Florence Dijon-Léandro souffre d’eczéma depuis sa naissance. Entretemps devenue pharmacienne et membre de l’Association française de l’Eczéma, elle nous raconte sa vie avec la maladie.
Vocation Santé : Comment se sont manifestés chez vous les premiers signes de l’eczéma ?
Florence Dijon-Léandro : Dans mes souvenirs j’ai toujours vécu avec de l’eczéma. J’avais déjà de l’eczéma à la naissance, au niveau du visage, des yeux qui étaient quasiment fermés. J’ai toujours eu dans l’enfance une peau sèche, qui ne supportait rien.
Comment s’est passée votre enfance ?
J’ai une sœur jumelle, qui ne souffre pas du tout d’eczéma ! Du coup, ma mère faisait des machines avec mes vêtements à part, pour ne pas utiliser d’assouplissant. J’avais mes crèmes hydrantes personnelles, mes crèmes solaires, mes propres serviettes pour qu’elles soient douces…
Avez-vous eu une période d’errance comme c’est le cas pour certains patients ?
Non, j’ai toujours su que je souffrais de peau atopique. Et j’ai même été tranquille pendant toute l’adolescence ! C’est seulement en troisième année d’étude de pharmacie que tout mon eczéma est ressorti. De la tête aux pieds, sans que les médecins ne sachent vraiment pourquoi. J’avais vécu à l’époque un choc émotionnel, j’étais très fatiguée et stressée… Depuis la fac, mon eczéma n’est plus jamais reparti.
Comment se sont manifestées ces nouvelles poussées ?
J’ai vécu trois mois d’enfer. J’avais de l’eczéma partout, sur le visage, les mains, les plis… Le tout avec une peau parfois gonflée, comme une urticaire. J’ai vu plusieurs dermatologues et j’ai fini par atterrir à l’hôpital de la Timone à Marseille, où j’ai été très bien prise en charge. C’est à ce moment-là que j’ai fait des tests allergologiques, et les médecins m’ont trouvé une allergie au nickel, au cobalt et aux acariens. J’ai alors essayé une stratégie d’éviction du cobalt, mais c’est très pénible à mettre en place, car le cobalt est présent partout, dans les alliages, dans les modes de cuisson…
Quel était votre traitement ?
Actuellement, mon traitement c’est de la cortisone locale. J’ai eu aussi pendant plusieurs années un traitement spécial pour l’eczéma du visage, car la peau est plus fine. Puis, malheureusement, j’ai développé une atteinte oculaire avec une kératoconjonctivite atopique sévère juste avant le Covid. Ça a pris des proportions très importantes et j’ai eu accès à des gouttes oculaires immunosuppressives pendant plusieurs mois.
Certains parents ont peur d’appliquer des crèmes corticoïdes chez les enfants. On parle même de corticophobie. Est-ce quelque chose que vous constatez aussi en tant que pharmacienne ?
Oui, c’est dingue ! J’ai eu de la chance d’avoir des parents qui n’ont pas rejeté la cortisone locale, mais aujourd’hui les parents vont beaucoup plus sur internet et refusent parfois en bloc la cortisone, par peur. C’est une peur irrationnelle, qui arrive souvent lorsqu’il s’agit de traiter un bébé par exemple. Certains parents pensent même qu’il n’y a pas de solution pour l’eczéma de leur enfant ! Alors, oui, parfois la cortisone ne suffit pas, mais elle permet quand même de soulager 90 % des enfants. Il ne faut pas en avoir peur.
Au quotidien, à quelles difficultés expose l’eczéma ?
À une charge mentale déjà, mais aussi à une charge financière. Je suis obligée de sélectionner mes produits d’entretien, d’hygiène et de soin de la peau pour qu’ils soient le plus qualitatifs possible. Ils doivent être sans parfum, sans conservateur, sans colorant pour éviter tous les allergènes. Que ce soit ma crème hydratante pour le corps, mon shampoing ou mon maquillage, j’achète tout en pharmacie, ce qui représente aussi une charge financière importante. Même pour le dentifrice je regarde la composition ! Et puis, l’eczéma c’est le drame de ma vie, mais je ne peux pas m’en défaire. Chaque matin est différent avant de m’approcher du miroir
Quid de votre routine d’hydratation et d’hygiène ?
J’hydrate tout mon corps une fois par jour, avec un baume qui nourrit bien la peau. Pour la douche, c’est une fois par jour aussi, car l’excès d’hygiène est souvent contre-productif dans notre maladie. De même, je ne me lave le visage qu’une seule fois par jour – et plus deux fois comme avant – pour moins agresser ma barrière cutanée.
Avez-vous dû subir des idées reçues ou des préjugés sur votre maladie ?
La vraie idée reçue que j’ai le plus ressenti c’est la question de la contagion. On m’a déjà demandé, lorsque j’avais mon eczéma généralisé, si on pouvait l’attraper. C’est terrible comme question. L’autre préjugé c’est la question du stress. On me disait que j’avais de l’eczéma, car j’étais trop stressée. Ce sont des réflexions que je trouve particulièrement culpabilisantes, car on a l’impression que c’est de notre faute. Il faut le rappeler : l’eczéma est un défaut de la peau qui la rend très poreuse et laisse rentrer les allergènes, ce qui la rend extrêmement réactive.
Vous êtes membre de l’Association française de l’eczéma, qu’est-ce que cet engagement vous a apporté ?
Je suis devenue membre de l’association fin 2013. À l’époque j’étais pharmacienne stagiaire dans un service de dermatologie à l’hôpital ! Puis, j’ai commencé par être patiente experte dans ce service. J’animais des ateliers d’éducation thérapeutique pour d’autres patients atteints d’eczéma, pendant trois ans. C’était vraiment génial, je me suis régalée ! Je recevais aussi des enfants, et il était important pour moi de montrer que l’on pouvait être adulte et mener une vie heureuse avec une peau atopique. Les parents avaient aussi très peur des cicatrices, alors que l’eczéma n’en laisse pas.
Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui, comme vous, souffrent de dermatite atopique ?
Mon message serait surtout : sortez de l’isolement ! Que ce soit avec une association, avec vos proches, l’important est de ne pas rester seuls, d’apprendre à s’exprimer sur votre maladie, car parfois un fossé peut se creuser entre vous et votre entourage. Donc, appuyez-vous aussi sur vos proches !
Qu’est-ce que l’eczéma atopique ?
L’eczéma atopique, aussi appelé dermatite atopique est la forme la plus courante d’eczéma. « Il s’agit de la deuxième maladie de peau la plus fréquente après l’acné, mais elle reste une maladie dont les mécanismes sont complexes et mal connus », précise l’Association française de l’eczéma. Cette maladie inflammatoire chronique évolue par crise et résulte généralement d’une altération de la barrière de la peau et d’un dysfonctionnement de l’immunité qui provoque une inflammation cutanée. La dermatite atopique se manifeste par une sécheresse, des plaques rouges qui démangent et qui sont parfois vésiculeuses. Si ces mécanismes sont complexes, l’eczéma atopique peut être associé à d’autres maladies de l’atopie : asthme allergique, rhinite allergique, conjonctivite allergique ou encore allergies alimentaires.
- 15% des enfants souffrent d’eczéma atopique
- 4% des adultes souffrent d’eczéma atopique
Propos recueillis par Léa Galanopoulo





