Colères, impatiences, dire non à tout… Vous pensez peut-être que votre enfant est difficile. Que nenni ! C’est une phase indispensable à son bon développement. Suzanne Vallières, psychologue au Québec et spécialisée dans l’enfance depuis 34 ans vous aide à traverser cette période.
Par Léna Pedon
Le terrible two, cette période redoutée par de nombreux parents, commence généralement aux alentours des 2 ans. Selon Suzanne Vallières, psychologue spécialisée en enfance, cette phase marque un moment crucial dans le développement de l’enfant. « C’est une phase d’affirmation très importante », explique-t-elle, « l’enfant cherche à prendre le contrôle de son environnement, souvent par des comportements de refus ou de colère. » Bien que ce moment soit naturel et nécessaire, il peut sembler accablant pour les parents.
« Ignorer un enfant qui est en colère provoque chez lui frustration, désorganisation et anxiété. »
Qu’est-ce que le terrible two ?
Le terrible two se manifeste par une série de comportements que l’on pourrait qualifier de crises d’opposition, où l’enfant cherche à s’affirmer en disant souvent « non ». Suzanne Vallières explique que cette phase est liée à une « désorganisation émotionnelle », car les enfants ne possèdent pas encore la capacité de gérer leurs émotions. « Ils vont se désorganiser pour un tout ou pour un rien », précise-t-elle. Cette incapacité à comprendre et verbaliser leurs sentiments peut les pousser à réagir de manière excessive, par exemple en jetant des objets ou en faisant des crises de colère.
Cette période d’affirmation coïncide souvent avec l’apprentissage de la propreté. C’est l’une des premières situations où l’enfant cherche à exercer un contrôle : « on ne peut pas forcer quelqu’un à aller aux toilettes ou à manger s’il ne le veut pas », rappelle la psychologue québécoise.
Ainsi, ces comportements, bien que frustrants pour les parents, sont des étapes normales du développement de l’autonomie de l’enfant.
Comment reconnaître les comportements typiques du terrible two ?
Les signes du terrible two sont assez universels. « Beaucoup de refus », résume Suzanne Vallières. L’enfant peut dire non à des consignes simples comme s’habiller, se déshabiller ou manger. Il peut aussi lancer des objets ou se mettre en colère pour des raisons qui nous semblent mineures, comme la couleur d’un verre. « L’incompréhension est une émotion difficile à supporter, même pour les adultes », note la psychologue. L’enfant, incapable de verbaliser ses préférences ou de comprendre pleinement son environnement, peut ressentir un profond sentiment d’impuissance.
Conseils pratiques pour gérer les crises
La première clé pour gérer cette phase est de comprendre que ces crises ne sont pas « contre » les parents. « Un enfant de 2 ans ne peut pas manipuler ou planifier des choses », souligne Suzanne Vallières. Ses réactions sont des réponses immédiates à des situations qu’il ne maîtrise pas encore. Il est donc crucial de ne pas prendre ces comportements personnellement.
Voici quelques stratégies pratiques pour apaiser les crises
1. Donner des choix raisonnables
>> « Si l’enfant veut un verre jaune au lieu d’un verre rouge, pourquoi ne pas lui donner ? » propose la psychologue. C’est une façon pour l’enfant de sentir qu’il a un contrôle sur certaines situations, ce qui peut réduire le nombre de crises.
2. Changer d’environnement
>> Quand une crise commence, un simple changement de décor peut aider. « Prenez l’enfant dans vos bras et emmenez-le dans une autre pièce », suggère Suzanne Vallières. Cette diversion peut suffire à désamorcer la situation.
3. Utiliser l’humour et le jeu
>> Transformez des moments potentiellement tendus en jeux. Par exemple, faites la course pour voir qui s’habille le plus vite, ou utilisez un ton de voix amusant pour capter l’attention de l’enfant. « L’humour fonctionne très bien dans ce groupe d’âge », confirme la psychologue.
4. Faire des câlins
>> « Les câlins fonctionnent en numéro un », insiste Suzanne Vallières. Les câlins stimulent la production d’ocytocine, une hormone qui apaise l’enfant. Lorsqu’il est en colère, prendre l’enfant dans vos bras peut aider à calmer sa tempête émotionnelle.
5. Accompagner au lieu d’exiger
>> L’accompagnement est un outil puissant, peu utilisé selon la psychologue. Par exemple, au lieu de dire « Va aux toilettes », dites « Viens avec moi ». Cela permet à l’enfant de sentir qu’il est soutenu, et non contraint.
S’adapter à la personnalité de l’enfant
Tous les enfants ne traversent pas le terrible two de la même manière. Certains peuvent être plus sensibles ou récalcitrants que d’autres. Suzanne Vallières recommande aux parents de se poser des questions sur leur propre gestion de la situation : « Est-ce que je parle trop ? » L’excès de paroles peut insécuriser l’enfant. Parfois, un simple geste ou un mot rassurant suffit.
Dans tous les cas, la patience et l’accompagnement sont essentiels.
Trouver l’équilibre entre fermeté et bienveillance
L’un des défis majeurs pour les parents est de trouver un équilibre entre fermeté et bienveillance. Il est crucial de poser des limites claires : « Tout ce qui est dangereux, c’est non », rappelle Suzanne Vallières, mais pour les petites décisions du quotidien, donner un certain contrôle à l’enfant peut éviter des crises inutiles.
L’accompagnement, plutôt que l’autorité stricte, aide à établir un environnement où l’enfant se sent soutenu. « Un parent trop sévère qui dit non à tout risque de créer encore plus de frustrations », avertit la psychologue.
Valider les émotions de l’enfant
Enfin, valider les émotions de l’enfant est une pratique essentielle. Dire à l’enfant « Je comprends que tu sois en colère » ou « Je comprends que tu sois déçu » l’aide à mettre des mots sur ses sentiments et à se sentir compris. Cela permet aussi d’éviter que l’enfant se sente seul dans sa détresse émotionnelle, un facteur qui pourrait augmenter son anxiété.
Le terrible two est une période exigeante, mais c’est aussi une étape clé dans le développement de l’autonomie de l’enfant. Avec des stratégies adaptées, comme l’accompagnement, le renforcement positif et la validation des émotions, les parents peuvent naviguer dans cette phase avec plus de sérénité. « Les enfants ne sont pas des mini-adultes », conclut Suzanne Vallières. Ils ont besoin de notre soutien pour grandir.
Pour aller plus loin
Les Psy-trucs pour les enfants de 0 à 3 ans, par Suzanne Vallières
Suzanne Vallières fournit des réponses claires et détaillées aux questions que beaucoup de parents se posent au sujet du développement de leur enfant. L’auteur démythifie certaines notions relatives à l’évolution de l’enfant en livrant, le plus simplement possible, trucs et conseils qui faciliteront la vie des parents.
> Éditions De L’Homme. 209 pages. 13,50 €.
©François Couture





