Depuis plusieurs mois, nous voyons fleurir dans les rayons des supermarchés ce nouveau logo coloré à cinq niveaux. Qu’apporte-t-il vraiment aux consommateurs ? Pour le savoir, nous avons rencontré Serge Hercberg, professeur de nutrition à l’université Sorbonne Paris Nord, dont les travaux ont inspiré ce système d’étiquetage.
Vocation Santé : qu’est-ce que le nutri-score ?
Pr Serge Hercberg : Il s’agit d’un logo d’informations nutritionnelles destiné à aider les consommateurs quand ils font leurs achats alimentaires. Il leur permet de comprendre la qualité nutritionnelle des produits et donc d’orienter leurs choix vers des aliments plus favorables à leur santé. Cette indication est très importante, car tous les consommateurs ne sont pas conscients des valeurs nutritionnelles des aliments et sont parfois induits en erreur par les publicités. En effet, le score peut varier beaucoup d’un aliment à l’autre dans une même catégorie et d’une marque à l’autre. Prenons l’exemple des pizzas au fromage : le score s’étend de B à E d’un produit à l’autre, alors qu’ils semblent similaires. Pour les mueslis croustillants aux pépites de chocolat, il y a 35 marques, elles ont toutes le même nom, ou presque, pourtant, le score varie de A à E en fonction de la composition nutritionnelle, et ça, le consommateur ne peut pas le savoir si ce n’est pas affiché clairement.
Quels sont les aliments concernés par ce logo ?
Pr Serge Hercberg : Il peut être apposé sur tous les aliments qui ont un emballage et qui sont donc régis par l’obligation d’indiquer le tableau des valeurs nutritionnelles sur leur face arrière. Aujourd’hui, les fruits et légumes ne sont pas étiquetés parce qu’ils sont vendus sans emballage. Il est prévu de leur attribuer une note nutritionnelle. Et ce sera facile, ils sont tous classés A. Même les bananes, qui ont longtemps été un peu bannies des régimes alimentaires, ne posent absolument pas de problème en termes de composition nutritionnelle.
« Placé sur la face avant des emballages, il est plus pratique et plus rapide à décoder que le tableau des valeurs nutritionnelles. »
De A pour les produits les plus favorables sur le plan nutritionnel, à E pour les produits les moins favorables sur le plan nutritionnel.
Puisque le tableau des valeurs nutritionnelles existe et est obligatoire, pourquoi rajouter ce logo ?
Pr Serge Hercberg : Quand on est consommateur, ce tableau est assez incompréhensible, voire illisible, avec des termes “ésotériques”, des proportions (par 100 g, par portion, ramené en kcal), etc. L’idée est donc de synthétiser ces données obligatoires sous une forme simple, compréhensible, intuitive, qui permet réellement aux consommateurs, d’un simple coup d’oeil, de comprendre la qualité nutritionnelle des aliments.
Comment est-il calculé ?
Pr Serge Hercberg : C’est très simple. Il s’agit d’un algorithme qui prend en compte les éléments peu favorables pour la santé et les éléments favorables. Avec une pondération pour les points positifs ou négatifs, cela aboutit à un score, pour lequel des travaux ont permis de valider l’attribution des couleurs (de A à E). Ce calcul est public, on le trouve sur www.santepubliquefrance.fr où il y a même un calculateur qui permet en rentrant les éléments du tableau nutritionnel d’aboutir au score et donc à la note et à la couleur correspondante.
Est-ce que cet étiquetage est obligatoire ?
Pr Serge Hercberg : Il n’est pas obligatoire aujourd’hui parce qu’il existe une réglementation européenne qui empêche les États de rendre obligatoire un système d’informations nutritionnelles complémentaires sur la face avant de l’emballage des aliments. On espère que la loi européenne va changer, mais, pour le moment, il n’est donc utilisé que sur une base volontaire des industriels. Ce qui est obligatoire en revanche, c’est que, quand un industriel s’engage, il doit le mettre sur tous ses produits, il ne peut pas choisir de l’apposer seulement sur ceux qui sont bien classés par exemple.
Doit-on manger que des produits A ?
Pr Serge Hercberg : Non, pas du tout. Il convient certes de privilégier les aliments A et B, mais aucune exclusivité n’est obligatoire. Des aliments classés D ou E ne sont pas à exclure de l’alimentation. Cela veut simplement dire que ces produits, pour un bon équilibre nutritionnel, doivent être consommés en petites quantités, moins fréquemment. Il s’agit de choisir, par catégorie d’aliments, ceux qui sont le mieux classés. Il est tout à fait possible de consommer une barre chocolatée ou un soda classés E, à condition que ce ne soit pas à chaque repas, tous les jours et en grandes quantités.
Est-ce que l’on peut dire que les aliments classés A ne font pas grossir ?
Pr Serge Hercberg : Non, ce n’est pas aussi simple. L’idée n’est pas de dire qu’un produit est bon ou pas, ni sain ou malsain. Il s’agit de dire que, sur le plan nutritionnel, un produit est meilleur, ou moins bon, qu’un autre dans la même catégorie (même famille ou marques différentes). Ainsi, cela ne sert à rien de comparer une huile d’olive avec des céréales pour le petit déjeuner, mais cela permet de comparer l’huile d’olive avec d’autres huiles, des céréales de petit déjeuner entre elles ou encore les comparer à d’autres produits consommés au petit déjeuner comme le pain, les biscottes, des biscuits ou des viennoiseries. Ce que l’on peut dire en revanche, et cela a été retrouvé dans plusieurs études, c’est que plus on consomme des aliments qui sont mal classés par Nutri-Score, plus le risque de développer des maladies chroniques (obésité, cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, syndrome métabolique…) est élevé.
Depuis quand le nutri-score est-il utilisé ?
Pr Serge Hercberg : C’est une proposition qui a été faite en janvier 2014 dans le cadre d’un rapport remis à la ministre de la Santé. Il y a d’abord eu une forte opposition des industriels qui a conduit à de longues discussions houleuses. Il n’a ainsi pu être adopté en France que le 31 octobre 2017. Au départ, aucun industriel n’y était favorable ; au moment de la signature, ils étaient 6, puis 15, 30… Aujourd’hui, ils sont plus de 350 industriels à avoir adhéré et nous allons en voir de plus en plus dans les rayons des magasins. Mais il y a encore de grands groupes qui refusent de l’utiliser. Auraient-ils des choses à cacher ?
Qu’en est-il des additifs et/ou des pesticides ?
Pr Serge Hercberg : Le Nutri-Score ne prend pas du tout en compte la présence ou non d’additifs et de pesticides. En effet, actuellement, on n’est pas capable d’avoir un indicateur synthétique qui reprend à la fois les données nutritionnelles, les additifs et les pesticides (pour lesquels nous manquons encore d’informations). Pour ces aspects, il est conseillé de manger plutôt des produits bruts, non ou peu transformés. Si on opte pour des produits industriels, il convient de choisir ceux qui, dans la liste d’ingrédients, ont le moins d’additifs. Concernant les végétaux, les recommandations officielles préconisent les produits issus de l’agriculture biologique.
- 40 % du marché alimentaire est couvert par le nutri-score
Propos recueillis par Marianne Carrière