Suite à un rapport réalisé en 2020 sur la situation des femmes face à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), une loi votée en mars 2022 autorise un allongement du délai légal de l’IVG. Ce dernier passe donc de 12 à 14 semaines (soit 16 semaines d’aménorrhée), et s’accompagne d’autres mesures concernant les structures et l’information.
En réaction à cette nouvelle étape dans la liberté des femmes, Vocation Santé a tendu son micro à Marie, témoin de la lutte féministe et de la bataille pour l’accès à l’IVG.
Zone de non-droit
Je suis devenue femme dans une société, pas si ancienne, où la “liberté” des femmes était sous contrôle. On ne parlait pas de sexualité ni de contraception, disposer de son corps n’était pas un droit. Même si la pilule existait, son usage n’était, dans un premier temps, pas légal, et par la suite pas évident. Je ne parle même pas de l’avortement, un tabou (même parmi les femmes), synonyme de honte, de crime, de prison. L’accès à l’information n’était pas le même qu’aujourd’hui et la société avait du mal à accepter que l’on pouvait empêcher une grossesse, et donc avoir des relations sexuelles par simple plaisir.
La découverte et mon (auto)- initiation aux relations amoureuses et sexuelles n’a pas été une partie de plaisir. Les femmes avortaient illégalement, se faisaient cureter par des “faiseuses d’anges”, munies d’aiguille à tricoter, ou par aspiration, avec la méthode Karman1. Mais pour cela, il fallait avoir un réseau de bouche à oreille, toutes n’y avaient pas accès. Celles qui le pouvaient allaient en Suisse ou en Hollande.
Féministes d’hier et d’aujourd’hui
Dans les années 1970, les voix ont commencé à s’élever, menées par des femmes, intellectuelles, politiques, militantes, qui ont battu le pavé. Elles ont ainsi gagné de nombreux combats et ont donné aux femmes du futur les armes pour gagner leur liberté. Après cela, je pense que la lutte a vraiment repris dans les années 2000 avec le mouvement #Metoo. 1. La méthode de Karman, introduite en France dans les années 1970, consiste à aspirer le contenu utérin, sans anesthésie, à l’aide de la canule de Karman et d’une seringue.
Aujourd’hui, je suis heureuse de voir les femmes descendre encore dans la rue, mais navrée de voir qu’il faut encore se battre pour obtenir une liberté égale aux hommes.
Changement de regard
Je pense que si j’avais été adolescente dans les années 2000, j’aurais vécu une sexualité et un rapport au corps plus sereins. Je vois aujourd’hui une “visibilisation” des femmes et la possibilité de s’exprimer, ainsi qu’une libération des mœurs. Ce sont les fruits du combat.
Je pense qu’il faut également comprendre que l’avortement n’a jamais et ne sera jamais une partie de plaisir : c’est une épreuve dure et éprouvante que les femmes subissent. Il vient répondre au mépris de la société vis-à-vis des femmes, aux pressions et à la violence. Quand j’étais jeune femme (et encore aujourd’hui d’ailleurs), les hommes refusaient d’utiliser un préservatif et les femmes n’osaient pas parler ; nos désirs et nos corps était dépendants de cela.
Lutter encore et toujours
Même si beaucoup de choses ont changé, je trouve que la violence et la haine à l’égard des femmes sont encore profondément ancrées dans la société. Seule différence aujourd’hui, les lois sont là pour nous protéger.
« La violence et la haine à l’égard des femmes sont encore profondément ancrées dans la société… »
La lutte n’est pas finie et nos victoires peuvent sans cesse être remises en question, particulièrement en période de crise et selon les régimes politiques au pouvoir. Il ne faut jamais oublier que ce qui a été gagné par la lutte peut nous être enlevé, il faut être vigilantes.
Les avancées en quelques dates
- 1855 Invention du préservatif en latex naturel
- 1956 Invention de la pilule contraceptive
- 1967 Légalisation de la contraception
- 1971 Le viol est reconnu comme un crime
- 1974 Remboursement de la pilule contraceptive par la Sécurité sociale
- 1975 Dépénalisation de l’IVG à 10 semaines de grossesse (Loi Veil)
- 1982 Remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale
- 2001 Allongement du délai d’IVG de 10 à 12 semaines de grossesse (Loi Aubry)
- 2022 Allongement du délai d’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse
- Propos recueillis par Juliette Dunglas





