Le médecin généraliste dispose aujourd’hui d’un arsenal thérapeutique qui va au-delà de la seule prescription médicamenteuse. On connaît les cures thermales depuis longtemps déjà… Mais savez-vous que, depuis le 1er mars 2017, votre médecin traitant peut également vous prescrire du yoga, du basket, du vélo, et bien d’autres sports encore ?
Les cures thermales
Bien que controversées – de nombreux médecins demeurent sceptiques quant à leurs bénéfices –, les cures thermales restent une thérapie complémentaire non médicamenteuse de choix pour de nombreuses affections. Elles sont prescrites dans 12 orientations médicales, avec, en premier plan, les problèmes rhumatologiques. En effet, 65 % des curistes suivent une cure pour ces raisons. C’est le cas de Jérôme, 55 ans, qui souffre de douleurs chroniques liées à l’arthrose. Il revient tout juste de sa troisième cure en Lozère et raconte : « Pour moi, la cure thermale est un complément indispensable pour aller mieux ».
Une cure thermale dure 18 jours. Le curiste bénéficie de quatre soins par jour remboursés par l’Assurance maladie et adaptés à chaque spécialité. « En rhumato, il s’agit surtout de jets en piscine, de mobilisation en piscine en présence d’un kiné, de bains de kaolin et de douches pénétrantes… », indique Jérôme. Les soins sont formalisés par le médecin thermal à l’entrée de la cure. Celui-ci assure ensuite le suivi du curiste pendant toute la durée de la cure thermale, puis rédige un compte rendu de sortie de cure à destination de son médecin traitant. « En tout, les soins durent environ 1 h 30 par jour, ce qui laisse pas mal de temps libre… », explique Jérôme. Bon marcheur, il profite donc de ce temps consacré à sa santé et à son bien-être et du cadre ressourçant des cures thermales, pour faire de longues marches en pleine nature. « Je suis conscient que la cure thermale, ce n’est pas Lourdes ! », souligne-t-il. En effet, avec 1 h 30 de soins par jour, il ne faut pas s’attendre à des miracles… et l’activité physique reste la clef de voûte de la prise en charge de nombreuses pathologies, notamment rhumatismales. Pourtant, fervent défenseur des bienfaits des eaux thermales, Jérôme n’exclut donc pas la possibilité d’obtenir exactement les mêmes effets s’il partait faire 3 semaines de marche ! Pour appuyer ses propos, il cite la campagne de prévention actuelle de l’Assurance maladie : « Mal de dos ? Le bon traitement, c’est le mouvement ! ». Et justement, grande nouveauté de l’année 2017, l’activité physique peut maintenant être prescrite par les médecins traitants !
Activité physique sur ordonnance
Depuis le 1er mars 2017, tous les médecins généralistes peuvent prescrire de l’activité physique adaptée à leurs patients atteints d’une affection de longue durée (ALD). Au nombre de 30, les ALD comprennent notamment les accidents vasculaires cérébraux invalidants, les diabètes de type 1 et 2, la maladie d’Alzheimer, les tumeurs malignes… Pourront donc figurer sur l’ordonnance de ces patients des sports tels que le tennis, le basket ou encore la natation !
L’histoire du sport santé commence en 2012, à Strasbourg. Le Dr Alexandre Feltz, adjoint au maire de la ville, constate les inégalités en matière d’accès à l’activité physique. Si les bienfaits du sport sur la santé sont aujourd’hui largement prouvés et reconnus, et que la tendance est plutôt de se « mettre » ou « remettre » au sport, toute une frange de la population souffre d’un manque flagrant d’activité physique. Alexandre Feltz soumet alors au maire de Strasbourg l’idée de mettre en place un dispositif de sport sur ordonnance dans sa ville, un projet que le politicien prend à bras le corps. « Le sport santé, c’est l’activité physique régulière, modérée, sécurisée et adaptée à l’état de santé du patient », précise Alexandre Feltz. Ainsi, les médecins généralistes peuvent prescrire de la marche ou du vélo, dits « modes de déplacements actifs », mais également « des sports adaptés » tels que le basket santé, le tennis santé, ou le karaté santé, avec des règles et un matériel différents. Par exemple, la pratique du tennis dans le cadre d’une prescription médicale ne peut se faire qu’en double et avec des balles sous-gonflées. L’idée n’est donc pas de devenir le futur Federer ou Nadal, le concept même de compétition étant absent du sport santé… Enfin, des sports plus doux, tels que le yoga, Tai Chi, Chi Gong, entrent également dans le cadre du sport santé.
Parvenue aux oreilles de l’ex-ministre des Sports Valérie Fourneyron, l’initiative alsacienne a fait l’objet, en 2015, d’un amendement adopté à l’unanimité par les députés lors des discussions sur le projet de loi relatif à la modernisation du système de santé. Le « sport sur ordonnance » est ainsi devenu un vrai sujet de société. Finalement, le décret du 30 décembre 2016 a confirmé son introduction dans la loi, et est entré en application le 1er mars 2017. Cependant, les conditions de remboursement restent floues et dépendent des régions, départements, villes, réseaux… « Il existe de grandes disparités à l’échelle nationale, ce qui pose un vrai problème quand on est dans une optique de généralisation, déclare Alexandre Feltz. À Strasbourg, par exemple, la première année est gratuite, puis les 2e et 3e années sont soumises à une tarification solidaire. » Le médecin regrette que l’Assurance maladie ne participe pas au financement : « Nous aimerions qu’elle s’implique dans le sport santé de la même manière qu’elle le fait pour le sevrage tabagique avec les patchs nicotiniques ». Comment ? En apportant une aide de 150 euros à tous les patients bénéficiant d’une ordonnance de sport santé. Cette participation forfaitaire “de base” permettrait d’avoir un modèle national qui viendrait compléter les modèles locaux.
Un label sport santé ?
Actuellement, le Dr Alexandre Feltz coordonne plus de 60 villes en France appartenant au réseau français des Villes-Santé de l’OMS. Objectif : les aider à mettre en place leur propre système de « sport sur ordonnance ». Pour cela, il faut des structures dédiées. « Nous en sommes encore aux prémices, mais l’idée serait d’avoir des structures labélisées sport santé », avance le médecin. C’est tout l’enjeu de la création des 500 maisons sport santé promises par le gouvernement Macron (voir encadré). Quant aux professionnels qui pourraient délivrer l’activité physique adaptée (APA), ils sont déjà dans les starting-blocks : qu’il s’agisse des professionnels de santé (kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens), ou des professionnels du milieu sportif tels que les éducateurs sportifs ou les enseignants en APAS (activité physique adaptée santé), ils ne manquent pas à l’appel et n’attendent que le top départ.
Réduire la prise médicamenteuse
Alors que la France se place parmi les pays d’Europe qui consomment le plus de médicaments, l’un des principaux objectifs du sport santé est d’en réduire la consommation. Une réduction que revendique également le secteur des cures thermales pour justifier sa place dans l’arsenal thérapeutique. D’ailleurs, Jérôme indique prendre moins d’antiinflammatoires depuis qu’il a commencé les cures. Pour Alexandre Feltz, les cures thermales relèvent plus du bien-être que de la santé : « Même si je suis favorable à l’investissement dans les thérapies non médicamenteuses, la seule chose qui est prouvée par rapport à la santé, c’est l’activité physique ! » En effet, les cures thermales ont un niveau de preuve scientifique bien moindre que l’APA. « Malgré tout, il s’agit de deux prises en charge complémentaires », conclut-il.
Et si tout était question de business ?
Alexandre Feltz voit grand. Dans le futur, il imagine même que l’activité physique puisse devenir une coprescription obligatoire de certains médicaments, notamment ceux connus pour favoriser la prise de poids, tels que les neuroleptiques. Mais, pour l’heure, il s’agit tout d’abord de lever les derniers freins à la généralisation du sport sur ordonnance. Et Alexandre Feltz a bien conscience du principal problème : « Il n’y a pas de modèle économique du sport santé, pas de laboratoire qui vend des médicaments sport santé ! ». De ce côté-là, les cures thermales se portent plutôt bien. Jérôme n’est pas dupe : « Les quatre soins remboursés par l’Assurance maladie deviennent quasiment le minimum, en cure. De plus en plus de soins spécifiques, non remboursés et qui se rapprochent de ceux que l’on pourrait trouver en spa, sont proposés durant la cure thermale ». Est-ce que tout ne serait pas une question de business ? Ou plutôt, d’absence de business, en ce qui concerne le sport sur ordonnance…
La cure thermale en chiffres :
Le gouvernement « en marche » et le sport sur ordonnance
Dans le programme d’Emmanuel Macron figurent :
La création de 500 maisons sport santé, lieux de la coordination, de la recherche et de l’innovation sur le sport santé,
Le remboursement des licences sportives sous ordonnance pour les personnes en Affection longue durée (ALD).
Ces informations ont été confirmées par la ministre des Sports, Laura Flessel, lors des deuxièmes assises européennes du sport santé sur ordonnance qui se sont déroulées à Strasbourg le 12 octobre 2017.
Clémentine Vignon