Le nombre de personnes végétariennes ou vegans a augmenté ces dernières années : selon plusieurs enquêtes, entre 3 et 5 % de la population française auraient banni la viande et autres produits animaliers de leur alimentation. Entretien avec le Dr Jean-Michel Lecerf, nutritionniste.
Les Français sont de plus en plus nombreux à bouder la viande. En effet, un quart de la population serait actuellement flexitarienne. Mais ces régimes alimentaires ne sont pas adaptés à tous et des mesures de précaution s’imposent lorsque l’on souhaite changer d’alimentation.
Comment réaliser une bonne transition vers un régime végétarien ?
Selon le médecin Jean-Michel Lecerf, la transition doit se réaliser de manière progressive, comme n’importe quel changement de régime alimentaire. « Si une personne souhaite diminuer sa consommation de viande, la transition n’est pas difficile. Par contre, si elle veut se passer complètement des produits carnés, il faut trouver par quoi les remplacer », indique le nutritionniste. En effet, sur un plan nutritionnel, la viande apporte des protéines de très bonne qualité et de nombreux nutriments. Il ajoute : « La viande sera remplacée par des aliments contenant des protéines végétales, mais la tolérance n’est pas la même. En particulier sur le plan digestif, les légumes secs ne sont pas toujours bien supportés. »
Mais alors, par quoi remplacer les produits carnés ?
Les végétariens ne mangent ni viande ni poisson ni fruits de mer. Ils doivent alors trouver d’autres sources alimentaires pour compenser ce qu’il leur manquera.
- Les protéines sont facilement retrouvées ailleurs : produits laitiers, oeufs, protéines végétales (soja, légumes secs, céréales, oléagineux).
- Pour le fer, c’est plus compliqué : « Les végétariens ont des apports corrects en fer, mais leur réserve n’est pas bonne, car l’absorption du fer végétal est mauvaise », explique Jean-Michel Lecerf.
➜ La solution : réaliser un dosage des réserves en fer (ferritinémie) une fois par an. - Le zinc, un oligo-élément an tioxydant, est surtout présent dans le monde animal, mais également dans les céréales et les légumes secs.
- L’iode et les oméga-3 sont retrouvés dans le poisson, les fruits de mer et les produits laitiers. « Si une personne ne consomme ni produit laitier ni poisson, le statut en iode et en oméga-3 n’est alors pas bon du tout », alerte le nutritionniste.
➜ La solution : consommer des graines ou l’huile de lin ou encore des graines de chia pour les oméga-3 (mais ce ne sont pas les mêmes oméga-3), du sel iodé ou des algues pour l’iode.
Du côté des végétaliens
Pour les végétaliens et les vegans, tous les éléments cités plus haut sont plus difficiles à trouver et les déficits sont accentués. Mais le réel problème vient de la vitamine B12, présente dans la chair animale, les œufs et les produits laitiers. « Le manque de vitamine B12 entraîne une anémie grave, des troubles neurologiques et neu ropsychiques. Pendant 3-4 ans de végétalisme, le statut reste bon, car les réserves dans le foie durent quelques années. Puis les troubles apparaissent. C’est pourquoi la supplémentation en vitamine B12 est indispensable », prévient Jean- Michel Lecerf.
Quid des jus végétaux ?
Anciennement qualifiés de « lait », les jus végétaux ont trouvé leur public. Mais peuvent-ils remplacer le lait de vache ?
« Les jus végétaux sont très bien en tant que boisson, mais il ne faut pas les considérer comme un substitut au lait. La composition est différente ; seul le jus de soja enrichi en calcium a une teneur acceptable en calcium et en protéines. Pour les autres, les teneurs sont extrêmement faibles, explique le médecin. Il ajoute : Ils ne sont pas dangereux pour les adultes, même si l’on perd les bénéfices des produits laitiers. En revanche, chez les tout-petits, il y a des cas de malnutrition sévère qui commencent à être de plus en plus décrits, en raison du remplacement du lait par des jus végétaux. »
Mes enfants peuvent‑ils aussi devenir végétariens, voire végétaliens ?
Selon Jean-Michel Lecerf, un régime pesco-végétarien (avec du poisson, des œufs et des produits laitiers) bien instruit est acceptable chez les enfants et les adolescents. Cependant, il contre-indique vivement le régime végétalien : « L’alimentation végétalienne n’est pas du tout conseillée chez les enfants et les adolescents. » En effet, il met en garde contre les carences en calcium : « Le risque de fracture est augmenté de 32 % chez les végétariens et végétaliens, et de 44 % chez les végétaliens seuls, car le pic de masse osseuse est atteint à l’âge de 20 ans. »
Que conclure ?
Pour le médecin nutritionniste, « la viande est un aliment qui n’a pas de défaut d’un point de vue nutritionnel, le défaut est quand on en consomme trop. Il y a une petite augmentation du risque de cancer du côlon et du rectum, du diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires chez les gros consommateurs de viande rouge. »
Le végétarisme et d’autres régimes alimentaires tendent à faire de plus en plus d’adeptes, car de multiples préoccupations (bien-être animal, écologiques, sanitaires) y sont associées. Mais il est important de se renseigner sur les nutriments et les oligo-éléments risquant d’être déficitaires pour ne pas mettre sa santé en danger
Le lexique du végétarisme
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Le régime végétarien
Excluant toutes les chairs animales, les végétariens ne consomment ni viande ni poisson ni fruits de mer.
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Le régime végétalien
En plus de bannir la viande, les végétaliens refusent également de manger tous les produits d’origine animale (œufs, lait, fromage, miel).
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Le régime vegan
À l’instar du régime végétalien, les vegans ne mangent pas de produits d’origine animale, mais ils les proscrivent aussi dans leur vie quotidienne (vêtements en cuir, fourrure).
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Le régime pescétarien
Souvent confondus avec les personnes végétariennes, les pescétariens consomment du poisson et des fruits de mer, tout en évitant la viande.
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Le régime flexitarien
La majeure partie du temps végétariens, les flexitariens s’accordent de la viande ou du poisson quelquefois, souvent lorsqu’ils en connaissent la provenance.
À lire
La viande : un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ?
Quels sont les avantages et les inconvénients de la viande ? Et du végétarisme et du végétalisme ? Si ces questions vous taraudent, vous trouverez les réponses dans le livre du Dr Jean-Michel Lecerf, et même quelques idées de menus équilibrés !
La viande : un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ? Dr Jean-Michel Lecerf, Éditions Buchet Chastel, 2016, 128 pages.
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Guide du Paris Vegan : restaurants, épiceries, boutiques, Aurore Carric et le Gall Pauline, Éditions Gallimard, 2019, 144 pages.
Par Léna Pedon





