Récupérer des souvenirs, Sébastien Martinez pratique cette activité à la perfection. Champion de France de mémoire en 2015, et vice-champion du monde en 2018, il raconte comment il est devenu un spécialiste des techniques de mémorisation.
Vocation Santé : Qu’est-ce qui vous a motivé à vous inscrire aux championnats de mémoire ?
Sébastien Martinez : J’ai découvert l’existence des compétitions de mémoire en 2008. À cette époque, il fallait que je passe l’examen d’anglais du TOEIC pour partir en Inde. La première fois que j’ai complété le test, j’ai été plutôt mauvais, j’ai obtenu 7 sur 20. Puis, j’ai découvert les méthodes partagées par les champions pour entraîner leur mémoire, je les ai appliquées dans la vie de tous les jours et ai appris des centaines de mots en anglais. Très vite, j’ai obtenu 16 sur 20 à mon TOEIC, et, à mon retour de l’Inde, j’ai commencé à transmettre ces méthodes.
Au début, je n’étais pas vraiment convaincu par les compétitions, je voulais surtout montrer l’exemple à mes élèves. Je me disais : « comment pourrais-je les motiver à apprendre ces méthodes de mémorisation ? ». Et c’est ainsi que j’ai essayé de devenir le plus exemplaire possible en participant à une compétition, puis deux, puis d’autres après.
En quoi consistent les épreuves ?
La compétition se compose de dix épreuves, courtes ou longues, qui varient selon les années. Certaines d’entre elles consistent à retenir des chiffres, ou des jeux de cartes : mémoriser un paquet le plus vite possible ou le plus de paquets en 10 minutes. En 2015, nous avions aussi une épreuve sur une liste de mots, un trombinoscope et des dates fictives. Il y a toujours un temps de mémorisation et un temps de restitution. Par exemple, pour l’épreuve de chiffres dits rapides, nous avions 5 minutes pour retenir le maximum de lignes de 40 chiffres, puis 15 minutes pour les restituer. Mon record était de 200 chiffres, et le record du monde doit être à 600.
« Notre capacité à relier les informations entre elles nous permet de les encoder et de les mémoriser sur le long terme. »
La mémoire, est-ce finalement un véritable sport ?
Il y a une notion d’endurance, et aussi la mobilisation de gestes techniques, qui peuvent être différents selon les épreuves. Comme dans tout sport, les athlètes de la mémoire s’entraînent quotidiennement, progressent, jusqu’à atteindre une sorte de plateau difficile à dépasser. Pour y arriver, il faut redoubler d’efforts, varier les exercices, faire du fractionné.
C’est vrai qu’il faut le vivre pour le croire. Lorsque l’on voit un compétiteur assis derrière un écran, la tête dans sa main, en train de mémoriser, je comprends que l’on n’ait pas l’impression que c’est un sportif !
Qui d’entre nous connaît les noms des dieux grecs et romains, l’anatomie du corps humain, les grandes dates de l’Histoire ou le nom des constellations ? Sébastien Martinez nous donne les clés pour aider les enfants et les adolescents à mémoriser ces connaissances. Il ne s’agit pas de rabâcher les informations, mais plutôt d’inviter les jeunes et les parents à plonger dans l’exaltation de l’apprentissage.
Imaginer un lien entre Zeus et Jupiter. Les champions de la mémoire, Premier Parallèle, 2023.
Alors, est-ce que tout le monde peut devenir athlète de la mémoire ?
Oui, c’est comme si on posait la question : « est-ce que tout le monde peut courir le 100 mètres en athlétisme ? ». En soi, oui ! Après, est-ce que l’on peut tous être aussi performants qu’Usain Bolt ? Pas vraiment. En revanche, n’importe qui est à même de progresser entre le moment où il commence l’entraînement de sport de mémoire et celui après plusieurs mois, ou années. En fait, des profils très différents participent au Championnat de France. Certains sont présents parce que ça les amuse de s’entraîner, d’autres souhaitent battre des records, se challenger ou découvrir tout simplement. Tout dépend vraiment de l’objectif que vous avez. C’est vrai qu’en général, on entend plutôt parler de ceux qui font des records extraordinaires, mais ce n’est pas la majorité.
Quelles sont vos astuces pour retenir les informations sur le long terme ?
L’information dans la mémoire à court terme est assez éphémère, elle dure une trentaine de secondes. D’abord, pour retenir les informations, il faut être attentif. Ensuite, c’est grâce à notre capacité à associer les informations entre elles que l’on va pouvoir les encoder et les retenir sur le long terme. L’idée est de transformer une information inconnue en quelque chose qui nous est plus familier.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Prenons l’exemple des dieux grecs et romains, et essayons de nous rappeler que Zeus est l’équivalent de Jupiter, en romain. Si on cherche un lien logique pour s’en souvenir, on peut imaginer un barbu avec de la foudre qui enfile une jupe (pour Jupiter). Ou des œufs (Zeus) en jupe qui dansent (voir ci-contre).
Évidemment, pour que cette information reste longtemps en mémoire, il va falloir la répéter, la réutiliser. Créer cette association et cet imaginaire n’empêche pas de supprimer l’entraînement. En revanche, cette astuce rendra les répétitions plus agréables et moins nécessaires. Au quotidien, on peut facilement faire des petits exercices de ce style pour retenir la liste de course, apprendre du vocabulaire, de la culture générale… •
Le palais mental
Cette technique consiste à conceptualiser un lieu dans sa tête et à y « ranger » les éléments dans des emplacements qui leur sont propres.
Essayons de mémoriser la liste des présidents français à l’aide d’une chambre.
On imaginera, dans ce lieu mental, Louis-Napoléon Bonaparte sous le tapis, avec des escaliers menant à un bel appartement, ou bien un tiers de gâteau reposant sur la table de chevet, pour le président Adolphe Thiers. Et ainsi de suite.
Par Cléo Derwel





