Le génome est l’ensemble de l’information génétique d’un individu, dont le support est l’ADN. Grâce aux avancées techniques, cette information peut être analysée – on parle de séquençage – et donner de nombreuses informations sur une personne (sous forme de données statistiques) : de la couleur des yeux, à la probabilité de développer telle ou telle maladie, en passant par les origines géographiques.
Certaines sociétés comme 23 and Me proposent de fournir ces informations aux particuliers en échange d’un échantillon salivaire (qui contient de l’ADN) à des prix de plus en plus abordables. En France, cette pratique n’est pas autorisée, mais nombre de Français ont déjà fait appel aux services de sociétés américaines.
En faisant une simple demande sur Internet, 23 and Me vous fait parvenir un kit de prélèvement salivaire. L’échantillon est à retourner par La Poste, et vous recevez ensuite les résultats par mail.
Témoignage
Nicolas, consultant en stratégie de 27 ans, a choisi de faire séquencer son génome en 2013, alors qu’il séjournait aux États-Unis.
Vocation santé : Qu’est-ce qui vous a poussé à vouloir faire séquencer votre génome ?
Nicolas : Je viens d’Argentine, un pays principalement composé d’immigrants, et je sais qu’une partie de mes ancêtres vient d’un peu partout en Europe. J’étais curieux d’en savoir plus sur mes origines.
V.S. : Quelles réponses avez-vous obtenues ?
N : Les résultats ont confirmé que la majorité de ma famille provenait d’Europe de l’Ouest. Et j’ai découvert que certains de mes ancêtres étaient juifs. J’ai partagé ces résultats avec ma famille. C’était intéressant de discuter avec mes grands-parents, c’était une opportunité pour eux aussi de découvrir leurs origines.
V.S. : Concernant le risque de maladie, qu’avez-vous appris ?
N : Avant d’obtenir l’ensemble des résultats, la société 23 and Me m’a envoyé un message indiquant que certains résultats pouvaient avoir un impact sur la façon d’envisager l’avenir, car il y a des indicateurs de maladies assez graves. J’ai décidé de tout savoir. Les résultats ont montré un risque un tout petit peu plus élevé que la moyenne de développer un cancer de la prostate. J’en ai discuté avec ma famille, qui m’a informé que des membres de ma famille avaient en effet été opérés d’un cancer de la prostate, donc j’ai pu obtenir des informations. J’ai posé des questions à mes médecins pour connaître les implications de ces résultats. Je me suis également beaucoup renseigné sur internet sur les moyens de prévention pour essayer de réduire le risque. J’ai réussi à obtenir des informations assez complètes, cette maladie étant assez commune.
V.S. : Est-ce que le fait de connaître cette information est anxiogène pour vous ?
N : Non, je n’ai pas spécialement peur, mais je suis peut-être plus attentif. Lorsque quelque chose ne va pas, je vais plus vite consulter un médecin. Peut-être que je ferai les tests de dépistage du cancer de la prostate avant d’avoir 50 ans.
V.S. : Vous ne regrettez donc pas d’avoir fait séquencer votre génome ?
N : Non, car mes résultats n’étaient pas mauvais. Ce qui m’inquiète plus, c’est la sécurité des données génétiques. On ne sait pas à quelles fins elles pourraient être utilisées…
Extraits des résultats de Nicolas.
Le point de vue du généticien
Le Pr Patrick Gaudray est généticien, directeur de recherche au CNRS et ex-membre du Comité consultatif national d’éthique. Il nous donne son point de vue sur les données médicales fournies par ces tests génétiques destinés aux particuliers.
Vocation santé : Les résultats donnés par les tests génétiques sont-ils fiables ?
Pr Patrick Gaudray : Les progrès techniques sont tels que le problème n’est plus tellement celui de la fiabilité des résultats. Ce qui pose question c’est le sens médical de ces tests. Selon moi, les résultats, donnés sous forme de statistiques, sont mal compris. Si le risque de développer telle maladie est de 100 %, tout le monde peut comprendre ce que cela implique, mais s’il est de 50 %, faut-il voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? En fait, si le risque est de 50 %, cela signifie que 50 % des personnes ayant un profil similaire vont développer ladite maladie. Mais ces résultats sont à mettre en perspective et n’ont pas de sens à l’échelle individuelle. Et cette nuance est difficile à comprendre pour tout un chacun.
V.S. : Désormais, les résultats concernant des maladies pour lesquelles il n’y a pas de traitement curatif ne sont donnés que sur demande. Est-ce une évolution suffisante ?
Pr P. G. : Aux États-Unis, les lois partent du principe que les individus peuvent décider pour eux-mêmes. En France, les lois protègent les personnes contre leur potentiel excès. Parfois c’est bien, parfois c’est exagéré. Dans ce contexte, je pense que c’est une bonne chose. L’homme est complexe, notamment sur le plan psychologique, on ne sait jamais comment il peut réagir à l’annonce d’une information brutale. C’est pourquoi en France, toute information génétique donnée doit passer par un conseiller génétique, dans un cadre strict, et non par des entreprises privées.
V.S. : Quel est le risque selon vous ?
Pr P. G. : Nous ne sommes pas uniquement déterminés par notre patrimoine génétique. Le risque est de ne vivre plus qu’en fonction de ces probabilités de développer une maladie, comme si nous étions tous des malades en sursis, « des malades qui s’ignorent » pour reprendre le Dr Knock, le personnage de Jules Romains. Je terminerai par cette autre citation « Il y a trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques » (Marc Twain).
Par Charlène Catalifaud