Deux praticiennes de l’hypnose partagent leur expérience. Fanny Sidney, actrice et réalisatrice, connue pour son rôle dans la série Dix pour cent, a ouvert son cabinet en octobre 2017. Constance Flamand-Roze, ancienne orthophoniste et Docteur en neurosciences, est hypnopraticienne depuis 5 ans. Rencontre.
Le mot hypnose vous évoque probablement Messmer et ses spectacles fascinants. Pourtant, l’hypnose thérapeutique et l’autohypnose ne sont pas à mettre de côté. Nous les expérimentons même plus souvent que nous pourrions le croire.
L’Institut français d’hypnose définit l’état hypnotique comme « ce moment de conscience où les choses sont perçues autrement. Se mettre en état d’hypnose, c’est reproduire cet état de conscience avec un objectif (détente, soin, évolution personnelle). »
L’hypnose thérapeutique
« L’hypnose n’est pas une perte de contrôle, c’est tout le contraire : on reprend le contrôle de ses émotions et de ses sensations », explique Constance Flamand-Roze. « Au cours d’une séance, on va glisser dans un état de conscience un peu différent, pouvant se rapprocher d’une rêverie profonde », complète Fanny Sidney.
Le praticien induit l’état d’hypnose au patient et se sert de ses propres mots pour accéder à d’autres sensations, focalisées sur un sens par exemple.
« On coupe le mental, la réflexion, les autojugements. On circonscrit la bienséance sociale, on se permet d’autres choses. Une fois que l’on accède à cet état, on travaille avec le matériel inconscient qui se présente pour résoudre des problématiques » explique Fanny.
L’hypnose ericksonienne
Toutes les deux pratiquent une forme d’hypnose ericksonienne, inspirée par le psychiatre Milton Erickson (1901-1980). À l’âge de 17 ans, il attrape la poliomyélite (pathologie virale très contagieuse, aujourd’hui éradiquée) et se retrouve immobilisé, au point que les médecins pensent qu’il ne passera pas la nuit. Il se donne alors pour objectif de voir le soleil le lendemain, ce qu’il arrive à faire. Cette expérience s’apparente à un processus hypnotique : la futurisation. Après un coma de 3 jours, il se réveille totalement paralysé. Cette immobilité lui fait accéder à un autre état de conscience. Observant ses sœurs depuis son lit, il se rend compte que leur corps et leurs paroles ne disent pas la même chose. Plus tard, en regardant sa petite sœur apprendre à marcher, il réapprendra à marcher avec elle. Il utilisa d’abord l’autohypnose sur lui, avant de se dire qu’il y avait là un pouvoir thérapeutique.
Comment se déroule une séance ?
Les séances de Constance et Fanny se construisent de façon similaire. « Je prends la personne au téléphone entre 10 et 20 minutes pour m’assurer que je suis en mesure d’accompagner sa problématique », confie l’actrice.
Une fois le patient dans leur cabinet, les praticiennes posent le cadre : « J’explique ce qu’est l’hypnose, ce que ce n’est pas, et l’importance de l’autohypnose, indique Constance. C’est l’esprit du patient qui travaille, je ne le manipule pas. » Il faut en effet rassurer la personne, Fanny souhaite que ses patients sachent où ils vont : « La personne peut écouter ma voix, mais elle peut aussi décrocher. Elle a la possibilité de revenir à tout moment au présent, communiquer avec moi verbalement si elle en ressent le besoin et garder en elle ce qu’elle a à garder. Il faut poser un cadre pour que la séance soit la plus confortable possible. » L’ancienne orthophoniste prend également du temps pour connaître son patient : son métier, ses goûts, ses passions, sa famille et surtout pourquoi il est là, « ce dont il a envie de se débarrasser ». Puis la séance commence, et dure entre 20 et 30 minutes. Et enfin, le retour à l’état antérieur.
Y a-t-il des risques ?
Cela semble normal d’avoir des appréhensions à se laisser aller face à un inconnu. Pourtant, l’hypnose thérapeutique, avec un praticien correctement formé, ne pourra qu’être bénéfique. Le patient doit cependant vérifier sa formation avant de faire une séance et ne pas hésiter à l’appeler. Le praticien, quant à lui, doit être vigilant face à certaines situations.
« Il y a des pathologies psychiatriques avec lesquelles il faut faire très attention », met en garde Constance Flamand-Roze. Fanny confirme : « On ne travaille pas avec des patients ayant un terrain schizophrénique par exemple. » Mais même si vous tombez sur un thérapeute pervers, votre esprit ne se laissera pas faire : nous gardons en permanence notre libre arbitre.
L’hypnose au quotidien : l’autohypnose
Conduire sa voiture en mode pilote automatique lors d’un trajet habituel, être tellement absorbé par un film que le monde extérieur en est estompé : cet état de transe vous est sûrement familier. « Nous ne nous rendons pas compte à quel point nous sommes focalisés, comment nous pouvons faire totalement abstraction des bruits extérieurs », remarque Constance Flamand-Roze. Cet état d’absorption, nous le vivons plusieurs fois par jour.
Mais lorsque nous arrivons à le recréer de manière volontaire, dans un but précis, il s’agit là d’autohypnose.
Fanny Sidney partage avec nous un procédé qu’elle utilise beaucoup : la réification, encore appelée chosification. « La problématique est métaphorisée, que ce soit une douleur, un stress ou un blocage. On va engager l’inconscient à se demander à quoi ressemble le problème. Par exemple, un mal de dos deviendra une chape de plomb sur les épaules. Si l’imaginaire de cette sensation change, que ça n’est plus du plomb, mais du coton, la sensation changera. L’inconscient fait ses liens, il faut donc travailler à reprogrammer la nouvelle métaphore. » La jeune femme fait le parallèle avec le sommeil : « Dans les rêves on reçoit le message codé, en hypnose on change le code. »
Pour qui ? Pourquoi ?
Échelle d’hypnotisabilité
Des études réalisées dans les années 1950 ont montré l’échelle d’hypnotisabilité et de suggestibilité. Constance Flamand-Roze explique : « Sur la population, 25 % des patients sont très peu hypnotisables, 50 % le sont modérément et 25 % très fortement. Je pense que dans la tranche des 50 %, en fonction des moments de la vie et des objectifs que l’on se porte, on se déplace vers la droite ou vers la gauche. »
Des petits bobos aux pathologies plus sérieuses
L’hypnose thérapeutique peut devenir une aide dans pléthore de situations. Fanny a de nombreux profils de patients : « Préparer un entretien, se libérer d’une phobie, d’une obsession, gérer un deuil. Lorsque quelqu’un vient pour un arrêt du tabac, il y a souvent un désir de travailler une autre problématique, parce que l’addiction fait couramment écho à d’autres problématiques. »
Constance a, quant à elle, un pied dans la neurologie. Des neurologues lui envoient leurs patients : « Pour des tremblements, beaucoup de migraines, des douleurs chroniques, des tics et des tocs, etc. En revanche, je ne prends pas de patients dépressifs, il faut une formation solide en psychologie. »
L’état d’hypnose, vous l’aurez compris, tout le monde peut y accéder, il faut trouver la bonne méthode. Il s’agit d’un véritable moyen complémentaire pour les professionnels de santé.
Fanny Sidney raconte…
L’hypnose est géniale pour le travail avec l’acteur. C’est comme lorsque le metteur en scène te suggère des directions, que tu crois à une réalité qui n’est pas là. L’acteur est dans un état de transe. En hypnose, on peut activer son imaginaire comme un acteur. C’est un super outil. Je me suis formée pour moi, en tant que directrice d’acteurs et actrice, pour pouvoir encore mieux accéder à mes émotions. De fil en aiguille, je me suis dit que j’avais envie d’accompagner des gens autour de moi, c’est venu progressivement. Ce qui me passionne, c’est comment on raconte des histoires pour soigner. Grâce à la structure du récit que fait la personne d’elle-même, je vais pouvoir l’aider à se raconter une nouvelle histoire. Être actrice, directrice d’acteurs et scénariste, c’est regarder les autres et les comprendre. Mon travail, c’est d’accéder à la carte du monde de l’autre, c’est ça le plus beau.
Constance Flamand-Roze raconte…
Imaginez qu’un artiste, un peintre, vient me voir à cause de ses tremblements dus à la maladie de Parkinson. Lors de la pratique de son art, il est dans un état de transe, uniquement focalisé sur son pinceau et les couleurs. En séance, je vais concentrer son attention sur un son, sur une lumière ou sur ma voix. Il entrera alors dans un état d’hypnose naturelle. Je vais lui proposer d’imaginer qu’il est devant une toile, où il y aurait dessiné son tremblement comme des lignes brisées. Comme il est peintre, il pourra effacer, transformer cette représentation, en ce qui symbolise pour lui le contrôle et le bien-être. À force de répétitions, le cerveau va s’habituer à ce contrôle. Le patient devra faire cet exercice le plus souvent possible en autohypnose. Il pourra alors chez lui, quand il se met à trembler, faire venir des images qu’on aura travaillées en séance, qui lui permettront de maîtriser son tremblement.
Et les enfants ?
Grâce à leur imagination débordante, l’hypnose fonctionne très bien sur les enfants. Ils n’ont pas de blocages liés à leur connaissance de la réalité. « Les enfants sont tout le temps en état d’hypnose, plaisante Fanny. Ils symbolisent constamment et jouent avec leur imaginaire. L’hypnose est en relation avec la foi et la pensée magique. Comme le cinéma, c’est un pacte de crédulité : on va croire ou non à cette histoire que l’on va se raconter ensemble et qui sera soignante. » Hyperactivité, pipi au lit et gestion des angoisses peuvent donc trouver solution dans l’hypnose.
Livre
Le corps est le seul langage qui ne ment pas, par Constance Flamand-Roze, édition Les Arènes.
Dans l’introduction de ce livre, l’auteure compare les êtres humains à des arbres : il y a la partie visible et il y a les racines. Elle caractérise l’hypnose comme la réunion de l’arbre et de ses racines, de notre inconscient avec notre conscience. Elle raconte l’histoire de patients dont elle a croisé le chemin, et dont la vie a été changée grâce à l’hypnose.
Plus d’informations
IFPPC CAMKeys
Constance Flamand-Roze est membre de l’Institut français des pratiques psychocorporelles, qui regroupe une équipe de psychothérapeutes, de formateurs et de chercheurs autour des pratiques psychocorporelles. Intéressé par une thérapie, pour vous former ou tout simplement en apprendre plus sur l’hypnose ? Vous trouverez toutes les informations nécessaires sur le site : www.ifppc.eu
Par Léna Pedon