Mopral® (oméprazole), Inipomp® (pantoprazole), Inexium® (ésoméprazole)… Ce sont tous des inhibiteurs de la pompe à protons ou IPP. De plus en plus utilisés, par presque 1 Français sur 4, ils sont très efficaces mais pas anodins.
Depuis leur mise sur le marché français en 1988, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ont pris une place importante dans les placards à pharmacie. Et pour cause : ils sont très efficaces pour faire diminuer l’acidité gastrique.
Comment ça marche ?
C’est assez simple. Afin d’accomplir la digestion en bonne et due forme, c’est-à-dire absorber les nutriments de ce que l’on avale, tout commence par une bonne mastication, un peu de salive et plouf : la béquée est plongée dans un bain d’acide ! Affreux ? Mais non, c’est le rôle de notre estomac. En plus de malaxer la nourriture, ce dernier prépare un bouillon particulièrement propice aux enzymes qui vont commencer la digestion de la nourriture. À l’échelle moléculaire, c’est une découpe des aliments en toutes petites briques assimilables. L’acide a aussi pour effet de tuer la plupart des bactéries qui se trouvent sur la nourriture ingérée. Les IPP eux, empêchent les cellules de l’estomac de déverser de l’acide dans le liquide gastrique. Pourquoi donc ? Pour limiter l’acidité gastrique et permettre à la paroi de l’estomac de se régénérer. Il y a plusieurs raisons à cela…
Que traite-t-on avec les IPP ?
- Les ulcères. Un ulcère est un trou, mais pas n’importe lequel, un trou dans un tissu vivant, ici l’estomac. L’estomac étant très acide, si l’on ne fait pas attention à son alimentation, on peut y faire des trous, enfin, des ulcères. Les principales causes sont l’alcool, qui attaque la paroi de l’estomac, et la cigarette, qui provoque une hypersécrétion d’acide.
⇒ Certains ulcères sont dus à une bactérie : Helicobacter pylori. Il est possible de faire des tests pour la détecter, et alors, en plus de prendre des IPP, des antibiotiques sont de mise afin de se débarrasser de ces bestioles résistantes à l’acide.
- Le reflux gastro-œsophagien (RGO). C’est-à-dire une remontée du liquide gastrique dans l’œsophage, le conduit allant de la bouche à l’estomac. Si tout le monde fait un peu de reflux, de manière silencieuse et anodine, évolution du petit rot des bébés, permettant d’évacuer le trop plein d’air. Il peut devenir problématique si trop régulier. Et ce problème affecte près d’une personne sur cinq ! Le RGO peut, si non traité pendant plusieurs années, dégénérer, avec des saignements, de fortes inflammations, voire un cancer. Car la paroi de l’œsophage est plus sensible à l’acide que celle de l’estomac. Le reflux est principalement dû aux comportements alimentaires : manger trop, trop gras et trop sucré aussi et surtout, l’alcool et le tabac sont très fréquemment en cause.
⇒ Les IPP mettent plusieurs jours à faire effet complètement, si des remontées acides créent une gêne ponctuelle, alors le pharmacien vous conseillera une solution d’alginate de sodium et de bicarbonate de soude (type Gaviscon®). Celle-ci tamponnera immédiatement l’acidité de l’estomac et formera une couche protectrice sur le dessus du contenu gastrique, réduisant aussi les brûlures à l’œsophage dues au reflux.
- L’acidité gastrique en général. Que ce soit à cause du stress ou d’une maladie rarissime, il existe de nombreuses causes aux brûlures d’estomac, et dans ce cas, les IPP soulagent et permettent une réparation des blessures. Mais attention à ne pas en abuser…
Attention à la surconsommation !
En cas d’acidité ou de reflux, les IPP ont un effet quasi miraculeux, ce qui pousse beaucoup de personnes à en prendre trop régulièrement. Car la diminution de l’acidité gastrique n’est pas anodine, elle est normalement utile à la digestion. L’utilisation d’IPP au long cours troublera cette dernière, en plus de possibles gênes, cela peut créer des carences, notamment en fer, calcium, magnésium et vitamine B12. Des études récentes montrent aussi une corrélation entre une trop grande consommation d’IPP et l’ostéoporose, la fragilisation pathologique des os. Cela fait sens, car certaines cellules chargées de s’occuper des os possèdent aussi des pompes à protons.
Si vous prenez régulièrement des IPP et sur de trop longues périodes (plus de 8 semaines), parlez-en à votre médecin ou pharmacien. Si les IPP traitent efficacement les symptômes, il faut savoir remonter aux causes pour éviter d’en prendre trop longtemps.
Un blocage irréversible de l’acidité ?
Les IPP sont des molécules qui ont la particularité de bloquer les fameuses pompes à protons, présentent sur les glandes de la paroi de l’estomac. Les protons, c’est de l’acide. Dans l’estomac humain, c’est même plus particulièrement de l’acide chlorhydrique, très efficace pour digérer les aliments. Quand les pompes de l’estomac sont bloquées par les IPP, elles le sont définitivement… Est-ce grave ? Non, car la durée de vie d’une cellule de la paroi de l’estomac est parmi les plus courtes du corps humain, de seulement quelques jours. Les pompes sont donc renouvelées très rapidement. C’est aussi pour cela qu’il faut continuer à prendre des IPP durant tout le traitement.
16 millions de Français ont pris des IPP dans l’année Source : Assurance maladie
40 à 80 % des prises d’IPP ne seraient pas justifiées (mésusage) Source : Assurance maladie
Par Pierre-Hélie Disderot





