Grâce aux antibiotiques, bon nombre d’infections bactériennes sont guéries. Mais, ils perdent en efficacité, en raison d’une consommation à grande échelle, pas toujours à bon escient. Savons-nous bien les utiliser ?
Les antibiotiques : comment ça marche ?
Les antibiotiques sont des molécules qui s’attaquent uniquement aux bactéries en bloquant leur multiplication ou en les détruisant. Si certains ont été créés en laboratoire, d’autres sont naturels : ils sont fabriqués par des micro-organismes afin d’éliminer les bactéries qui font de la concurrence dans leur milieu. Chaque antibiotique, de par son mode d’action, n’agit que sur un type donné de bactéries. L’antibiotique le plus consommé en ville est l’amoxicilline, qui représente 32 % de la consommation totale. À l’hôpital, c’est l’association amoxicilline et acide clavulanique qui est la plus consommée (33 %).
Que guérissent-ils ?
Ils servent à traiter les maladies provoquées par les bactéries, et uniquement par elles : ils sont inefficaces face aux virus ou aux champignons. C’est ainsi que l’on traite la tuberculose, certaines infections urinaires, les otites, les pneumonies, etc.
Pourquoi sont-ils de moins en moins efficaces ?
Les bactéries sont des micro-organismes vivants qui, pour assurer leur survie, s’adaptent aux changements de leur environnement. Elles ont mis au point des mécanismes de défense contre l’action des antibiotiques. Ainsi, certaines ont commencé à fabriquer des enzymes qui neutralisent les antibiotiques, d’autres ont rendu leur membrane impénétrable aux antibiotiques. Elles peuvent être résistantes à un ou plusieurs antibiotiques (les bactéries multirésistantes ou BMR). Les infections qu’elles provoquent sont traitées par de nouveaux antibiotiques. Mais on voit aujourd’hui apparaître de plus en plus de bactéries hautement résistantes (BHR), qui résistent à tous les antibiotiques, et contre lesquelles les médecins n’ont pas de solutions. En Europe, les 5 BHR les plus fréquentes sont responsables de la mort de 25 000 personnes par an, c’est le début de l’ère post-antibiotique.
À quoi est due la résistance des bactéries ?
On la doit à l’usage massif des antibiotiques chez l’Homme, mais aussi chez l’animal (voir encadré). La consommation répétée d’antibiotiques a exercé une pression de sélection sur les bactéries : les non-résistantes ont laissé la place à celles qui ont développé des résistances. Ces dernières peuvent alors se multiplier et se propager dans la population et provoquent des maladies qu’il faut traiter avec d’autres antibiotiques, générant de nouvelles résistances… Un véritable cercle vicieux. Ce phénomène, amplifié par une mauvaise utilisation de ces médicaments, est aujourd’hui présent dans tous les pays du monde.
Que faire pour limiter ce phénomène ?
- Réduire la consommation d’antibiotiques. La France est l’un des plus gros consommateurs européens d’antibiotiques (consommation moyenne supérieure de 3 % à la moyenne européenne). En 2011, 143 millions de boîtes d’antibiotiques ont été vendues en France. Or, il arrive que ces médicaments soient prescrits à tort pour traiter des infections virales (grippe, etc.) ou fongiques. Pour certaines maladies, comme l’angine, il existe des tests rapides permettant de savoir si elle est due à un virus ou non, mais ils sont encore sous-utilisés en France.
- En connaître le bon usage, en ne consommant pas un antibiotique prescrit à quelqu’un d’autre, ou en prenant son traitement jusqu’au bout, même si l’on se sent mieux. Ces mauvaises utilisations induisent des résistances. Pour lutter contre cela, certaines pharmacies expérimentent la vente d’antibiotiques à l’unité, dans 4 régions (Île-de-France, Lorraine, Limousin, Provence-Alpes-Côte d’Azur).
- Améliorer les conditions d’hygiène, en se lavant les mains très fréquemment (avec une solution hydroalcoolique par exemple), et en imposant une hygiène draconienne à tous les niveaux de la prise en charge médicale, à la ville comme à l’hôpital.
L’antibiotique le plus consommé en ville est l’amoxicilline, qui représente 32 % de la consommation totale.
En 2011, 143 millions de boîtes d’antibiotiques ont été vendues en France.
Le lavage des mains avec une solution hydro-alcoolique permet de limiter la transmission des bactéries résistantes d’une personnes à l’autre.
L’agriculture aussi en cause
En 2001, l’OMS avait estimé que 50 % des antibiotiques produits étaient destinés aux animaux, en particulier ceux d’élevage, chez lesquels les antibiotiques sont prescrits en prévention de maladies, mais aussi pour favoriser leur croissance – pratique interdite dans l’Union européenne depuis 2006, mais toujours d’actualité en Amérique du Nord, du Sud et en Asie. Les bactéries antibiorésistantes des animaux peuvent se transmettre à l’Homme, par la consommation des aliments contaminés par ce type de bactéries par exemple (salmonelles, etc.).
En France, les hôpitaux au cœur de la problématique
Ce sont eux qui prennent en charge et concentrent les cas d’infections résistantes. De plus, la consommation d’antibiotiques est plus élevée dans les hôpitaux qu’en ville. Des estimations rapportent que 4 patients sur 10 hospitalisés en ont reçu un jour donné en 2011, contre seulement 30 personnes sur 1 000 en ville.
Margot Murat et Cécile Pinault