Myriam Dannay est psychologue clinicienne spécialisée en psychopérinatalité. Elle publie « Parents de préma, comment traverser la prématurité ».
Les parents de prématurés sont-ils des parents comme les autres ?
Myriam Dannay : Non, ce ne sont pas des parents comme les autres car les conditions de la naissance de leur bébé ne sont pas comme les autres. Il s’agit d’une naissance traumatique. Toutes les représentations habituelles de la naissance, ou presque, sont absentes : un bébé joufflu, de la joie et des félicitations en cascade, etc. Dans ce cas, le premier sentiment est la peur de la mort du bébé.
Si la culpabilité de cette naissance prématurée est très souvent maternelle, les pères ont, eux, souvent peur de perdre leur femme et/ou leur bébé. C’est donc très différent d’un accouchement classique, et ça en fait des parents très différents, souvent traumatisés.
En quoi cette naissance prématurée est si différente ?
Parce qu’on ne peut absolument pas se préparer à cette naissance qui implique un risque vital immédiat. En plus, la mère est souvent séparée rapidement de l’enfant, et encourt parfois elle-même un risque vital.
Ensuite, les premiers jours sont aussi très différents : le bébé est dans une couveuse, souvent intubé et branché à diverses machines… On est loin du couffin près du lit maternel. La mère peut être dans une chambre, le bébé dans un autre service, le papa faisant le lien entre les deux. D’ailleurs le père est, dans ce cas, sur le devant de la scène et le plus exposé aussi aux annonces potentielles.
Il y a bien souvent un sentiment de culpabilité (infondé !) qui s’installe : se sentir responsable de la prématurité de son enfant.
L’ensemble peut rendre l’attachement des parents à leur bébé plus difficile, et c’est bien compréhensible ! Tous les parents « naissent » inquiets pour la santé de leur bébé, mais dans la prématurité le risque est bien réel.
Comment parviennent-ils à créer des liens ?
Il est indispensable de faire un travail de restauration de la place de la parentalité avec l’équipe soignante. Par des techniques faciles à mettre en place, les soignants font le pont entre les parents et le bébé, leur permettant non plus d’être visiteurs du bébé mais bien partenaires de soins. Cela passe, par exemple, par l’aide à l’allaitement, le peau-à-peau, les soins du développement, etc. tout au long des semaines d’hospitalisation.
Comment peut-on aider ces parents ?
Pour les proches, il est parfois difficile de trouver le ton juste. Lorsque le bébé est autorisé à rentrer à la maison, les soignants disent aux parents qu’il reste un bébé fragile. Les parents veulent alors créer une bulle autour d’eux (et la crise du Covid-19 a, en quelque sorte, bien aidé ces parents !), ce que les proches peuvent parfois ne pas comprendre. Il faut éviter les phrases type « Tourne la page, ça va aller maintenant ! », car on ne peut pas imaginer ce que ces parents ont vécu. Il faut soutenir ces parents mais les laisser vivre, à leur rythme. Parfois, une fois l’épreuve de l’hospitalisation terminée, ils peuvent craquer d’avoir vécu tant de choses difficiles alors qu’ils tenaient jusqu’ici. Là encore, le soutien familial est indispensable. Il ne faut pas chercher à rassurer les parents, la culpabilité est inhérente au traumatisme mais leur dire qu’ils assurent en tant que parents, oui !
Et il faut les aider à penser à eux car il n’y a actuellement aucun suivi psychologique ou physique particulier de prévu en cas d’accouchement prématuré. Par exemple, la majorité des femmes qui ont accouché prématurément ne font pas leur rééducation du post partum. Il est pourtant important qu’elles prennent soin d’elles, qu’elles se réconcilient aussi avec leur corps.
Il est utile d’aider ces parents au quotidien : ménage, repas, etc. Comme tous les jeunes parents, le retour à la maison est souvent compliqué ! En plus des visites médicales parfois plus nombreuses, il faut dire à ces parents que les représentations de la maternité et de la parentalité en général sont souvent fausses. Il faut dédramatiser et enlever les normes de notre société actuelle. Aujourd’hui les représentations de la maternité sont idéalisées et virent à la performance. Tous les parents en souffrent, surtout les parents de prématurés qui ne se sentent pas des parents comme les autres. Être parents, c’est le métier le plus difficile !
« Aujourd’hui les représentations de la maternité sont idéalisées et virent à la performance. »
Quand parle-t-on de prématurité ?
Selon l’Inserm, on distingue trois niveaux de prématurité :
- la prématurité moyenne qui correspond à une naissance intervenant entre la 32e et la 36e semaine d’aménorrhée (SA) révolue (7 mois à 8 mois de grossesse),
- la grande prématurité correspondant à une naissance intervenant entre la 28e et la 32e SA (6 mois à 7 mois de grossesse)
- et la très grande prématurité pour les naissances intervenant avant 28 semaines, soit en deçà de 6 mois de grossesse.
L’association SOS Préma
Créée en 2004, l’association compte 70 antennes en France et a déjà soutenu plus de 850 000 familles. SOS Préma se bat pour donner à tous les enfants prématurés les meilleures chances pour bien grandir.
Pour en savoir plus : www.sosprema.com
Le livre « Parents de préma, comment traverser la prématurité » est disponible sur le site de l’association.
Propos recueillis par Gaëlle Monfort (pour Ninon ♥)





