Avec la nuit qui tombe vite, le froid qui s’installe, et parfois l’humidité, l’arrivée de l’hiver plombe le moral de certains. Ce coup de mou peut être appelé blues de l’hiver mais il peut aussi être le signe d’une dépression saisonnière. On considère que le blues hivernal et la dépression hivernale peuvent toucher jusqu’à une personne sur dix !
Nous avons interrogé Éric Charles à ce sujet, psychiatre au Centre hospitalier Esquirol à Limoges.
Le spleen de l’hiver
Lorsque l’été prend congé et entraîne avec lui le soleil, certains d’entre nous commencent à avoir le cafard. Cet état, plus ou moins intense en fonction des personnes, peut suggérer une dépression saisonnière. Mais comment la reconnaître ? Éric Charles nous explique : « La première caractéristique d’une dépression hivernale est qu’elle apparaît à partir de l’automne. Ses symptômes sont les mêmes qu’une dépression classique à quelques exceptions près. Ceux retrouvés habituellement dans tous les types de dépression sont une tristesse, des idées noires, un ralentissement à faire les choses, une plus grande fatigabilité ou encore une perte de plaisir. La dépression classique, plutôt liée à des évènements de vie, amène également une perte d’appétit, une perte de poids et une insomnie. »
Les signes de la dépression saisonnière
« Mais pour la dépression saisonnière c’est le contraire, ajoute Éric Charles, il y a une augmentation de l’appétit et donc une prise de poids, généralement assez modeste mais qui peut parfois être importante, et au lieu d’une insomnie, il y a ce qu’on appelle une clinophilie, une tendance à passer beaucoup plus de temps dans son lit. Un peu comme les animaux qui hibernent », commente-t-il. L’hibernation est un phénomène chronobiologique qui est lié à l’horloge biologique. Tous les êtres vivants possèdent cette horloge interne. Le mécanisme de l’hibernation serait similaire à celui de la dépression hivernale.
Les causes de la dépression saisonnière ?
Cette horloge biologique, aussi appelée horloge circadienne, est synchronisée par la lumière sur les vingt-quatre heures d’une journée. Elle permet de réguler les fonctions rythmiques de notre organisme avec le monde extérieur, par exemple : l’appétit, la veille et le sommeil, la température corporelle, etc. Le lien entre cette horloge et la dépression saisonnière nous est expliqué par le Dr Éric Charles : « L’horloge biologique est régulée par la libération de la mélatonine ». La mélatonine est une neuro-hormone, c’est à dire une substance produite par un neurone et qui agit comme une hormone, en envoyant des informations à tous nos organes. Elle est fabriquée et libérée par notre cerveau uniquement la nuit. « Chez certaines personnes, cette libération de mélatonine est perturbée. Leur horloge biologique n’arrive pas à s’adapter à l’arrivée de l’automne et à la diminution de la durée du jour. Ceci crée des symptômes de la dépression saisonnière », développe Éric Charles.
Blues de l’hiver ou dépression hivernale ?
Nous sommes tous sensibles au changement de saison, mais certaines personnes n’arrivent pas à se resynchroniser, et de façon plus ou moins intense. « Pour ceux qui n’y arrivent qu’à moitié, on parle de blues de l’hiver : ils se sentent moins bien l’hiver et préfèrent l’été, sans qu’il n’y ait de symptômes de dépression. Pour ceux qui n’arrivent pas du tout à se synchroniser, on parle de dépression saisonnière. Ce trouble est récurrent, il apparaît chaque année en automne avec une rémission au printemps. », précise Éric Charles. Contrairement au blues hivernal qui n’est pas forcément traité, la dépression saisonnière doit être traitée rapidement pour ne pas perdurer jusqu’au printemps.
Comment reprendre le dessus ?
Une solution pour déjouer la dépression saisonnière : la lumière ! Elle peut resynchroniser l’horloge biologique. De manière relativement simple, essayez de vous acclimater avec la lumière du monde extérieur. Éric Charles nous conseille : « Quand le jour se lève plus tard en hiver, évitez de vous retrouver dans le noir le matin puis de passer la journée dans la lumière artificielle du bureau ». L’idée est de sortir à la levée du jour pour avoir un contact dès le matin avec la lumière. Mettez- vous à la marche matinale !
Aussi, les mois d’hiver froids et sombres peuvent nous pousser à rester au lit, manger plus et éviter les sorties. Et dépression saisonnière ou non, la sédentarité ne fait du bien ni au moral ni au corps ! Pour ne pas vous laissez aller : changez vos habitudes, votre décoration, faites du sport, gardez une vie sociale remplie et testez de nouvelles recettes saines et équilibrées (aux légumes d’hiver par exemple).
La luminothérapie
Le traitement classique de la dépression saisonnière est la luminothérapie. Le principe est d’exposer les patients à des moments précis à une lumière intense grâce à des lampes de luminothérapie. Ces lampes éclairent à une intensité de 10 000 lux, alors que les lumières de bureaux sont à 200-300 lux. « Il faut s’exposer le plus tôt possible le matin, pendant une demi-heure à cette intensité de 10 000 lux, tous les jours à la même heure et généralement deux semaines de cure suffisent », indique le Dr Charles. L’amélioration est même ressentie au bout de 2-3 jours en général. Les deux semaines permettent de maintenir l’efficacité tout l’hiver : « si un patient ne va de nouveau pas bien au cours de l’hiver, on peut proposer de refaire une cure, ce qui arrive rarement », rajoute Éric Charles. Il faut donc consulter son médecin dès les premiers signes pour être rapidement diagnostiqué et conseillé.
Le lux correspond à l’unité de mesure de l’éclairement lumineux.
L’horloge biologique influence aussi notre immunité !
En fonction du moment de la journée ou des saisons, nous avons une immunité plus ou moins bonne. Les personnes atteintes de dépression saisonnière, ayant leur horloge biologique décalée, peuvent connaître des variations de leur immunité, comme une plus grande sensibilité à certains moments par rapport à d’autres. Ces personnes ne sont pas pour autant immunodéprimées, c’est-à-dire qu’elles ne présentent pas de déficit immunitaire. Néanmoins, ces dérèglements peuvent avoir une incidence sur leur santé physique.
Comment la lumière agit sur notre cerveau ?
Pour nous sortir d’une dépression saisonnière, la lumière influencerait donc notre horloge interne. Quel est son secret ? Le Dr Éric Charles nous éclaire sur la question :
« Au niveau de la rétine, nous avons des cellules visuelles et des cellules photoréceptrices (qui reçoivent l’information lumineuse uniquement). Ces cellules reçoivent l’information lumineuse de la lampe de luminothérapie, qu’elles transmettent à une zone du cerveau appelée le noyau suprachiasmatique. Ce noyau correspond à notre horloge biologique. Il transmet l’information à la glande pinéale, une autre zone du cerveau, qui fabrique la mélatonine. L’objectif du traitement par luminothérapie est de modifier la libération de la mélatonine par cette glande pinéale. Ce n’est pas une régulation de la quantité de mélatonine libérée mais du moment de sa libération. Cette libération étant décalée chez les personnes ayant une dépression saisonnière, la luminothérapie permet de la resynchroniser. C’est très important de faire la luminothérapie tôt le matin parce que si, par exemple, on la fait le soir, nous avons l’effet inverse, on décale la libération de mélatonine dans l’autre sens. La luminothérapie peut être utilisée le soir dans certains troubles du sommeil, et le matin pour la dépression saisonnière. »
Par Lise de Crevoisier





