On parle beaucoup des troubles de la fonction érectile. Mais connaissez-vous les troubles féminins ? Zoom sur l’un d’entre eux : le vaginisme.
Où est le plaisir féminin ?
Pour parler du plaisir masculin, il y a du monde, d’ailleurs qui n’a pas entendu parler du Viagra ? La dysfonction érectile est connue et de nombreux traitements existent. Et chez les femmes ? Que leur propose- t-on quand elles ne peuvent pas avoir de rapports sexuels avec pénétration ? Face à une société sexiste, certaines voix (féminines évidemment) s’élèvent et se font de plus en plus entendre. Le vaginisme, trouble sexuel féminin, touche entre 4 et 17 % des femmes, selon les études. Laure Senemaud-Carriquiry, sage-femme et sexologue à Vincennes, confirme : « Le vaginisme est le motif de 15 % des femmes qui consultent un sexologue. C’est donc un trouble fréquent. » Pourtant, ce mal semble inconnu de tous et surtout des femmes qui, lorsqu’elles en souffrent, se sentent désespérément seules et ne savent vers qui se tourner pour obtenir de l’aide.
Plusieurs formes de vaginisme
« La définition du vaginisme est la contraction musculaire involontaire répétée (ou spasme) ou persistante du périnée (ensemble musculaire soutenant la vessie, l’utérus et le rectum) empêchant toute pénétration vaginale et responsable d’une souffrance chez la femme », nous explique Laure Senemaud-Carriquiry. La pénétration est donc impossible.
On peut définir deux types de vaginisme :
– Le vaginisme primaire : la pénétration a toujours été impossible, dès le début de la vie sexuelle.
– Le vaginisme secondaire : la pénétration est devenue impossible suite à un traumatisme, un conflit, un problème de santé, un accouchement difficile, une infection sexuellement transmissible, une endométriose, un cancer, etc. Notre experte précise : « Il y autant de vaginismes que de femmes ; le trouble est variable d’une personne à l’autre, avec des symptômes d’expression variables (sensations de brûlures, de tension ou de déchirement par exemple). »
Pas de cause unique
« Il n’y a pas une cause unique étiquetée responsable du vaginisme. C’est lors d’un interrogatoire très poussé avec la patiente que l’on peut trouver des pistes qui pourraient l’expliquer. » Cette difficulté est aussi à l’origine d’une longue errance médicale pour les femmes qui, pour certaines, peuvent avoir honte de parler de leurs troubles.
« C’est souvent lorsque le désir d’enfant apparaît que les femmes consultent », ajoute notre experte.
Il faut aussi faire attention aux croyances existantes dans certaines cultures autour de la pénétration et de l’impossibilité d’avoir des rapports sexuels, elles peuvent être à l’origine du vaginisme.
Une prise en charge multiple
Le vaginisme est une maladie complexe, multifactorielle et donc qui nécessite une prise en charge globale. Il y a d’une part une rééducation fonctionnelle à prévoir, et d’autre part une éducation sexuelle à compléter. Pour notre experte : « L’objectif du traitement est d’obtenir des relations sexuelles pénétratives vaginales complètes satisfaisantes non douloureuses et d’atteindre une sexualité harmonieuse avec accès au plaisir. »
Prise en charge physique
« Il s’agit d’enseigner à la femme le fonctionnement de son périnée. Il est indispensable qu’elle sache comment le détendre et le maîtriser », explique la sage-femme sexologue.
Mieux se connaître…
La kinésithérapie peut débuter par une prise de conscience de son périnée avec simplement… un miroir. « En connaissant mieux son anatomie, on comprend aussi mieux son fonctionnement. Cela permet de visualiser le blocage du périnée. »
… pour mieux se détendre
Ensuite, on peut avoir recours à des dilatateurs. « Ce sont des cylindres de différents diamètres, allant de la taille d’un auriculaire à celle d’un pénis. Ils permettent au cerveau de comprendre qu’il n’y a pas de danger ou douleur lors de la pénétration, comme une sorte de désensibilisation. » Au fil des séances, le diamètre inséré augmente, permettant ainsi de diminuer les contractions involontaires dues au vaginisme. Ce travail doit être fait au cabinet et à domicile. Pour de meilleurs résultats, aucune pénétration ne doit être tentée lors des rapports sexuels pendant le temps de la rééducation, pour éviter de brusquer le cerveau qui est en cours d’apprentissage.
Prise en charge psychologique
« Les femmes souffrant de vaginisme ont parfois une image erronée de leur corps, une vision négative de la sexualité (liée à leur éducation, leur religion ou leur vécu) avec un manque d’éducation sexuelle. Il s’agit donc de leur expliquer leur anatomie et ce qu’il se passe lors de la pénétration », détaille Laure Senemaud-Carriquiry.
L’éducation sexuelle passe aussi par l’exploration de son anatomie, la masturbation.
Enfin, certaines femmes suivront également une psychothérapie pour rechercher d’éventuels blocages (anxiété, phobie, traumatisme, problèmes conjugaux…) et les résoudre.
Idéalement, le ou la partenaire doit aussi participer à cette part du traitement et s’assurer qu’il n’y a pas non plus un dysfonctionnement de son côté.
Jusqu’à la guérison !
La bonne nouvelle pour les femmes, c’est que le vaginisme peut être guéri. Le processus est long – plusieurs mois – mais on peut se sortir de ce trouble : cela signifie que des rapports avec pénétration seront possibles sans douleur. Notre sage-femme ajoute : « Il faut dire aux femmes de consulter dès l’apparition d’un blocage. Trouver le bon interlocuteur est souvent difficile, mais la démarche de consulter permet d’éviter l’installation d’un sentiment de culpabilité chez la femme. Avant tout, il faut que la femme consulte pour elle, car elle n’est pas responsable, elle a un trouble sexuel. »
Vous pouvez consulter une sagefemme, un gynécologue ou un sexologue. Certaines sages-femmes ont une formation de sexologue, tout comme certains psychologues. N’hésitez pas non plus à rechercher des contacts connus comme bienveillants, par exemple via les réseaux sociaux ou associations de patientes.
« Le vaginisme, c’est aussi se sentir seule, ne pas savoir à qui en parler »
Ne pas confondre avec les dyspareunies
Les dyspareunies sont les douleurs présentes lors des rapports sexuels. Elles ne sont pas liées à un trouble du périnée comme pour le vaginisme.
Pour aller plus loin
Association Les Clés De Vénus www.lesclesdevenus.org
Comptes Instagram à suivre @lesmotsdoraily @debloquetachnek • @corpsjetecoute
Focus sur… Le périnée
À lire
Jouissance club de Jüne Plã, aux éditions Marabout
À corps et à cris d’Eve Cambreleng, aux éditions Albin Michel
Témoignage
Aurélie a 30 ans, elle a souffert de vaginisme et en parle aujourd’hui librement pour que le tabou et l’isolement des femmes cessent.
Comment définiriez-vous votre vaginisme ?
Je souffre de vaginisme secondaire. Il s’est installé de façon progressive : au départ j’ai eu une vie sexuelle normale. Puis j’ai eu des pénétrations de plus en plus douloureuses, avant de ne plus pouvoir en avoir du tout. Ce trouble s’est établi en quelques semaines.
Quels sont les symptômes ?
Ça a débuté par des douleurs lors de la pénétration, comme des sensations de brûlures, de déchirements. Ces phénomènes de vaginisme se produisaient lorsque je ne maîtrisais pas la situation. Par exemple, si je devais insérer dans mon vagin un tampon ou un spéculum, il n’y avait pas de contraction du périnée. Mais lorsqu’il s’agissait d’un geste fait par un médecin ou mon conjoint, impossible.
Comment avez-vous été diagnostiquée ?
Ça a été un long chemin car je n’ai pas toujours rencontré des professionnels de santé compréhensifs et connaissant le vaginisme. Et surtout parce que je n’osais pas en parler. Une fois, un gynécologue m’a dit « Vous voyez, ça marche ! » en insérant un spéculum, alors que j’étais tordue de douleurs… J’ai mis près de 2 ans à savoir qu’il s’agissait de vaginisme. C’est la sage-femme en charge de mon suivi après mon premier accouchement qui a repéré le problème et m’a expliqué que j’avais un trouble au niveau du périnée. Elle m’a redirigée vers une sage-femme sexologue.
Quelle a été alors la prise en charge ?
J’ai eu une rééducation du périnée « à l’inverse » : j’ai dû apprendre à le décontracter au lieu de le contracter, comme le font les femmes qui viennent d’accoucher. Mon objectif était de réapprivoiser mon périnée pour éviter sa contraction systématique. Il m’a fallu près de 8 mois de kinésithérapie ! Il y avait une rééducation fonctionnelle (avec l’aide de dilatateurs) pour « apprendre » à mon cerveau qu’il n’y avait pas de danger, donc pas de contraction à effectuer. Ensuite, j’ai eu une prise en charge psychologique (sexothérapie) pour défaire les blocages que j’avais autour de la sexualité et découvrir aussi qu’il existait d’autres sources de plaisirs possibles que la pénétration. Enfin, j’ai effectué une psychothérapie pour comprendre d’où pouvaient venir ces blocages soudains.
Comment allez-vous maintenant ?
Aujourd’hui, je me considère comme guérie car je peux avoir des rapports sexuels avec pénétration et je sais qu’on peut surmonter son vaginisme, ce qui n’est pas toujours connu des femmes. C’est pour cette raison que j’en parle librement !
Aurélie a raconté son parcours face au vaginisme dans l’épisode 127 du podcast de Bliss stories, disponible sur toutes les plateformes. Elle a également un compte Instagram, @lesmotsdoraily, sur lequel elle parle de son quotidien.
Par Gaëlle Monfort





