Trouble respiratoire du sommeil très courant, l’apnée du sommeil n’est pas sans conséquence sur la qualité de vie. La somnolence et la fatigue qui en découlent affectent les activités dans la journée, et peuvent même mener à des accidents. Il est donc important de la prendre en charge.
Qu’est-ce que l’apnée du sommeil ?
L’apnée du sommeil est un arrêt ou une modification de la circulation de l’air pendant que l’on dort suite à l’obstruction des voies respiratoires. Cette variation du volume respiratoire diminue l’oxygénation du cerveau, ce qui provoque des réveils réguliers. « Si je vous demande d’écrire une lettre, vous êtes capables de le faire en 5 minutes. Mais si toutes les 10 secondes un enfant vous tape dans le coude, vous allez mettre plus de temps et le résultat sera de moins bonne qualité, illustre le Dr Lombard, médecin du sommeil à la clinique de Flandre de Coudekerque-Branche (Nord). C’est pareil avec le sommeil que l’apnée vient entrecouper. »
Quelles sont les causes ?
Le plus souvent, la diminution du flux d’air va se produire lorsque la langue perd en tonus musculaire et chute au fond de la gorge, ce qui obstrue les voies respiratoires. Cependant, d’autres causes peuvent aussi être responsables de l’apnée. Le flux d’air est également perturbé en cas de problèmes anatomiques (amygdales de grandes tailles, malformation de la mâchoire, graisse atour de la gorge…), hormonaux (liés à la thyroïde), ou de la consommation de certaines substances (tabac, benzodiazépine…). Les rhinites chroniques ou le reflux gastrique sont aussi des facteurs favorisants.
Un syndrome associé à de nombreuses comorbidités
Ce trouble du sommeil est par ailleurs associé à un grand nombre de maladies, notamment chroniques. « Dans de nombreuses pathologies, on recherche l’apnée du sommeil chez le patient », précise le Dr Lombard. En effet, on la retrouve très souvent dans les maladies cardiovasculaires comme l’AVC ou l’hypertension artérielle, pour laquelle ce sont 50 % des patients qui souffrent d’apnée du sommeil. On retrouve aussi de nombreux patients concernés chez ceux atteints de glaucome ou de diabète. Le surpoids et l’obésité sont parmi les premiers facteurs de risque, du fait des tissus graisseux qui exercent une pression au niveau du cou.
Comment cela se manifeste-t-il ?
Bien qu’entraînant des symptômes très nombreux, l’apnée du sommeil suscite en premier lieu des ronflements. De manière générale, elle occasionne des troubles du sommeil, que ce soit des insomnies ou au contraire une somnolence, c’est-à-dire des durées de sommeil allongées et des difficultés à rester éveillé. « L’apnée peut provoquer un temps de sommeil plus long, ou au contraire faire perdre le sommeil pendant la nuit. En tout cas, le sommeil ne sera pas réparateur », explique le Dr Lombard. Et puisqu’il n’est pas réparateur, même en dormant plus longtemps, la somnolence provoque des endormissements au cours de la journée.
Des signes cliniques variés
Les patients présentent donc souvent un sommeil fragmenté : ils se réveillent plusieurs fois la nuit, avec des sueurs nocturnes, se lèvent régulièrement pour aller aux toilettes… « Tout cela donne l’impression de ne pas dormir, poursuit le médecin. Parfois, les patients ne font que des micro-réveils sans même en avoir conscience, et cela arrive de nombreuses fois par heure. C’est un mécanisme de survie pour reprendre sa respiration. » L’apnée peut également provoquer des maux de tête au réveil, des troubles de la libido ou de l’érection, une irritabilité, voire mener vers la dépression. Chez les femmes en particulier, l’apnée du sommeil peut ne pas provoquer de somnolence, mais des douleurs thoraciques, de l’angoisse et de la nervosité.
Quels sont les risques ?
En plus de la dégradation de la qualité de vie engendrée par l’apnée du sommeil, cette pathologie s’accompagne de risques pour le patient, mais aussi son entourage. En effet, la somnolence récurrente, et la baisse de la vigilance qui l’accompagne, provoquent des accidents domestiques mais surtout de la route, puisque les patients ont tendance à s’endormir au volant. Alors que la somnolence est responsable d’environ un tiers des accidents mortels de la route, les personnes atteintes d’apnée du sommeil sont cinq fois plus concernées par les accidents de voiture.
Des conséquences globales sur la santé
En plus des risques accidentels, l’apnée aggrave les maladies qui y sont associées (maladies cardiovasculaires comme l’hypertension, le diabète…). « Le syndrome d’apnée du sommeil et ses comorbidités entraînent une surmortalité importante chez les patients, se soucie le somnologue. Il est donc important de les prendre en charge et de les accompagner. »
Qui est touché ?
Loin de l’image classique de l’homme bedonnant d’une cinquantaine d’années, l’apnée du sommeil touche en réalité une grande part de la population. Plusieurs millions de personnes sont en effet atteintes. « Cela concerne 8 % des 25-44 ans, 20 % des 45-64 ans, et au moins 30 % des plus de 65 ans », détaille le Dr Lombard. Un syndrome qui se manifeste donc d’autant plus avec l’âge, et qui est surtout masculin : les hommes sont deux fois plus nombreux à faire de l’apnée. Mais les femmes sont tout aussi concernées, notamment après la ménopause ou pendant la grossesse. « Il faut d’ailleurs noter que même si c’est le premier facteur de risque, 40 % des personnes touchées ne sont pas obèses », reprend le spécialiste.
Comment la traiter ?
En tant que trouble multifactoriel, la prise en charge de l’apnée du sommeil implique différentes spécialités médicales. Plusieurs approches sont proposées pour prendre en charge l’apnée du sommeil.
En premier lieu, il est possible de traiter les causes. Une perte de poids peut ainsi être conseillée, car il s’agit du premier facteur de risque. Le traitement symptomatique le plus prescrit et le plus efficace reste cependant la ventilation par pression positive continue (PPC). Pendant la nuit, le patient porte un masque au travers duquel une machine ventile de l’air afin de maintenir les voies respiratoires ouvertes. « La PPC résout 98 % des apnées, et on se sent plus en forme dès le premier soir, étaye le Dr Lombard. Il faut en moyenne un mois pour s’adapter, mais désormais il existe des machines silencieuses et des masques beaucoup plus faciles à porter. Cela a donc un gros impact sur la qualité de vie et les comorbidités. » En plus du traitement ventilatoire, il est important de surveiller et de traiter les maladies associées, comme le diabète et l’hypertension. C’est donc un suivi global du patient qui est mis en place.
Une solution pour tous les patients
D’autres solutions sont aussi disponibles, comme l’orthèse d’avancée mandibulaire, des gouttières à placer sur les dents qui tracte la mâchoire et la langue vers l’avant. Certains patients bénéficient aussi de rééducation de la langue par un orthophoniste ou un kinésithérapeute. « C’est comme de la musculation : avec de l’entraînement, la langue peut se retonifier et garder sa position même pendant le sommeil », explique l’expert. Si le problème est au contraire anatomique, des chirurgies des amygdales ou de la mâchoire peuvent améliorer la respiration durant la nuit. Enfin, pour les patients qui resteraient somnolents malgré ces traitements et une bonne hygiène de sommeil, des médicaments éveillants peuvent s’avérer pertinents pour lutter contre la somnolence et améliorer la qualité de vie.
Distinguer fatigue et somnolence
Somnoler, ce n’est pas juste être fatigué. « La somnolence, c’est une envie irrépressible de dormir, et un besoin contre lequel il est difficile de lutter, énonce le Dr Lombard. On a les paupières qui clignent, la tête qui tombe, des frissons, on baille, et on doit relire plusieurs fois la même phrase pour la comprendre. » À l’inverse, la fatigue est associée à une activité intellectuelle intense ou rébarbative. Face à une activité qui provoque une charge mentale importante et donc qui fatigue, il y a au contraire besoin de changer d’activité pour se remobiliser. « Si vous êtes fatigué et que vous arrivez chez des amis, vous pourrez repartir actif parce que cela vous aura redonné de l’énergie, alors que si vous êtes somnolent vous piquerez du nez toute la soirée », image le médecin.
L’apnée du sommeil pendant la grossesse
Pendant la grossesse, les femmes sont plus susceptibles d’expérimenter de l’apnée du sommeil du fait de changements dans le cycle hormonal. La progestérone, dont le taux descend durant la grossesse, est associée à un moindre risque de réveil nocturne. « Malgré ce qu’on peut penser, une femme enceinte qui a des problèmes de sommeil, ce n’est pas forcément normal », prévient le Dr Lombard. De plus, l’apnée du sommeil pendant la grossesse va apporter plus d’inconfort, mais est aussi liée à plusieurs pathologies comme le diabète gestationnel ou la pré-éclampsie, une hypertension artérielle qui peut conduire à des urgences vitales pour la mère. Elle a aussi des répercussions sur le bébé, avec un risque de retard de croissance pendant la grossesse. La qualité et la durée de l’accouchement est aussi affectée par l’apnée du sommeil. Il faut donc la prendre en charge si elle se manifeste.
Récap’ : est-ce que je souffre d’apnée du sommeil ?
Le syndrome d’apnées du sommeil entraîne une grande variété de symptômes, mais les plus courants sont :
- les ronflements,
- la somnolence (voir le test suivant),
- la fatigue,
- les réveils au cours de la nuit,
- l’irritabilité
- et le surpoids.
Si vous vous reconnaissez dans plusieurs de ces symptômes, n’hésitez pas à en parler à votre médecin afin de savoir si vous êtes concerné.
L’échelle de somnolence d’Epworth
Par Edwyn Guérineau





