Figure majeure de la recherche sur l’autisme, élue présidente de l’Académie nationale de médecine
Catherine Barthélémy est la nouvelle présidente de l’Académie nationale de médecine. Ses travaux sur l’autisme ont révolutionné la vision qu’avait la psychiatrie française de ce trouble. Retour sur son combat pour promouvoir une approche neurodéveloppementale de l’autisme en France.
Depuis le 9 janvier 2024, l’Académie nationale de médecine, un organisme indépendant dont le rôle est d’éclairer les politiques de santé gouvernementales, a une nouvelle présidente : Catherine Barthélémy, professeure de médecine honoraire au CHRU de Tours.
Pour la première fois depuis deux siècles cette institution a élu une femme à sa tête, mais c’est aussi la première fois qu’une pédopsychiatre prend les rênes de l’Académie nationale de médecine. Catherine Barthélémy est connue pour ses travaux ayant révolutionné la perception de l’autisme et sa nomination rappelle l’importance de la recherche sur ces troubles du neurodéveloppement.
« Mes pairs m’ont ri au nez »
La pédopsychiatre a débuté sa carrière dans les années 1980. Les pédiatres de l’époque étaient particulièrement influencés par les théories freudiennes notamment celles de « la mère réfrigérateur » ou la « mère trop fusionnelle » qui, par un manque ou un surplus d’affection maternelle, entraîne le développement de troubles autistiques chez l’enfant. Ces théories avaient, pendant longtemps, fait porter le poids de la maladie sur les épaules de la mère. Cependant, ces idées freudiennes n’ont jamais eu de bases scientifiques et mènent généralement à des retards de diagnostics.
Catherine Barthélémy, quant à elle, s’est tournée vers une nouvelle vision de l’autisme. Ce trouble ne prendrait plus racine dans l’histoire familiale, mais dans le neurodéveloppement de l’enfant. « Lorsque j’ai exposé les résultats de mes travaux, qui montraient que l’autisme était dû à des troubles cérébraux et non à un rapport mère/enfant dysfonctionnel, mes pairs m’ont ri au nez. Ce qui montre le décalage des experts français avec la communauté internationale », se souvient la présidente de l’Académie nationale de médecine durant sa présentation à la presse le 30 janvier 2024.
Des thérapies plus efficaces a l’étranger
Pendant que les psychiatres français défendaient en grande majorité les idées freudiennes sans argument rationnel, à l’étranger, notamment aux États-Unis et au Canada, les soignants se sont tournés vers des thérapies comportementales. Elles consistent à modifier les comportements des enfants à un stade précoce d’autisme via des exercices réguliers et sur le long terme.
Ces méthodes, agissant directement sur la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la faculté de restructuration du cerveau des enfants, ont fait leurs preuves jusqu’à aujourd’hui et permettent, la plupart du temps, aux enfants autistes de développer des capacités linguistiques et sociales. Facilitant leur insertion dans un parcours scolaire typique par la suite.
La France encore « à la traine »
Grâce à l’influence de Catherine Barthélémy, ce type de technique s’est multiplié dans le pays des lumières et a permis à de nombreux enfants autistes d’avoir un suivi efficace. Ses travaux lui ont valu la Légion d’honneur en 2016.
Malgré ces changements, la France est toujours « à la traîne » selon Catherine Barthélémy, elle explique notamment que la psychanalyse est encore présente chez les psychiatres français. En 2021, l’association PAARI, une association de personnes autistes, a notamment dénoncé ces pratiques qui entraînent une perte de chance pour les patients et qui sont considérées comme non consensuelles par la Haute Autorité de santé depuis 2012.
Promouvoir les innovations dans la recherche sur l’autisme
L’élection de Catherine Barthélémy pourrait permettre de mettre en avant les méthodes modernes de prises en charge de l’autisme qu’elles soient comportementales ou même médicamenteuses. Parmi les missions que s’est données l’Académie nationale de médecine, il y a notamment la promotion des recherches en neurosciences cliniques et biologiques pour prévenir les handicaps liés aux troubles les plus précoces, comme l’autisme, auprès du gouvernement.
Un enfant autiste suivant une thérapie sensorielle. Crédit : AndreaObzerova
Un traitement prometteur en test
Les derniers travaux de recherches autour de l’autisme se tournent vers des médicaments qui peuvent agir sur les troubles du spectre autistique. Une étude, parue en 2022 dans la revue « neuropsychopharmacology », met en avant les effets bénéfiques des ions bromures sur des souris atteintes de troubles du spectre autistique. Les ions bromures sont notamment utilisés pour traiter l’épilepsie. Or, certaines formes de troubles du spectre autistique ont montré des dysfonctionnements neuronaux similaires à ceux des épilepsies. C’est pour cela que les chercheurs français à l’origine de l’étude se sont intéressés aux ions bromures. Leurs travaux ont permis de rétablir des comportements sociaux chez les rongeurs, de réduire leurs comportements stéréotypés et même de diminuer leur anxiété. Ces résultats positifs donnent envie aux chercheurs de poursuivre leurs recherches sur les ions bromures, mais cette fois sur des sujets humains.
Par Corentin Bell





