Pendant plus de 10 ans, l’entreprise Theranos, spécialisée dans l’analyse de sang, a mené en bateau toute la Silicon Valley. À sa tête : Elizabeth Holmes.
En 2002, Elizabeth Holmes intègre la prestigieuse Université de Stanford. Elle étudie la chimie un an, puis quitte tout à 19 ans pour lancer sa start-up : Theranos. D’abord consacrée à l’analyse du dosage sanguin des médicaments, elle dépose un brevet qui promet de révolutionner les analyses sanguines en général.
Elizabeth prétend ainsi avoir développé un test qui ne nécessiterait que quelques gouttes de sang. Le tout sans aiguille, divisant par 100 la quantité de sang classiquement recueillie lors d’analyses biomédicales. La technologie reste assez floue, pour ne pas dire secrète, tout comme la machine mise au point par Theranos pour passer au crible ces échantillons.
La nouvelle Steve Jobs
Rapidement, la société propose 200 examens, allant du cholestérol à l’herpès, à des prix défiant toute concurrence. À titre d’exemple, un taux de cholestérol revenait à 3 $ chez Theranos, contre une cinquantaine classiquement. À moins de 30 ans, Elizabeth Holmes signe des partenariats avec des géants de la distribution, à l’instar de Walgreens. Le projet : développer ces tests sanguins dans leur pharmacie.
La cheffe d’entreprise fait le tour des plateaux, intervient en grande pompe dans les congrès, devant la crème de la Silicon Valley. Les unes des magazines la surnomment même « la nouvelle Steve Jobs ».
Les levées d’argent ne tardent pas à arriver non plus, à hauteur de 700 millions de dollars d’abord. Puis, en 2015, Theranos est valorisée à 9 milliards de dollars. La même année, Elizabeth Holmes devient la plus jeune milliardaire à ne pas avoir hérité de sa fortune. À l’époque, cette dernière est estimée à 4,5 milliards de dollars.
La révolution était une supercherie. La lune de miel prend fin en octobre 2015. Le Wall Street Journal publie alors une enquête signée John Carreyrou, qui révèle, entre autres, que Theranos n’utilisait pas ses propres machines pour les analyses de sang. Sur les 200 examens proposés, seuls 12 étaient réalisés par la start-up, le reste étant envoyé à des laboratoires biologiques classiques. Pour masquer des incohérences dans les résultats des tests, Theranos a par ailleurs effacé toutes les analyses effectuées entre 2014 et 2015. Les doutes émergent sur la fiabilité et la sécurité de la technologie Theranos.
Elizabeth Holmes cherche d’abord à bloquer la publication de l’article, en contactant directement le patron du Wall Street Journal, Rupert Murdoch, lui-même investisseur de millions de dollars dans Theranos. Sans succès. Elle promet alors de publier de nombreuses données étayées sur sa technologie. Sans suite non plus, puisque aucune publication scientifique n’est à ce jour diffusée.
Elizabeth Homes déclare alors, face caméra : « C’est ce qui arrive quand vous travaillez pour changer les choses. D’abord, ils pensent que vous êtes folle, puis ils vous combattent, jusqu’à ce que vous changiez le monde. »
Une fraude massive
Les autorités américaines commencent à se méfier, et de nouvelles révélations pleuvent. La société aurait édité de faux contrats, de faux résultats d’analyse, les comptes seraient falsifiés. Pire : Theranos allait jusqu’à mettre en scène de fausses démonstrations des machines, avec des prototypes non fonctionnels. Elle affirmait, par ailleurs, autre mensonge, que l’armée américaine utilisait ses tests en Afghanistan.
Alors que le chiffre d’affaires de la société chouchoute de la Silicon Valley était annoncé à 100 millions de dollars, il était en réalité mille fois moindre, à 100 000 dollars… Ces révélations entraînent des licenciements par centaines chez Theranos. La société met finalement la clé sous la porte en septembre 2018. Dans la foulée, Elizabeth Holmes est inculpée pour fraude massive. Elle ne payera finalement que 500 000 dollars de pénalité au Securities and Exchange Commission, et cédera entièrement son capital.
La réputation et les fonds brassés par Theranos n’étaient le fruit que d’une communication ardue de sa dirigeante. Pour le reste, tout était faux. Elizabeth Holmes et son bras droit sont toujours poursuivis pour fraude et risquent jusqu’à 20 ans de prison. Ils ont tous les deux plaidé « non coupable ».
Par Léa Galanopoulo