« Comment pouvoir oublier un être qui a vécu en nous ? ». C’est avec une amère émotion qu’Ikram, une des trois femmes et protagonistes de ce film documentaire, questionne l’inconsolable. À travers ce chemin cinématographique, tourné caméra à la main, la réalisatrice Eugénie Zvonkine filme la vie qui continue après un deuil périnatal.
Une perte « qui survient après le décès d’un bébé, soit in utero à partir de 5 mois de grossesse, soit à la naissance, soit dans les jours qui suivent, jusqu’à 1 mois de vie », raconte la réalisatrice. Eugénie Zvonkine, elle-même, a perdu sa fille, Marie, après un accouchement à 4 mois de grossesse — non considéré comme deuil périnatal. Mais Eugénie rencontre Juliette, Kamilla et Ikram en octobre 2016 au groupe de parole des mères endeuillées, où elle est accueillie et encouragée.
Toutes traversent l’épreuve à leur manière et témoignent intimement en mémoire de leurs filles respectives. « Mon film est guidé par l’idée de la trajectoire », analyse la cinéaste. « Cheminer, aller de l’avant, sans pour autant laisser nos enfants derrière nous : je voulais que cela se voie à l’image. »
En restant hors champ, Eugénie pose des mots en voix off ainsi que lors des échanges avec ces mères devenues ses amies. Arpentant des sentiers, à pied ou en voiture, voguant d’une église à Sainte-Soline à un cimetière marocain en passant par une plage ensablée, ces images défilent vers une résilience. La peine des ventres laissés vides, comme le dit avec dureté Ikram, se trouve renforcée par une grande sororité, un « cheminement commun » à travers la perte.
Le 15 octobre était la journée mondiale du deuil périnatal. Le sentier des absents sortait le lendemain en salle pour quelques diffusions. Sélectionné au Festival du Film de Montreuil ainsi qu’au Festival La Rochelle Cinéma dans leurs éditions 2024, ce documentaire met à l’honneur ces bébés passés sous silence. Avec une juste mélancolie, nécessaire et forte.
Par Sacha Citerne





