Pharmacienne en bonne santé, je deviens pendant 24 h une patiente atteinte de la maladie de Crohn qui, suite à une période de rémission sans symptôme, fait face à une poussée inattendue et des symptômes sévères.
L’expérience
À travers une application qui, pendant la journée, envoie des notifications sur mon téléphone, j’ai été plongée une journée dans la vie d’une patiente atteinte d’une maladie inflammatoire chronique des intestins (MICI) en période de poussées. Cette application a été créée initialement pour aider les équipes soignantes à se mettre dans la peau des malades atteints de MICI, pour mieux comprendre leurs besoins et leurs difficultés vécues et ainsi développer leur empathie.
« In their shoes » est une expérience immersive mise au point par le laboratoire Takeda et l’association de patients AFA Crohn RCH France. Lors de l’inscription j’ai reçu un kit avec des accessoires à utiliser dans la journée.
8h00 • Début de la journée.
La journée est rythmée par des alertes sur mon téléphone qui m’informent des symptômes invalidants que me provoque la maladie et des contraintes associées. L’application commence donc par m’interdire certains aliments qui risqueraient d’engendrer une crise : café, pain, fruits et légumes crus, alcool et nourriture épicée. Dommage pour moi qui ne commence jamais ma journée sans mon café et mes tartines…
9h15 • Premier défi : trouver des toilettes en urgences !
Une notification me signale que je suis prise de ballonnements et l’application lance alors un chronomètre : je n’ai que quelques minutes pour aller jusqu’aux toilettes. J’y arrive à temps !
9h48 • Nouvelle urgence !
Cette fois, j’arrive trop tard. L’application m’annonce que j’ai souillé mes sous-vêtements. Je dois me déshabiller aux toilettes. Si j’avais dû le vivre « en vrai » qu’aurais-je fait de ma culotte ? La réalité de la maladie me frappe de plein fouet.
12h00 • Déjeuner miné.
Pour le repas de midi, je suis, dans la vraie vie, à un buffet. Beaucoup des mets proposés contiennent des aliments interdits, je joue le jeu et me restreins. Je refuse également le verre de vin qui m’est proposé. Le café me manque !
13h00 • Une soirée ? Impossible…
En début d’après-midi, je reçois l’appel d’une actrice qui est mon « amie » et qui me propose de dîner ensemble le soir même dans un restaurant indien. Je suis obligée de décliner et me sens gênée de devoir expliquer que dans mon état une nourriture trop épicée n’est pas la bienvenue.
17h00 • Des transports en commun risqués.
Dans le métro, je sens mon téléphone vibrer… À nouveau, je n’ai que quelques minutes pour trouver des toilettes. Dans le métro ? Il n’y en a pas ! Des toilettes publiques ? Je n’aurai jamais le temps d’en trouver. Un restaurant ? Me laissera- t-on y accéder sans consommer ? La partie semble perdue d’avance… Échec
19h00 • Un ventre très douloureux.
Pour mieux toucher du doigt la maladie, en fin de journée, je suis invitée à porter une ceinture serrée au niveau du ventre, afin de mimer les douleurs et la pesanteur abdominale que peut ressentir un malade.
22h00 • Une couche pour la nuit.
Le kit contient également une couche, qu’on me propose de porter durant la nuit… L’application m’apprend que les malades en crise font parfois le choix de ne pas dormir avec leur conjoint pour ne pas les réveiller dans la nuit s’ils doivent se lever plusieurs fois. La maladie affecte donc aussi ma vie intime.
Bilan de l’expérience
Je réalise que la maladie impose de tout anticiper et de développer des stratégies pour tout : les repas, les trajets, prévoir un change, les questions indiscrètes, la vie intime… Je comprends aussi l’isolement dans lequel les malades peuvent tomber ou ressentir : annuler ses projets de sorties semble être une option bien plus facile que de vivre tous ces aléas. Je prends conscience que les MICI sont des maladies cachées et que l’influence sur la vie est bien plus importante que je ne l’imaginais. Étant pharmacienne, je pensais être informée, mais connaître la physiopathologie et les symptômes, ce n’est pas les vivre.
MICI : de quoi parle-t-on ?
Les MICI sont des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin qui regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Elles concernent entre 200 000 et 300 000 personnes en France et apparaissent plus fréquemment autour de 15-30 ans.
Ce sont des maladies chroniques qui évoluent en poussées inflammatoires de durée et de fréquence variables, entrecoupées de phase de rémission. En crise, les symptômes sont digestifs (douleurs abdominales, selles fréquentes, émission de glaire sanglante, faux besoin…), mais pas seulement (douleurs articulaires, fatigue, lésions ano-périnéales, perte de poids, aphtes…)
Existe-t-il des traitements ?
Les traitements disponibles aujourd’hui permettent de contrôler la MICI en ralentissant la destruction intestinale et en évitant le développement des complications. Pendant les poussées, certaines thérapeutiques vont également soulager les symptômes et permettre de cicatriser les lésions du tube digestif.
Un diagnostic et une prise en charge rapides permettent d’atteindre plus facilement la rémission. Si la maladie est contrôlée correctement par les traitements, les périodes sans poussée peuvent même durer plusieurs années.
En cas de doute, n’hésitez pas à en discuter avec votre médecin.
Par Chloé Joreau





