Une maladie qui rencontre encore des difficultés à être expliquée. Le syndrome de l’intestin irritable peut avoir un retentissement très important sur la qualité de vie. Bien que bénin, les symptômes de ce syndrome sont douloureux et importunant, et ses traitements ne sont pas toujours efficaces. Nous avons interrogé un gastro-entérologue à ce sujet.
Le syndrome de l’intestin irritable
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) touche 5 % de la population adulte, plus souvent les femmes, et se manifeste souvent avant 50 ans. Il s’agit d’une maladie digestive bénigne, mais responsable d’une gêne conséquente. Ce trouble est chronique et invalidant, les symptômes reviennent souvent et durent dans le temps. Le syndrome de l’intestin irritable associe :
- des douleurs abdominales (survenant au moins un jour par semaine depuis au moins 6 mois),
- une relation entre douleur et défécation (soulagement ou aggravation des douleurs abdominales à la défécation),
- une modification de la fréquence et/ou de la consistance des selles.
L’inconfort digestif et la présence de ballonnements sont souvent associés, mais ne font pas partie de la définition du SII. « Ce sont des personnes avec des symptômes digestifs un peu divers et variés, sans signal d’alarme », précise le gastro-entérologue interrogé. Ce qui peut poser problème lors du diagnostic. Selon le trouble de transit prédominant chez le patient, on distingue plusieurs formes du SII :
- avec diarrhée prédominante,
- avec constipation prédominante,
- une forme mixte avec alternance des deux, ou des formes sans véritable trouble du transit.
La présence de comorbidités associées au SII est fréquente : fibromyalgie (douleurs et sensibilité à la pression), dyspareunie (douleurs pendant ou après les rapports sexuels), migraines… Les patients n’ont, en général, pas de symptômes nocturnes, ne perdent pas de poids, n’ont pas de carence et n’ont pas de rectorragie. « Les examens endoscopiques (coloscopie), recommandés après 45 ans, sont normaux, ainsi que les marqueurs sérologiques de la maladie cœliaque », précise-t-il.
Notre expert ajoute : « Dans la pratique, les patients atteints n’ont pas des symptômes majeurs. Mais le ressenti est important et peut être très invalidant. Les patients décrivent des altérations importantes de leur vie, de leurs sorties, de leurs interactions… ».
Les examens
Pour mettre en évidence un syndrome de l’intestin irritable, les médecins vont avant tout éliminer toutes les autres pathologies qui peuvent porter le même type de symptômes, mais dont les causes sont plus graves. Par exemple : le cancer du côlon, la maladie de Crohn ou la maladie cœliaque.
Pour cela, ils réalisent des examens endoscopiques. « Souvent, on va faire une gastroscopie avec biopsies duodénales pour écarter une maladie cœliaque, une coloscopie après 45 ans, une prise de sang standard, avant de confirmer le syndrome de l’intestin irritable. Les examens dépendant des symptômes du patient », précise notre gastro-entérologue.
Les mécanismes du syndrome de l’intestin irritable
Les mécanismes du syndrome de l’intestin irritable ne sont pas connus. Plusieurs hypothèses sont émises pour expliquer ce syndrome, telles que des troubles de la motricité de l’intestin grêle et du côlon (accélération ou ralentissement du transit), une augmentation de la perméabilité intestinale, un déséquilibre du microbiote intestinal (dysbiose), des mécanismes centraux (stress, anxiété, dépression, un événement de vie douloureux), une hypersensibilité intestinale, des anomalies des mécanismes de contrôle de la douleur viscérale, ou encore une malabsorption des sels biliaires.
Rôle de l’alimentation et du microbiote intestinal
L’alimentation a donc un rôle sur le SII, déjà par les effets de ces Fodmaps, mais également par le fait que lorsque l’on change notre alimentation, nous modifions le microbiote. « Et le déséquilibre du microbiote intestinal est l’une des pistes pour expliquer le syndrome de l’intestin irritable », nous explique le gastro-entérologue. Les patients prennent souvent des probiotiques (pour “améliorer” leur microbiote), mais leur efficacité est faible, même si quelques études sont positives. Demandez conseil à votre médecin.
Les techniques alternatives
Parfois les patients atteints essaient des techniques alternatives comme l’acupuncture, la sophrologie, la méditation pleine-conscience, l’ostéopathie, etc. Pour certains, l’état s’améliore beaucoup, mais nous ne savons pas par quel mécanisme.
L’état psychologique des patients peut également retentir sur l’intestin irritable, donc, en plus des traitements médicamenteux proposés et du régime pauvre en Fodmaps, le gastro-entérologue indique que l’hypnose par exemple, a montré son efficacité dans le SII, ainsi qu’une psychothérapie dirigée sur l’intestin.
Comment agir ?
Les traitements
Dans ce syndrome de l’intestin irritable, les médecins sont parfois mis en porte-à-faux, avec des difficultés pour soulager les patients. « Ces patients nous mettent très souvent en échec, nous confie le médecin, parce qu’on ne connaît pas trop la cause finalement, et donc on ne sait pas très bien traiter cette maladie. »
En première ligne, les médecins peuvent proposer des médicaments antispasmodiques (qui vont diminuer les douleurs abdominales) même si le niveau de preuve est faible, des ralentisseurs du transit (chez les patients ayant des diarrhées prédominantes), ou des laxatifs (chez les patients ayant plutôt des constipations).
En général, les patients avec un syndrome de l’intestin irritable ont « essayé beaucoup de médicaments sans parfois de véritable efficacité », d’après le gastro-entérologue. Il ajoute : « le régime sans Fodmaps a montré son efficacité dans de nombreuses études. Il a même été mis en évidence récemment qu’il était plus efficace à court terme que les traitements antispasmodiques. ».
Le régime pauvre en Fodmaps
Les Fodmaps (acronyme anglais pour : Fermentable oligo-, di-, mono-saccharides and polyols) sont des sucres largement présents dans l’alimentation qui ne sont pas absorbés ou mal digérés au niveau intestinal (fructose, lactose, fructanes, etc.). Ils vont donc soit être dégradés par les bactéries du tube digestif, qui vont créer des gaz, soit modifier la pression osmotique, ce qui va faire comme un appel d’eau au niveau du tube digestif. Ceci va entraîner des symptômes digestifs (douleur, trouble du transit, borborygmes, des ballonnements). La consommation de Fodmaps peut avoir ces répercussions chez les personnes atteintes du SII, contrairement à la population générale.
Commencer un régime pauvre en Fodmaps permet d’améliorer rapidement l’état de certains patients, notamment à court terme, mais le problème, nous explique l’expert, c’est que « les Fodmaps, il y en a un peu partout dans l’alimentation. Donc l’objectif n’est pas de faire un régime complet sans Fodmaps, parce que c’est très compliqué, mais plutôt de limiter les grosses sources de Fodmaps, que sont le pain, les pâtes, les pizzas… et ce n’est pas toujours facile non plus ». Ce régime est parfois difficile à appliquer, et peut nécessiter le recours à une diététicienne, pour éviter les régimes trop restrictifs (pouvant conduire à des carences en micronutriments) et pour identifier les principaux aliments sources de symptômes avant de réintroduire d’autres aliments. Les patients ne sont pas tous sensibles aux mêmes Fodmaps, et parfois peuvent ne pas y être sensibles du tout.
Dans la pratique, ce régime Fodmaps est très efficace, mais ces restrictions sont fatigantes pour les patients, et la difficulté est de le poursuivre au long cours. Les conseils du gastro-entérologue : « Il faut tout d’abord substituer des aliments par des aliments à faible teneur en Fodmaps pendant 2 à 6 semaines pour voir s’il y a une amélioration des symptômes, puis réintroduire progressivement des aliments contenant des Fodmaps en jugeant des symptômes, et enfin personnaliser l’alimentation en évitant les aliments qui déclenchent les symptômes pour une utilisation prolongée du régime. »
Chaque personne ayant un SII possède son propre traitement. Il faut détecter ce qui déclenche les crises, ou ce qui ne les déclenche pas, et trouver ses bonnes habitudes.
Le lien entre le « régime sans gluten » et le « régime sans Fodmaps », raconté par notre expert
« Le régime pauvre en Fodmaps a permis une avancée et une forte amélioration des symptômes pour les patients atteints du SII, car les traitements médicamenteux restent parfois peu efficaces. De nombreuses personnes ont initialement été améliorées par le régime sans gluten, car en supprimant la consommation de farines, elles réalisaient un régime pauvre en Fodmaps, ce qui diminuait leurs symptômes. Actuellement, le régime sans gluten ne marche plus chez les patients atteints du SII car la plupart des produits vendus sans gluten (comme le pain sans gluten) contiennent de fortes doses de Fodmaps. Des études ont montré que l’ajout de gluten chez des patients qui réalisaient des régimes pauvres en Fodmaps n’avait aucune incidence sur la réapparition des symptômes. »
Réduire le stress pour réduire ses symptômes
« Une tête apaisée permet aussi d’améliorer le syndrome. Pour cela, agrémentez votre routine de petits moments détente : sorties entre amis, activités physiques, relaxation, repos… tout ce qui vous fait du bien ! »
Par Lise de Crevoisier





