Rien de plus agaçant qu’attendre encore et encore le passage du marchand de sable… Nous avons consulté le docteur Marc Rey, président de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), pour répondre à vos interrogations.
« J’ai eu du mal à m’endormir toute la semaine dernière. Peut-on parler d’insomnies ? » • Cécile, 35 ans
Absolument. Il n’y a pas de définition objective de l’insomnie, elle dépend donc des ressentis personnels. Ainsi, on parle d’insomnie dès qu’une personne se plaint de difficultés pour s’endormir, d’un sommeil de mauvaise qualité ou encore d’un réveil précoce. Comme cette description est très globale, on considère que tout le monde a déjà souffert d’insomnie occasionnelle. En revanche, quand cette insomnie se répète environ 3 fois chaque semaine pendant plus de 3 mois, elle devient chronique. Par son côté répétitif, l’insomnie chronique peut être handicapante pendant la journée, avec l’installation d’une fatigue permanente, parfois accompagnée d’une irritabilité ou de troubles de la mémoire.
« Une amie m’a parlé de prendre de la mélatonine pour mieux dormir. Comment ça marche ? » • Benoît, 48 ans
La mélatonine est une hormone qui sert à réguler nos rythmes biologiques. Elle est sécrétée par la glande pinéale dans notre cerveau en l’absence de lumière, ce qui permet à notre corps de comprendre que la nuit est arrivée. Prenez garde à ne pas la confondre avec la mélanine, un pigment responsable de la couleur de la peau.
La mélatonine peut être utilisée pour aider à recaler votre horloge biologique et ainsi lutter contre les insomnies. Une faible dose (2 mg) peut être prise une demi-heure à une heure avant le coucher. Attention, elle ne fonctionne pas comme un somnifère avec un effet immédiat mais elle aide à retrouver un meilleur sommeil à long terme. Pour que ce traitement soit efficace, veillez donc à le prendre tous les soirs à la même heure.
« Avant de me coucher le soir, je passe du temps sur les réseaux sociaux. Est-ce que cela peut être la cause de mes insomnies ? » • Olivia, 19 ans
Oui, à cause de la fameuse lumière bleue des écrans qui peut perturber votre horloge biologique et retarder votre endormissement. Mais ce n’est pas la seule cause de l’insomnie. Les problèmes de sommeil sont fréquemment provoqués par le stress de la journée. Pour tomber dans les bras de Morphée, nous devons nous trouver dans une position sécure. Le stress et ses pensées parasites perturbent cet état de confort. Autre cause courante de l’insomnie : l’irrégularité des heures de lever et de coucher. Comme indiqué ci-avant, le fonctionnement de notre corps est orchestré par nos horloges biologiques. Certaines sont réglées sur 24 heures, on parle de rythme circadien. Lorsque ce rythme n’est pas respecté, le corps ne sécrète pas au bon moment les hormones et molécules propices à l’endormissement.
« Depuis le confinement, je dors très mal. Comment faire pour retrouver un meilleur sommeil ? » • Wassim, 29 ans
Avec la montée en flèche du télétravail, une augmentation des plaintes d’insomnies a été observée par les médecins ces derniers mois. Pour favoriser un meilleur endormissement, pensez à vous accorder un moment de calme, une heure avant de vous coucher. Pour cela, instaurez un « couvre-feu » des écrans et consacrez-vous à une activité monosensorielle plus reposante, comme lire ou écouter de la musique. Des tisanes à base de plantes (valériane, camomille…) ou des séances de yoga peuvent également s’intégrer dans votre rituel d’endormissement si elles participent à votre relaxation. Certains produits à base de CBD sont également disponibles sur le marché mais leur efficacité reste controversée. Si vous êtes trop énervé au moment du coucher, n’hésitez pas d’abord à vous défouler si cela est nécessaire. Pensez également à essayer de vous coucher tous les jours à la même heure afin que votre corps trouve son rythme.
« Est-ce que je peux regarder des dessins animés avec mon enfant jusqu’à tard le soir ? » • Ophélie, 35 ans
Le moment du coucher peut parfois devenir compliqué avec de jeunes enfants. Difficile de les mettre au lit quand ils ont encore envie de jouer pendant des heures ou lorsque vous avez l’impression de ne pas assez profiter d’eux le soir. Néanmoins, il est important de ne pas décaler les heures de sommeil des enfants qui sont eux aussi susceptibles de faire des insomnies. Un rythme veille-sommeil perturbé se traduira par un refus d’aller se coucher ou des troubles de l’humeur (énervement, agitation…) en journée. Il est donc important de ne pas conditionner leur insomnie en les couchant à la même heure chaque soir et en évitant au maximum les exceptions.
« Pour ne pas être fatigué, je dois me coucher beaucoup plus tôt que mon mari. Est-ce normal ? Devrait-il se coucher en même temps que moi ? » • Julien, 44 ans
Tant que vous êtes tous les deux satisfaits de votre sommeil personnel, pas d’inquiétude. Nous avons tous des sommeils différents, influencés par nos gènes, notre âge ou notre sexe. Pour les catégoriser, on parle de chronotypes. Il y a donc scientifiquement des personnes qui sont plus du matin, d’autres qui sont plus du soir, ainsi que des gros ou des petits dormeurs. De manière générale, il n’est pas utile de se coucher trop tôt pour corriger ou améliorer son sommeil à venir. Cette action peut entraîner du stress et des pensées dysfonctionnelles puisque l’on se focalise sur l’idée de bien dormir. En conséquence, le sommeil est plus long à venir et le temps supplémentaire passé au lit aura été inutile.
« Est-ce utile de parler de mes problèmes de sommeil à mon médecin ? J’ai peur de le déranger pour rien. » • Camille, 61 ans
Ne vous inquiétez pas, c’est une bonne idée d’en parler à votre médecin traitant. Il va évaluer la qualité de votre sommeil et, au besoin, vous rediriger vers un médecin du sommeil. Une thérapie cognitivo-comportementale pourra alors vous être proposée. La consultation avec un professionnel de santé permet aussi de déterminer si vos insomnies ne sont pas symptomatiques d’une pathologie plus globale. Un mauvais sommeil peut en effet être causé par des apnées du sommeil ou un syndrome des jambes sans repos nécessitant une prise en charge médicale. N’attendez donc pas le dernier moment pour évoquer vos problèmes nocturnes avec votre médecin en fin de séance. Il est bénéfique d’y consacrer une consultation entière.
Le sommeil au fil des âges
Notre sommeil a évolué au fil de l’histoire et nous n’avons pas toujours dormi d’une traite pendant la nuit. Au Moyen Âge par exemple, les paysans avaient l’habitude de faire une sieste l’après-midi afin d’éviter de sortir lorsque le soleil était au zénith. En conséquence, il était courant de se réveiller 1 à 2 heures en plein milieu de la nuit pendant la phase que l’on appelait la « dorveille ». Notre sommeil monophasique (ininterrompu) actuel découle de changements dans notre quotidien avec une nouvelle organisation du travail et l’invention de la lumière artificielle. Nous restons désormais éveillés pendant toute la journée et notre corps rattrape le manque de sommeil en dormant d’une traite la nuit.
- 10 % Plus de de la population souffre aujourd’hui d’insomnie chronique.
Par Baptiste Gaborieau





