Demi-finaliste de Roland Garros, le tennisman Alexander Zverev a su concilier sport de haut niveau et diabète de type 1, parfois sous le regard interrogateur de ses pairs. Pourtant, diabète et sport ne sont pas incompatibles, au contraire !
C’est une image qui a fait le tour du monde. Celle du champion de tennis allemand Alexander Zverev s’injectant de l’insuline dans la cuisse, lors du tournoi de Roland Garros en juin dernier. Pourtant, ce geste banal pour le tennisman originaire de Hambourg, diabétique depuis l’âge de 3 ans a semé la zizanie lors des internationaux français, certain assimilant injection et dopage.
« On n’a droit qu’à deux pauses par match, mais dans une rencontre en cinq sets, je peux avoir besoin de quatre ou cinq piqures ! C’est nécessaire pour ma santé », a même dû se défendre Alexander Zverev, d’abord renvoyé aux toilettes pour l’administration de son traitement, puis finalement autorisé à s’injecter sur le court.
Un imbroglio « stigmatisant » pour la Fédération française des diabétiques, qui est montée rapidement au créneau pour défendre le tennisman. « Non, quelqu’un qui s’injecte de l’insuline n’est pas un drogué et encore moins un dopé, il s’injecte simplement une hormone qui lui permet de vivre, et il devrait pouvoir le faire sans que cela puisse inquiéter ni choquer quiconque » a réagi la FFD, qui souhaite œuvrer, encore et toujours, pour « changer le regard de la société » sur les personnes diabétiques.
Quand l’insuline disparaît
Diagnostiqué dans l’enfance d’un diabète de type 1, Alexander Zverev n’a révélé sa maladie au grand jour qu’en 2022, à l’occasion d’un entretien accordé au quotidien « L’Équipe ». « Parfois, j’étais invité aux anniversaires de copains d’école et leurs parents ne me laissaient pas manger de gâteau. J’étais exclu. », se souvient-il, évoquant un sentiment de « honte ». Mais la maladie ne l’a pas empêché de devenir sportif de haut niveau, jusqu’à obtenir la médaille olympique aux Jeux de Tokyo.
Le diabète de type 1 touche 300 000 de personnes en France, la plupart diagnostiquées dans l’enfance ou l’adolescence. À l’inverse du diabète de type 2, le diabète de type 1 – autre fois appelé insulinodépendant – et caractérisé par une baisse, puis un arrêt total de la sécrétion d’insuline par le pancréas. Une hormone pourtant essentielle au fonctionnement des cellules. Présente en permanence dans le sang, elle permet aux cellules de transformer le glucose en énergie, tout en régulant la quantité de sucre dans le sang.
Si, « en l’état actuel des connaissances, la cause du diabète de type 1 n’est pas connue », rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’origine de la maladie pourrait en partie trouver sa source dans une réaction auto-immune. Ainsi, suite à une infection virale par exemple, les lymphocytes T produits par le système immunitaire vont se retourner contre l’organisme, et en particulier contre les cellules productrices d’insuline. À terme, lorsque 85 % des cellules productrices d’insuline sont détruites, les symptômes du diabète de type 1 apparaissent : fatigue, perte de poids, soif nocturne, envie pressante d’uriner…
« Je me contrôle à chaque changement de côté »
Pour restaurer l’équilibre glycémique de l’organisme, l’apport d’insuline est donc vital pour les diabétiques de type 1. C’est d’ailleurs le seul traitement de cette maladie, qui vise à restaurer une circulation de l’insuline dans le corps la plus proche du fonctionnement physiologique. Le traitement est toujours adapté en fonction du poids du patient, des repas, de l’activité physique, mais aussi de la variation de la glycémie dans la journée, mesurée par des lecteurs de glucose.
« J’ai le lecteur dans mon sac de raquettes. Je me contrôle à chaque changement de côté. Je fais les injections moi-même. J’ai toujours mon stylo à insuline avec moi », expliquait ainsi Alexander Zverev. Face à l’intensité physique des matchs, le sportif de haut niveau est ainsi contraint d’adapter très régulièrement ses doses d’insuline pour maintenir un taux de sucre dans le sang adapté.
En prouvant que diabète pouvait rimer avec sport de haut niveau, Alexander Zverev veut désormais « montrer au monde qu’il ne faut pas se fixer de limite à cause de cette maladie ». Raison pour laquelle, en 2022, le tennisman a créé sa propre fondation pour venir en aide aux enfants diabétiques de type 1.
« J’ai le lecteur dans mon sac de raquettes. Je me contrôle à chaque changement de côté. Je fais les injections moi-même. J’ai toujours mon stylo à insuline avec moi. »
Avis d’expert : Dr Lise Dufaitre-Patouraux
diabétologue à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille
Comment adapter sa dose d’insuline pendant et après l’exercice ?
Grâce aux lecteurs de glucose en continu, la dose peut être adaptée très précisément en fonction de chaque patient. Il n’y a pas de protocole : on étudie la courbe de glycémie, et on adapte en fonction de l’activité, mais aussi de la physiologie du sportif. Globalement, pendant et avant l’effort, la dose d’insuline sera diminuée, puis le diabétique devra se resucrer – avec du sucre rapide – 1h et 6h après l’activité. Chez les sportifs de haut niveau, c’est presque plus facile, car leur vie est cadrée, millimétrée, avec un rythme et une alimentation très régulière. Ils ont une excellente connaissance de leur corps.
Quand un exercice dure plus de 45 minutes, nous conseillons de prendre du sucre rapide toutes les 20 minutes environ, mais toujours en surveillant son capteur de glycémie. Les hypoglycémies ne sont pas mortelles, mais peuvent être très fatigantes et inconfortables.
Quel est l’intérêt de l’activité physique chez un diabétique de type 1 ?
L’activité physique participe à la prévention du risque cardiovasculaire chez les diabétiques, mais elle a aussi un grand intérêt émotionnel ! Les diabétiques de type 1 sont des patients qui ont beaucoup de surcharge cognitive, liée à la gestion de leur traitement au quotidien. Le sport est indispensable pour relâcher la pression. Aujourd’hui, les diabétiques de type 1 peuvent faire de la plongée, du tennis, des Iron man… Désormais, ils peuvent – et doivent – vivre la vie qu’ils veulent !
Que se passe-t-il dans l’organisme d’un diabétique de type 1 lorsqu’il fait du sport ?
Lors d’une activité physique, le sucre présent dans le sang est capté au maximum par les muscles. Ce qui entraîne chez les diabétiques de type 1 un besoin moindre en insuline. Puis, une heure après l’activité, les muscles captent de nouveau du glucose, pour procéder à la récupération musculaire. En repompant le sucre dans le sang, le risque d’hypoglycémie augmente. Ce même phénomène a également lieu 6 heures après l’exercice physique, lors de la seconde récupération musculaire.
Il y a deux grands types d’activité. La première est l’activité anaérobie, celle qui provoque un essoufflement – vous ne pouvez pas discuter pendant – comme le squash, des matchs de tennis intenses… Lors d’une activité anaérobie, l’adrénaline va entraîner une augmentation rapide de glycémie, provoquant – au tout début de l’activité – une hyperglycémie temporaire ! Puis le muscle pompera à nouveau le sucre dans le sang. Le second type d’activité sont les activités aérobies, du sport dans la durée, comme la randonnée par exemple. Dans ce cas, le sucre va baisser progressivement dans le sang, diminuant ainsi les besoins en insuline du diabétique.
Des innovations dans la gestion du diabète
Au-delà de l’injection d’insuline, l’autosurveillance glycémique est le second geste essentiel dans la vie d’un diabétique de type 1. Désormais, pour simplifier leur quotidien, les malades peuvent remplacer les classiques stylos auto-piqueurs par des systèmes de surveillance du glucose en continu, type Freestyle Libre. Un capteur fixé à l’arrière du bras mesure la concentration de glucose dans le liquide interstitiel toutes les minutes, relié à un lecteur pour « flasher » les résultats. Exit donc les gouttes de sang prélevées plusieurs fois par jour ! Autre innovation : les boucles fermées, qui sont à la fois connectées un capteur de glucose en continu et à une pompe à insuline, à l’instar de Diabeloop. Ce pancréas artificiel permet de quasi automatiser la gestion de son traitement.
- 300 000 personnes en France souffrent de diabète de type 1
Par Léa Galanopoulo
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