La science progresse, tout comme l’âge de la première grossesse. La cryoconservation ovocytaire est une technique récente utilisée pour préserver la fertilité, mais pas sous n’importe quelles conditions en France, où elle est règlementée. Décryptage.
Faire congeler ses ovocytes (cryoconservation) pour pouvoir faire un enfant plus tard est encore un rêve inaccessible…ou presque. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) qui s’y était opposé en juin 2017 y est désormais favorable. Dans son avis général sur « Les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale de procréation médicalement assistée », rendu public en septembre 2018, l’instance souhaite la « proposer sans l’encourager » après avis médical. L’Académie de médecine avait, elle aussi, déjà pris position pour cette technique en vue de pallier les éventuels problèmes de fertilité rencontrés après 35 ans. Pour l’heure, la Loi de bioéthique de 2011, revisitée par l’arrêté du 24 décembre 2015, l’autorise en France, mais uniquement dans le cadre de situations médicales précises. La cryoconservation est ainsi réservée aux femmes dont la fertilité risque d’être altérée par un cancer (sous l’effet de la chimiothérapie ou la radiothérapie), une endométriose sévère ou une insuffisance ovarienne prématurée. La dernière voie l’autorise également dans le cadre d‘un don d’ovocytes.
Une alternative entre FIV tardive et don d’ovocytes
Instaurée en 2007, puis pratiquée « en routine » depuis 2009, la technique de vitritification est utilisée. « Ce procédé de descente ultra-rapide en température permet d’obtenir des meilleurs taux de survie qu’avec une congélation lente, et sans abîmer la cellule » explique le Dr Cécile Gallo, médecin gynécologue à la clinique IVI de Barcelone en Espagne. « Les ovocytes sont ensuite gardés dans l’azote liquide. Et les résultats sont excellents, car similaires à ce qu’on obtient avec des ovocytes frais ». Pour la femme, le parcours est identique à celui d’une FIV. Il débute par une hyperstimulation ovarienne pendant une dizaine de jours avant la ponction des ovocytes sous anesthésie locale ou générale avec échographie par voie vaginale.
Le procédé est-il efficace ? « Tout dépend de l’âge de la femme au moment où elle y a recours, et de sa réserve ovarienne, c’est à dire du nombre d’ovocytes que l’on peut mettre de côté ». Le Dr Gallo, qui le pratique depuis 9 ans, est formelle : « Pour mettre toutes les chances de votre côté, il ne faut pas attendre 35 ans ! Avec 10 ovocytes matures et donc fécondables chez une femmes qui a fait congeler ses ovocytes avant 35 ans, les chances d’avoir un bébé sont de 45%. Après 35 ans, ce chiffre passe à 25% ». Sur un plan technique, les ovocytes peuvent rester congelés sans limitation de temps. « La seule limite d’utilisation est l’âge de la femme. Et cela dépend de chaque pays. En Espagne, elle est fixée à 50 ans ». Le procédé a également un coût, puisqu’il faut en moyenne débourser entre 2000 et 2500 euros par cycle pour y avoir recours.
Le meilleur des plans B ?
L’autoconservation d’ovocytes pour raisons non médicales n’est pas encore à l’ordre du jour en France. Chaque année, de nombreuses femmes, menacées par leur horloge biologique et qui n’ont pas encore trouvé le père de leurs futurs enfants, décident de franchir le pas à l’étranger. Espagne, Belgique, Italie, Royaume- Uni, Tchéquie, Canada ou États-Unis… sont quelques-uns des principaux pays à l’autoriser. Outre-Atlantique, Facebook et Apple financent même la démarche aux salariées qui souhaiteraient remettre à demain leurs projets de maternité. En Espagne, le Dr Gallo a vu exploser la demande de femmes souhaitant préserver leur fertilité. « La plupart ont entre 37 et 38 ans, sont sans partenaire stable, diplômées et informées. Leur décision relève moins de prioriser leur carrière plutôt que de ne pas faire un enfant toutes seules ».
Le cadre juridique évoluera-t-il en France ? « La véritable question est de savoir s’il y a des arguments justifiant son interdiction ? Et il est difficile d’en trouver. La cryoconservation des ovocytes doit être réalisée en étant encadrée et avec une bonne pratique ». En 2015, dans un sondage Odoxa mené sur le sujet, 6 Français sur 10 se disaient opposés à la légalisation de l’autoconservation ovocytaire pour raisons non médicales. Paradoxalement, 54% d’entre eux « comprenaient » les femmes qui partaient le faire à l’étranger.
Myriam Levain, « Autant profiter des progrès que la science nous offre »
Journaliste et auteure du livre Et toi, tu t’y mets quand ? Myriam Levain a enquêté sur les clichés qui pèsent autour de l’horloge biologique et le désir de maternité. Elle raconte comment, à 35 ans, elle a décidé de passer par la case autoconservation de ses ovocytes en se rendant à Barcelone en 2018. « J’avais entendu parler de la technique et quand j’ai eu 35 ans je me suis lancée parce qu’il était temps. Je ne savais pas exactement en quoi consistait le traitement, mais ça s’est révélé plus contraignant que ce que je ne croyais, même si je l’ai très bien supporté. Quelle femme serait enthousiaste à l’idée de faire des prises de sang et des échographies pendant 2 mois tout en dépensant de l’argent ? On aimerait que cela soit autrement. Si un jour la cryoconservation est autorisée en France, je ne pense pas qu’elle sera un phénomène massif. Beaucoup de femmes y ont recours quand elles n’ont pas d’autres options et que peu de temps pour se décider. Mon conseil ? Prenez le temps d’y réfléchir à 30 ans, quand vous n’êtes pas encore au pied du mur. Acceptez aussi l’incertitude et le fait de ne pas tout maîtriser. Autoconserver ses ovocytes ne veut pas dire que l’on aura un enfant un jour. La technique est nouvelle, on a encore peu de recul, mais les médecins sont assez optimistes ».
1. Étude sur la question de l’autoconservation des ovocytes Odoxa pour Clinica Eugin nmc,
2. Flammarion, mai 2018
Par Raphaëlle Bartet