Thérèse a 37 ans et a le foie d’un autre. Elle nous raconte comment une maladie génétique l’a suivie discrètement pour finalement la rattraper au moment où sa vie professionnelle prenait son envol. Elle nous partage son histoire.
La découverte
Vers l’âge de 10 ans, j’ai appris que ma mère avait une polykystose hépatorénale. Une maladie qui se manifeste par des kystes bénins (non cancéreux) sur le foie et les reins qui grossissent tout au long de la vie. Les médecins nous ont dit que nous avions 50 % de risque d’être touchés. Partant de cette idée, mon frère l’étant, je me suis mise en tête que je n’étais pas concernée… Pourtant, à 27 ans, lors d’un checkup général, j’ai fait une échographie pelvienne qui a révélé des kystes au niveau des reins et dans le foie. Le choc. J’ai ressenti un énorme sentiment de solitude, car je m’étais construite dans l’idée de performance, de perfection, etc. Je me suis sentie fragilisée. J’ai vécu les différentes étapes psychologiques face à une telle annonce : colère, injustice, déni pendant quelques années.
Un foie de plus de 6 kg !
Malheureusement, quelques années plus tard, la maladie a pris plus de place physiquement : mon ventre a d’abord grossi, sans douleur et sans symptômes jusqu’à atteindre un ventre de femme enceinte de 6 mois. Ont commencé à venir les complications (douleurs dans le dos, dans les cervicales, diminution de mon souffle et de l’espace digestif), ce qui devenait critique en tant que chanteuse. Les médecins m’ont dit que mon foie faisait 6,5 kg quand un foie de taille moyenne adulte pèse 1,5 kg !
Une greffe pour améliorer ma vie et mon futur
J’étais alors suivie par un hépatologue et un néphrologue qui m’ont tous les deux conseillé de songer à la greffe. Je n’ai pas voulu tout de suite être inscrite sur la liste d’attente, car j’étais en plein « boum » professionnel : mon disque passait à la radio, je faisais des émissions de télévision… Et les médecins m’avaient prévenue qu’il y aurait une convalescence de 6 mois, avant de pouvoir remonter sur scène. En plus, je suis intermittente, donc l’arrêt maladie est compliqué…
Sans occulter qu’il y avait un risque sur 10 que l’opération se passe mal (complications, voire décès). Ceci étant, je savais que l’opération, serait une possibilité d’améliorer mes conditions de vie, mais aussi mon futur potentiel (pouvoir rechanter, envisager d’être mère). J’ai donc fini par accepter.
L’attente
À partir de ce moment-là, on fait des tas d’examens, sanguins, cardiaques, etc. En octobre 2022, je suis officiellement sur la liste. Dans la nuit du 4 au 5 novembre, après mon dernier concert prévu, vers 3 heures du matin, mon téléphone a sonné : « On a un foie, venez à 7 heures à l’hôpital ». Arrivée à l’hôpital, je fais quelques examens complémentaires, on me prépare.
Après la greffe
La greffe a duré plus de 6 heures. Ensuite, je suis restée à l’hôpital 12 jours alors que les médecins m’avaient dit 1 mois environ. Mais comme j’allais bien, que j’étais entourée chez moi (pour m’aider dans mon quotidien), les médecins m’ont laissée sortir. C’est environ 3 mois après la greffe que j’ai pu reprendre une vie dite normale.
La greffe a changé ma vie : aujourd’hui j’ai l’impression d’avoir un cadeau dans mon ventre en permanence. Bien sûr, la greffe ne va pas arrêter la maladie, mais c’est un répit ! Mes reins sont aussi touchés, mais les médecins surveillent leur fonctionnement et pour le moment tout va bien.
En termes de médicaments, j’ai une dizaine de comprimés à prendre par jour pour lutter contre le rejet. Ils ont évidemment des effets secondaires, principalement digestifs. Mais la première année est primordiale donc il faut les accepter et ensuite, par paliers, on pourra diminuer certains traitements m’ont prévenue les médecins. Au quotidien je suis vulnérable aux infections donc je fais très attention, je porte toujours le masque dans les transports, etc.
Ma vision des choses aujourd’hui
Je ne sais pas qui est mon donneur, son sexe, son âge, sa classe sociale, son orientation sexuelle… et pourtant il m’a sauvé la vie. Pour moi qui avais l’habitude de faire le plus possible toute seule, je me suis rendue compte que je ne serais rien sans les autres. J’ai aussi pris une leçon d’humilité ! Après 6 mois de convalescence, j’ai eu l’autorisation de remonter sur scène ! Des concerts sont prévus à partir de la rentrée, notamment le 28 septembre à la Boule Noire à Paris. Mon album sortira en février 2024 et je serai ensuite en tournée dans toute la France. Je prépare également un podcast qui va parler des musiciens et de leurs corps. L’idée est de désacraliser le statut de l’artiste dans la société, rappeler les conséquences de ce métier sur la vie et le corps des artistes qui doivent être hyper performants tout le temps.
« Je ne sais pas qui est mon donneur… et pourtant il m’a sauvé la vie. »
Tous donneurs ? Quel que soit votre âge : dites-le !
On estime qu’un tiers des prélèvements ne sont pas effectués parce qu’on ne sait pas si le donneur est d’accord ou non pour donner ses organes. La loi dit que si on ne s’est pas opposé sur le registre national des refus, on est donneur automatiquement. Sauf que, dans les faits et dans la loi, les médecins sont obligés de demander aux familles si les familles savent. Si la famille refuse parce qu’elle ne connaît pas la position du proche, les organes ne sont pas prélevés et c’est autant de vies qui ne sont pas sauvées. Donc, le savoir, c’est le pouvoir : dites-le à vos proches, car une personne peut sauver jusqu’à 7 personnes !
Pour en savoir plus : www.agence-biomedecine.fr
Témoignage recueilli par Gaëlle Monfort
Crédits : Thérèse





