L’arthrose handicape chaque jour des millions de Français. Retour sur la prise en charge de cette maladie particulièrement commune et douloureuse.
Quand les articulations s’érodent, chaque mouvement du quotidien devient une épreuve douloureuse et handicapante. Si le genou est touché, la marche est limitée. Si la main est rouillée, la fourchette ou le stylo glisse des doigts. Et quand la colonne vertébrale est usée, porter des poids ou se tourner dans son lit la nuit entraîne des douleurs lancinantes. Ces souffrances récurrentes viennent d’une maladie articulaire particulièrement commune : l’arthrose.
Un mal qui touche toutes les structures de l’articulation
Plus de 10 millions de Français souffrent de cette dégradation des articulations selon l’Inserm. « L’arthrose est caractérisée par des lésions irréversibles de l’ensemble des structures de l’articulation, explique le Dr Augustin Latourte, rhumatologue à l’hôpital Lariboisière à Paris. Elle va donc affecter le cartilage, l’os, la membrane synoviale qui tapisse les articulations et tous les tissus peuvent être atteints : les tendons, les muscles ou les ligaments ».
Des antalgiques à prendre avec prudence
Il n’est pas possible de guérir de l’arthrose. Ainsi, les seuls traitements proposés sont symptomatiques, à adapter en fonction du patient et de sa douleur.
Pour soulager la douleur, bon nombre de patients ont recours aux antalgiques. Pourtant, « on sait que les antidouleurs ont une efficacité faible pour soulager les douleurs de l’arthrose et certains, comme le tramadol ou la codéine, ont beaucoup d’effets indésirables », avertit le Dr Augustin Latourte. Les rhumatologues recommandent donc d’utiliser le moins d’antalgiques possible, en petite dose sur une courte durée. « Ces médicaments doivent vraiment avoir la place la plus marginale possible et à la demande pour des douleurs intenses », ajoute le rhumatologue.
Des infiltrations pour soulager la douleur plusieurs mois
Parfois, des interventions plus intrusives sont nécessaires pour limiter les douleurs de l’arthrose. Des infiltrations de corticoïdes ou d’acide hyaluronique peuvent être proposées. « Les corticoïdes sont très efficaces dans les poussées où il y a des gonflements importants des articulations. L’acide hyaluronique est recommandé pour les genoux moins inflammatoires », détaille le Dr Augustin Latourte. Avec ces injections, le répit dure quelques mois. Attention toutefois, les injections d’acide hyaluronique ne sont pas remboursées, car les études ont montré un bénéfice jugé trop modeste par l’Assurance maladie .
La prothèse comme ultime solution
Lorsque les injections et les traitements médicamenteux ne font plus effet et que les douleurs deviennent insupportables, les rhumatologues proposent au patient de se tourner vers la pose d’une prothèse. Mais son efficacité dépend de l’emplacement de la prothèse. « Nous avons de très bons résultats faisant suite à l’installation d’une prothèse de hanche », se réjouit le rhumatologue.
À l’inverse, « les prothèses de genoux nécessitent une période de rééducation plus longue et s’accompagnent de suites parfois douloureuses qui nécessitent un suivi », constate le Dr Latourte. Malgré tout, la prothèse de genou est souvent suffisante pour soulager les douleurs, même si certains patients conserveront toujours des douleurs résiduelles. « Ces souffrances peuvent avoir une origine neuropathique ou bien provenir d’un descellement de la prothèse, mais cela reste assez rare. Parfois même lorsque tout est très bien réalisé sur le plan chirurgical, des douleurs dont on ne connaît pas l’origine peuvent persister », souligne-t-il.
Le meilleur traitement reste une vie saine
Ces traitements ne parviendront pas à atténuer suffisamment les douleurs si le patient n’entretient pas des habitudes de vie saines et tout particulièrement une activité physique régulière.
Lorsque la maladie prend forme, il est toujours possible de limiter ses dégâts en maintenant son corps en mouvement que ce soit par le sport ou les activités quotidiennesCependant, les patients peuvent développer une peur du mouvement à cause des douleurs. Une crainte qui nourrit la sédentarité et donc l’arthrose. Pour briser ce cercle vicieux, ils peuvent se tourner vers des professionnels, comme des kinésithérapeutes ou des coachs sportifs, qui pourront les accompagner dans des activités physiques qui ne les feront pas souffrir. « Les séances de kinésithérapie permettent aux patients de reprendre confiance en leurs articulations et de constater la palette d’activités qui est encore à leur portée », s’égaye le Dr Augustin Latourte.
« La douleur retentit sur l’ensemble du quotidien : activité professionnelle, vie de couple, sommeil »
Comment aider les malades à mieux vivre avec leur arthrose au quotidien ? Entretien avec Françoise Alliot‑Launois, présidente de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR).
Vocation Santé : Quelles sont les préoccupations des personnes atteintes d’arthrose lorsqu’elles se tournent vers l’association ?
Françoise Alliot-Launois : Leurs demandes concernent principalement la gestion de la douleur. Les patients veulent être soulagés et mieux renseignés sur leur pathologie. L’AFLAR reçoit de nombreuses questions sur l’arthrose des mains, du genou, de la colonne vertébrale… Au-delà des aspects médicaux, les personnes sont à la recherche d’une écoute et d’un dialogue approfondi au sujet de leurs rhumatismes. La douleur retentit sur l’ensemble du quotidien : activité professionnelle, vie de couple, sommeil, image de soi… On a tendance à sous-estimer la fatigue qu’elle génère alors que c’est une plainte qui revient très souvent sur nos lignes d’écoute ou sur les réseaux sociaux.
Pourquoi est-ce important que le patient soit acteur de son processus de guérison ?
Nous recevons environ une personne sur trois diagnostiquée avec des douleurs arthrosiques avant l’âge de 40 ans, c’est énorme. On parle d’une maladie chronique avec laquelle il faut vivre 10, 20, 30 parfois 40 ans ! Il me semble primordial que les patients soient acteurs de leurs soins, apprivoisent leurs traitements, y compris les anti-arthrosiques d’action lente, les cures thermales… Et qu’ils soient accompagnés dans ce processus, évidemment. Il ne faut pas hésiter à revenir chez son pharmacien, son médecin, afin d’apprendre à manier ses médicaments, à les prendre au bon moment. Pour se mobiliser physiquement et surveiller son alimentation, le patient doit avoir compris. Et donc avoir été bien informé.
Certains peuvent être réfractaires à l’idée de pratiquer une activité physique à cause des douleurs, comment transmettre les bonnes informations ?
Marteler des messages tels que : « bougez, c’est positif pour votre arthrose » n’est pas suffisant, il faut donner aux patients des clés pour lever les peurs. Au-delà d’expliquer avec pédagogie que l’activité physique est bénéfique pour leurs articulations, il faut leur dire comment préparer une marche, réacquérir des mouvements dans de bonnes conditions afin de bouger petit à petit, progressivement. Des professionnels de santé comme les kinésithérapeutes sont là pour ça. Malgré tout, nos enquêtes révèlent que les patients désirent rester actifs. Ils ont envie de freiner la maladie, soulager leurs douleurs pour garder une bonne autonomie.
Une maladie aux nombreux facteurs de risque
- L’âge est le principal facteur de risque de développer cette maladie articulaire, l’Inserm estime qu’elle concerne 3 % des moins de 45 ans, 65 % des plus de 65 ans et 80 % des plus de 80 ans.
- L’obésité entraîne une augmentation de la pression mécanique sur les articulations, ce qui favorise le développement d’arthrose.
- Le sexe féminin peut favoriser l’apparition de certains types d’arthroses comme l’arthrose digitale.
- L’arthrose peut se déclarer à la suite d’un traumatisme. Ainsi, une rupture des ligaments croisés offrira un terrain propice au développement d’une arthrose du genou.
- Les poussées inflammatoires peuvent fragiliser les articulations et favoriser le développement d’arthrose.
- La génétique est déterminante dans le développement de l’arthrose, lorsqu’il y a eu de l’arthrose dans la famille, le risque d’en développer est plus important.
Par Corentin Bell & Cléo Derwel





