Réputé – à raison – comme l’un des cancers les plus difficiles à soigner, le cancer du poumon doit cependant faire face depuis quelques années à de nouvelles formes innovantes de traitements, plus efficaces et offrant une meilleure qualité de vie aux patients. En première ligne, l’immunothérapie, qui remobilise le système immunitaire contre la tumeur.
Troisième cancer le plus répandu, le cancer du poumon est diagnostiqué chaque année chez près de 50 000 personnes en France. C’est aussi le cancer le plus meurtrier. Historiquement, les traitements proposés, comme la chimiothérapie ou la radiothérapie, s’accompagnent de conséquences lourdes, entraînant une dégradation de la qualité de vie des patients, voire un abandon des soins. C’est ce qu’a par exemple vécu le chanteur Florent Pagny : d’abord traité par chimiothérapie et radiothérapie, l’artiste a ensuite décidé d’écourter l’immunothérapie qu’il suivait pour rejoindre la Patagonie, où il réside. Mais la maladie a fini par le rattraper, l’engageant à rentrer en France pour reprendre le traitement.
Qu’est-ce que le cancer du poumon ?
Le cancer du poumon est un cancer qui touche principalement les bronches et, plus rarement, les alvéoles pulmonaires. C’est pourquoi les médecins parlent souvent de cancer broncho-pulmonaire. Schématiquement, le cancer débute lorsqu’une cellule dysfonctionne et commence à se multiplier de façon chaotique, formant une masse : la tumeur. D’autres cellules risquent ensuite de se disperser dans les poumons, dans les ganglions à proximité, voire, via le sang, dans d’autres organes pour former des métastases, le poumon étant un organe très irrigué. Les cancers du poumon comportent deux grandes familles : les cancers dits non à petites cellules, les plus communs puisqu’ils constituent 85 à 90 % des cas, et les cancers à petites cellules, considérés comme une maladie rare. Ces deux types requièrent une prise en charge différente, qui dépend également du patient et du stade d’évolution de la maladie.
Comment est-il diagnostiqué ?
Le cancer du poumon peut mettre longtemps avant de se manifester et est donc souvent diagnostiqué tardivement. « Il débute en général par une longue phase asymptomatique, d’où l’intérêt du dépistage », explique le Pr Nicolas Girard, oncologue à l’Institut Curie et responsable de l’Institut du thorax. Dans un premier temps, il est important d’être attentif à l’apparition de symptômes nouveaux, ou à l’aggravation de ceux déjà présents chez les personnes malades chroniques. Les symptômes sont d’abord respiratoires : toux, essoufflement, sifflement dans la respiration et voix modifiée (enrouée ou diminuée). Mais le cancer peut aussi provoquer de la fatigue, des crachats de sang, une perte d’appétit et de poids… Le diagnostic en lui-même passe par plusieurs examens (radiographie, bilan sanguin, scanner du thorax…) mais doit être confirmé par une biopsie, qui permet également d’établir de quel type de cancer il s’agit.
Les causes du cancer
Le principal facteur responsable du cancer du poumon est bien connu : il s’agit du tabac. Il est en effet responsable de la maladie dans 80 % des cas. Et si le risque de développer une tumeur est d’autant plus important que l’on fume beaucoup et depuis longtemps, un cancer peut se développer même en fumant peu ou dans le cas de tabagisme passif. Toutes les formes de tabac fumé sont concernées, qu’il s’agisse de cigarettes (même light), de pipe ou de narguilé. On observe d’ailleurs une augmentation chez les femmes (7 fois plus de cas qu’il y a 30 ans) du fait de l’augmentation du tabagisme féminin. Mais d’autres produits fumés, comme le cannabis, qui pénètre plus loin dans les poumons et dont la fumée est plus chargée en goudron que celle du tabac, causent aussi des risques de développer la maladie. La pollution atmosphérique, et notamment les particules relâchées par les moteurs au diesel, représente un autre facteur de risque courant.
L’immunothérapie, un nouveau standard parmi les traitements
L’immunothérapie, qu’avait arrêtée Florent Pagny avant de la reprendre, présente pourtant des avantages par rapport aux traitements plus classiques. « Utilisé depuis 2015, c’est depuis devenu un standard dans le traitement du cancer du poumon », rapporte le Pr Girard. Le principe de cette thérapie est d’entraîner le système immunitaire du patient afin qu’il reconnaisse et détruise les cellules cancéreuses. Pour cela, les médecins introduisent des anticorps dans l’organisme du patient. Ces molécules de l’immunité ciblent certains marqueurs à la surface des cellules et stimulent les lymphocytes T, une famille de globules blancs, pour leur apprendre à agir contre le cancer. « Ces anticorps ciblent en particulier les “points de contrôle” de la réponse immunitaire, poursuit le médecin, des protéines à la surface des cellules cancéreuses qui empêchent les lymphocytes de s’activer et de les détruire. »
Un traitement qui agit sur le long terme
Plus spécifique que la chimiothérapie et la radiothérapie, qui touchent toutes les cellules en plus de celles du cancer, l’immunothérapie offre un autre avantage. En effet, selon le Pr Girard, « il y a certes un intérêt dans la destruction des cellules cancéreuses, mais il y a aussi un intérêt dans la mémoire immunitaire qui se maintient même après l’arrêt du traitement ». Une fois l’immunité entraînée, le système est ainsi capable de se remobiliser en cas de rechute et d’apparition de nouvelles cellules cancéreuses. Tous ces aspects augmentent donc les chances de survie des patients à long terme. Cependant, chez certains patients, ces traitements finissent par perdre en efficacité. « Beaucoup de facteurs jouent sur l’immunité : la génétique, la mémoire immunitaire, le microbiome… » explique le spécialiste. La recherche essaye donc encore de comprendre comment ces paramètres interagissent avec les traitements.
Quels sont les effets secondaires ?
Même si l’immunothérapie constitue un traitement moins difficile à vivre que la chimiothérapie ou la radiothérapie, des effets secondaires demeurent. En effet, en entraînant le système immunitaire à reconnaître certains marqueurs de nos propres cellules, il s’attaque certes au cancer, mais peut aussi s’en prendre à des organes sains. « Ces réponses auto-immunes s’attaquent aux tissus du patient, provoquant de l’inflammation, décrit le Pr Girard. Souvent on observe une inflammation de la thyroïde, qui se traite facilement, mais la plus grave reste l’inflammation du myocarde, avec un risque d’arrêt cardiaque, qui reste heureusement exceptionnel. » Le médecin insiste donc sur l’importance de surveiller les effets du traitement, mais surtout d’apprendre au patient à les reconnaître pour réagir à temps et les prendre en charge. Malgré tout, les patients sous immunothérapie ont moins tendance à arrêter leur traitement, et la recherche continue de développer de nouvelles molécules, plus efficaces et mieux tolérées. De quoi garder espoir pour soigner ce cancer particulièrement destructeur.
Soigner les cancers déjà avancés
L’immunothérapie, qui peut être utilisée seule ou en combinaison avec d’autres thérapies, est mobilisée dans le cadre du cancer du poumon dans des stades déjà avancés. « C’est un traitement de première intention pour des cancers métastatiques », c’est-à-dire dont des cellules se sont dispersées dans d’autres organes, précise le Pr Girard. Le cancer du poumon est le plus souvent diagnostiqué au stade métastatique, « ce qui représente 60 % des patients ». En pratique, le traitement consiste en des injections par perfusion à l’hôpital, pendant 1 à 3 heures, toutes les 3 à 6 semaines. Au maximum, ces injections durent 2 ans, « car l’on observe peu de probabilité de récidive au-delà de cette durée » complète le médecin. Une autre voie consiste en un traitement unique où les lymphocytes sont prélevés chez le patient, entraînés puis réinjectés pour se battre contre le cancer.
Un autre traitement innovant : les thérapies ciblées
Un autre type de traitement s’est également développé au cours des dernières années : il s’agit des thérapies ciblées. Ces médicaments visent spécifiquement les tumeurs et leur fonctionnement, par exemple en empêchant la circulation sanguine de les irriguer. Ces traitements s’appliquent lorsque le cancer présente certaines mutations précises, ce qui empêche par ailleurs d’utiliser une immunothérapie. 20 % des patients atteints d’un cancer du poumon sont pris en charge par ces thérapies, qui doivent être prises en continu et à vie. Cependant, chez certains d’entre eux, la tumeur peut développer des résistances, ce qui impose d’adapter le traitement.
Des risques professionnels
Dans 5 à 15 % des cas, le cancer du poumon se développe suite à un contact avec des produits cancérigènes dans le cadre professionnel. Le cas le plus emblématique a été l’amiante, puisque le cancer du poumon a été la première cause de mortalité chez les personnes exposées. Mais des professionnels exposés à certaines substances (chrome, arsenic, nickel, certains hydrocarbures…) ou à de la radioactivité sont également soumis à plus de risques.
- 2/3 des cas sont des hommes, 1/3 sont des femmes
- 33 000 décès par an dus au cancer du poumon (Ligue contre le cancer, 2018)
Par Edwyn Guérineau





