Le Nutri-Score, logo français issu d’une longue démarche scientifique, est visible sur les emballages de nombreux produits alimentaires depuis 2017. Son objectif est d’orienter les consommateurs vers les aliments de meilleure qualité nutritionnelle.
Il a intégré 60 % du marché alimentaire, a été adopté par sept pays européens et serait plébiscité par 90 % des consommateurs. Le Nutri-Score, ce logo informatif sur la qualité nutritionnelle des aliments, est visible sur le devant des emballages depuis 2017. « Le Nutri-Score est issu d’un travail scientifique par toute une équipe de recherche », insiste Serge Hercberg, épidémiologiste et nutritionniste, ex-directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren) de l’Inserm et de l’Université Sorbonne Paris Nord. Celui qui se refuse d’endosser le rôle de “fondateur” du Nutri-Score était pourtant déjà à la tête de l’équipe de recherche et du programme national nutrition santé, en 2013, quand la ministre de la Santé de l’époque, Marisol Touraine, lui a commandé un ensemble de mesures dans le cadre de la stratégie nationale de santé.
« L’idée est d’orienter les consommateurs vers les aliments de meilleure qualité nutritionnelle »
Remis en janvier 2014, ce rapport comportait ainsi 15 mesures, dont celle qui deviendra le Nutri-Score. Objectif : l’intégrer dans la loi de modernisation du système de santé de 2016. En 2017, « après 4 années de batailles contre les lobbies », le Nutri-score est officiellement adopté par arrêté ministériel.
Des informations facilement accessibles
Le Nutri-Score, non obligatoire pour les industriels, apposé sur le devant des emballages, par son échelle de couleurs et de lettres allant de A à E, aide le consommateur à « repérer facilement et de façon intuitive la qualité nutritionnelle des produits », promet Serge Hercberg. En ayant la possibilité ainsi de comparer des aliments de même type, « l’idée est d’orienter les consommateurs vers les aliments de meilleure qualité nutritionnelle ». Pour autant, le logo n’entraîne pas la suppression du tableau nutritionnel et de la liste des ingrédients. Moins intuitif, il permet néanmoins, à l’aide des nombreuses informations qui y figurent, de contrôler la justesse du logo Nutri-Score, « mais aussi de responsabiliser les entreprises au sujet des ingrédients qu’elles utilisent ».
D’ailleurs, dans un souci de transparence qui semble cher à Serge Hercberg, tous les consommateurs peuvent utiliser un calculateur, accessible sur le site Nutri-Score de Santé publique France, pour confirmer l’évaluation du score.
La démarche scientifique au cœur du Nutri-Score
Ce calcul est réalisé grâce à un algorithme, « fruit d’une longue démarche scientifique », précise le nutritionniste. « Ça fait 20 ans qu’on essaie d’avoir un logo nutritionnel », explique-t-il, soulignant néanmoins la foultitude d’études scientifiques qui ont depuis pu être mises au jour, renforçant ainsi la pertinence du Nutri-Score à travers un corpus d’études européennes. « Les recommandations de l’OMS indiquaient déjà de mettre en place des logos simples et compréhensibles par tous, pour contribuer à améliorer les choix alimentaires des consommateurs et donc de jouer sur leur état nutritionnel et de diminuer le risque de maladies ». D’après le médecin, plus d’une centaine d’études dans plus d’une vingtaine de pays viennent ainsi corroborer la robustesse de l’algorithme et l’efficacité de son format graphique…
« Plus d’une centaine d’études dans plus d’une vingtaine de pays viennent corroborer la robustesse de l’algorithme »
Si le fond du logo repose sur des études scientifiques, c’est aussi le cas de la forme, puisque des travaux ont été menés sur la compréhension objective des logos. En s’appuyant donc sur les logos déjà présents à l’international, les scientifiques ont pu « valider le format graphique et son efficacité en termes de perception et de compréhension ». Pour Serge Hercberg, la démarche derrière le Nutri-Score révèle « beaucoup de science qui soutient une idée de bon sens ».
Un algorithme en libre accès : comment ça marche
Afin de calculer ces scores, seules les informations nutritionnelles disponibles sur le tableau obligatoire sur la face arrière des emballages sont prises en compte dans l’algorithme, comme la quantité de sucres, de gras, de sel, de protéines, de fibres, etc. Le logo ne considère en revanche pas les additifs éventuels, ni la présence de pesticides ou autres produits non mentionnés dans le tableau nutritionnel. Cependant, les éléments “négatifs” revêtent une importance plus forte que les aliments qui pourraient apporter des points positifs.
« On peut avoir quelques aliments ultra-transformés qui ont une bonne composition nutritionnelle, ou l’inverse »
« L’intérêt est de pouvoir comparer des aliments de même type entre eux, avec des quantités pertinentes », insiste Serge Hercberg, qui dénonce dans les tableaux nutritionnels l’usage d’unités et de portions incomparables. Cependant, le Nutri-Score ne porte que sur la dimension nutritionnelle des aliments et ne peut donc pas prendre en compte d’autres dimensions également importantes comme les processus industriels et notamment le fait qu’un aliment soit ultra-transformé. « Même s’ils sont en général mal classés par Nutri-Score, on peut avoir quelques aliments ultra-transformés qui ont une bonne composition nutritionnelle, ou l’inverse », explique le scientifique. Mais les produits possédant des logos D ou E, donc, a priori, négatifs, ne sont pas pour autant à rayer de la liste de courses. Il est en revanche préférable de les consommer en petites quantités, de manière raisonnée et pas à chaque repas.
Mieux coller avec les connaissances scientifiques
À l’heure actuelle, six autres États que la France ont adopté le Nutri-Score, en conformité avec la réglementation européenne en vigueur. Seul regret pour Serge Hercberg : cette réglementation « ne donne pas la possibilité aux États de rendre le logo obligatoire ». Un combat que mènent le chercheur et son équipe, notamment contre la pression des lobbies et des entreprises qui ne veulent pas faire apparaître la qualité nutritionnelle des produits sur leurs emballages.
L’expert
Le docteur Serge Hercberg, épidémiologiste et nutritionniste, ex-directeur de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren) de l’Inserm et de l’Université Sorbonne Paris Nord.
La réglementation européenne ne rend pas le logo obligatoire, c’est au bon vouloir des industriels.
Mais, dès 2023, le Nutri-Score, mis à jour comme prévu régulièrement, pénalisera davantage certains produits, comme ceux qui sont les plus sucrés, mais aussi les viandes rouges, etc. Une meilleure discrimination sera aussi mise en place, par exemple entre produits issus de céréales complètes ou bien raffinées. Les huiles de colza ou d’olive seront, quant à elles, revalorisées. Ces adaptations, qui se poursuivront tous les 3 ans, devront suivre l’évolution des connaissances scientifiques.
Depuis sa création et par ses fondements scientifiques, le Nutri-Score a permis de faire plier certaines entreprises initialement opposées au logo. L’objectif maintenant, aux yeux des nutritionnistes, rendre obligatoire leur objet de santé publique, mais pour cela il n’y a pas le choix : il faut changer la règlementation européenne.
Par Pierre-Yves Lerayer





