vous avez fait un tour de France en bateau, lors duquel des patients et des professionnels de santé ont embarqué avec vous. Pourquoi ce choix ?
Le MICI Sailing Tour partait d’un constat : avec les maladies chroniques, les patients sont amenés à entretenir des relations à long terme avec leurs médecins, et celles-ci sont fondamentales. Les gastro-entérologues, et surtout les ultras spécialistes, étant très sollicités, ce n’est pas toujours évident de développer une relation de confiance où chacun peut exprimer librement ses objectifs. L’idée, avec ce tour, était, bien sûr, d’aller à leur rencontre, mais aussi de leur permettre de vivre ensemble un moment complètement déconnecté, hors des murs de l’hôpital. En créant ce binôme thérapeutique, nous avons essayé d’horizontaliser cette relation – historiquement un peu descendante – du médecin au patient. Les retours des gastro-entérologues étaient très positifs.
En ce qui concerne la préparation avant la course, qu’est-ce que ça change d’être un marin atteint de la maladie en Crohn ?
Il y a trois grands volets de préparation, sportive, technique et médicale. Dans mon cas, c’est surtout la préparation médicale qui est différente de celle des autres navigateurs. Avec une équipe médicale, on suit régulièrement la maladie, et on s’assure qu’elle soit stable avant le départ en mer. J’alterne entre des phases de crises [appelées poussées, NDLR] et des phases de rémission. Grâce à un monitoring régulier, on peut identifier les symptômes d’apparition d’une crise et essayer de rectifier en adaptant mon traitement, mon alimentation ou mon entrainement sportif. C’est une préparation très rigoureuse, mais indispensable pour partir confiant en mer.
Quels sont les projets sportifs à l’horizon 2025 ?
L’événement majeur de la saison prochaine est la Transat Jacques Vabre : une course transatlantique au départ du Havre jusqu’à Fort-de-France. Cinq courses sont prévues pour préparer cette échéance, et le programme est chargé ! Globalement, l’objectif en 2025 est de poursuivre les compétitions et de continuer de mettre en avant nos messages. •
La maladie de Crohn
La maladie de Crohn est due à une inflammation de la paroi du tube digestif. Comme toutes les pathologies auto‑immunes, cette affectation résulte d’un dysfonctionnement du système immunitaire. Elle est caractérisée par des périodes de poussées inflammatoires, avec des symptômes tels que des maux de ventre, des épisodes de diarrhée, la présence de sang ou de glaire dans les selles. À défaut d’un traitement curatif, les médicaments actuels permettent généralement de prolonger les phases de rémission et de prévenir l’apparition des poussées. Elle est souvent diagnostiquée vers 20 ou 30 ans.





